Blessure du président mauritanien Mohamed Ould Abd El Aziz : Le Qatar et le Maroc pointés du doigt

(Crédit photo : Al Akhbar)

Voilà maintenant plus d’un mois que le président mauritanien, Mohamed Ould Abd El Aziz, est hospitalisé en France après avoir essuyé, selon la version officielle, un tir accidentel d’un élément d’une unité de l’armée mauritanienne, le 13 octobre dernier à Tweila (localité située à 40 km de Nouakchott).

La classe politique mauritanienne ne croit cependant pas aux arguments avancés par le gouvernement. Si certaines parties sont persuadées qu’il s’agit là d’un règlement de compte au sein même de l’armée, d’autres, en revanche, accusent sans détour le Maroc d’être «trempé» dans un plan consistant à éjecter Mohamed Abd El Aziz du circuit. Des cercles proches du pouvoir à Nouakchott présentent du moins le Maroc comme étant l’un des principaux commanditaires de la «tentative d’assassinat» de l’ancien général.
La thèse est, en tout cas, ouvertement soutenue par Aqlame, un quotidien mauritanien en ligne.

Ce média et ainsi d’ailleurs qu’une bonne dizaine d’autres journaux locaux vont plus loin en révélant que le chef de l’Etat mauritanien aurait même refusé d’accueillir un émissaire du roi Mohammed VI venu lui souhaiter un prompt rétablissement. Aqlame affirme, en outre, que la Mauritanie a adressé un courrier à un pays «ami» dans lequel il est précisé noir sur blanc que le Maroc est «indexé» dans l’incident. L’émissaire refoulé serait Riad Ramzi, le chef adjoint de la mission à l’ambassade du Maroc à Paris. Et ce serait l’ambassadeur mauritanien en personne qui aurait transmis la fin de non-recevoir à Riad Ramzi. Alors, info ou intox ? Il n’en demeure pas moins vrai que Riad Ramzi, en dépit du silence observé par l’ambassade du Maroc à Paris, n’a pas eu l’occasion de rencontrer Mohamed Ould Abd El Aziz afin de lui remettre la lettre de son souverain.

Le constat a ainsi amené de nombreux observateurs de la scène politique à Nouakchott à soutenir le caractère «tout à fait plausible» de la piste marocaine. D’autres n’excluent pas aussi «l’hypothèse que Rabat ait pu, dans cette affaire, sous-traiter pour le Qatar». Quel intérêt aurait pu avoir Doha à déstabiliser Mohamed Ould Abd El Aziz ? «Les raisons sont innombrables», répond-on ! En guise d’arguments, l’on rappelle que le président mauritanien faisait déjà depuis quelque temps l’objet de pressions de la part du Qatar. L’émir de ce petit pays, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, essaye, en effet, de pousser le chef de l’Etat mauritanien à négocier et partager le pouvoir avec le parti islamiste local, Tawassol, actuellement dirigé par Mohamed Jemil Ould Mansour.

Conjonction d’intérêts

Ce qui a d’ailleurs fortement déplu au président Ould Abd El Aziz. C’est, dit-on, la raison pour laquelle d’ailleurs il a décidé, il y a quelques mois, d’abréger une visite de l’émir du Qatar à Nouakchott.
Devant le refus d’obtempérer du pouvoir mauritanien, les pressions qataries se sont accompagnées d’une campagne médiatique féroce lancée par la chaîne de télévision Al Jazeera. Considérée comme le bras médiatique de la monarchie qatarie, celle-ci a, en guise de représailles, largement ouvert son antenne aux islamistes mauritaniens. Les Qataris sont allés même jusqu’à utiliser le clivage dangereux entre les populations maures et négro-mauritaniennes pour affaiblir le président Ould Abd El Aziz.

Déjà mise en œuvre dans plusieurs pays du Monde arabe, la stratégie de cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani consiste à mettre aux commandes les islamistes partout où cela est possible. Le but : consolider bien évidemment son influence et donner à son pays une forme de prolongement (profondeur) stratégique. D’ailleurs, plusieurs services de renseignement occidentaux accusent ouvertement le Qatar de financer le Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) au Sahel.

Et le lien avec le Maroc dans tout cela ? Au-delà de la solidarité avérée qu’il y a entre les deux monarchies (le Maroc n’est-il d’ailleurs pas aux portes du Conseil de coopération du Golfe et n’a-t-il pas donné son feu vert pour le retour d’Al Jazeera au Maroc ?), Rabat gagnerait effectivement aussi à voir le président Ould Abd El Aziz poser un genou à terre. Ou même les deux. Un professeur de l’université de Nouakchott spécialisé dans le dossier et ayant requis l’anonymat rappelle, à ce propos, que le Maroc a toujours voulu, mais vainement, que le président mauritanien sorte de la réserve officielle et change sa position de neutralité concernant le sort du peuple sahraoui. Ce sont tous ces éléments qui convainquent aujourd’hui les Mauritaniens que le couple Qatar-Maroc n’est pas étranger à une partie de leurs malheurs.

Zine Cherfaoui

Source  :  El Watan le 18/11/2012{jcomments on}

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