Editorial de KASSATAYA. Maladie présidentielle : Pour la démocratie, prévoir un délai !

abdoulayecalameLes épreuves que vient de vivre la Mauritanie montrent à quel point le pays est à la traine sur le chemin des meilleures pratiques en matière de Gouvernance. Un homme qui se vante d’être à lui seul les quatre points cardinaux du pays, obligé d’être partout (omniprésent), de tout concentrer et de faire tout lui-même (omnipotent donc) et d’être au courant de tout (omniscient) était à l’article de la mort et tenu éloigné de son fauteuil quarante jours durant.

Pendant tout ce temps, la situation ne fut gérée que par une poignée « d’élus » qui se recrutaient essentiellement dans la parentèle. Le pays fut globalement tenu dans l’ignorance de ce qui se passait.  Premier accroc donc à la gestion démocratique : il n’y avait aucune transparence dans la gestion de la situation.

De ce premier constat a découlé un certain nombre d’événements dont le plus marquant fut sans doute que toutes les forces qui aspiraient à prendre la place du Calife durent reposer leurs calculs sur… les rumeurs portant sur la santé du chef de l’Etat. Incroyable ! S’en remettre à la maladie d’un adversaire pour le remplacer dans une démocratie ! Exit les programmes politiques, exit les projets de société, exit les alternatives offertes ! La maladie d’un adversaire tient lieu de programme ! Leurs sources ? La personne qui a entendu le voisin de la cousine du pêcheur qui dit avoir vu l’ombre de la queue du monstre du Loch Ness ! Laborieux n’est-ce pas ?

Dans cette surenchère à base de rumeurs, le summum fut atteint quand, au lieu de s’en remettre à la constitution (désespérément muette et « carante » en l’occurrence) l’espoir fut placé en… l’institution militaire (encore elle) pour débloquer la situation. C’est dire combien notre démocratie est solide. L’institution militaire qui s’incruste au pouvoir depuis le 10 juillet 1978, directement ou par délégation, et qui compromet toute chance de démocratie.  Et au bout de tout, une maladie devenue le meilleur allié et le plus efficace accélérateur de popularité pour un pouvoir chahuté par une partie de l’opposition.

Que restait-il à espérer sinon que le patient, revenu de nulle part, tire tous les enseignements d’une  situation qui engendre l’instabilité ? Dans un pays où les échéances électorales sont sans cesse reportées avec pour résultat une assemblée nationale, les maires et les deux tiers du Sénat siégeant alors que leur mandat a expiré, une gestion consensuelle et inclusive s’impose. Parce qu’une démocratie vaut surtout par le respect des échéances électorales régulières ; les élus doivent remettre leurs mandats aux électeurs une fois le terme échu. Les nôtres ont été élus pour cinq ans (pour la plupart). Ils ne peuvent s’octroyer une prolongation sans en référer à ceux qui les ont mandatés. Et puisqu’ils siègent aujourd’hui en dehors du contrat signé avec les électeurs, la moindre des rectitudes et des cohérences voudrait que la gestion soit consensuelle et concertée en attendant de retourner devant l’arbitrage des électeurs. En lieu et place, le président reprend les rennes du pouvoir, toujours omniprésent, omnipotent et omniscient (d’aucuns diraient alors dieu). Après 35 ans de gestion militaire dont 20 sous M. Ould Taya, M. Ould Abdel Aziz estime que les Mauritaniens pouvaient encore souffrir une gestion autoritaire et solitaire. Dans notre situation, c’était, semble-t-il, ça l’urgence. Sur le plan du principe et de la légalité, il en a sans conteste le droit : il est l’émanation d’une élection dont les résultats ont été reconnus par la quasi-totalité de ses adversaires (exception faite du cousin présidentiel et tribal M. Ely Ould Mohamed Vall). Mais sur le plan de l’opportunité politique il y avait surement mieux à faire.

Abdoulaye DIAGANA

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