Un mois de confusion et de non dit

(Crédit photo : Sneiba el kory / Le Calame)

Voilà donc un mois que le Président est alité en France, pour un tir d’arme, «accidentel» selon la version officielle. Depuis lors, la gestion du pays est entrée dans une spirale de confusion et d’informel qui a ouvert la voie à toutes les supputations et commérages. Une histoire inédite autour de laquelle rien n’a été officiellement dit.

Que de contradictions, que de flous et que de zones d’ombres dans toutes les tentatives d’explications de ce qui s’est passé dans cette soirée du 13 octobre aux environs de Toueïla! Mais, en Mauritanie, tout se sait ou se saura : «ou par celle-ci ou par celle-là»… Ce regrettable incident aura, au moins, eu quelques mérites : en un, démontrer, à ceux qui en doutaient, que les affaires du pays n’étaient qu’entre les mains d’un seul homme : Mohamed Ould Abdel Aziz. En deux, que les institutions républicaines, dans un pays comme la Mauritanie où la force est la principale source et émanation du pouvoir, ne sont pas plus « grandes » que cela. En trois, que le peuple n’a aucune importance, pour ceux qui se sont imposés à sa gouvernance. La preuve : le refus de l’informer, officiellement, de la maladie du Président est une marque de mépris et de déconsidération, éloquente, en plus d’une enfreinte, flagrante, d’un droit constitutionnel avéré. Dans cette terrible confusion, les paradoxes, les contradictions et les non-dits ne manquent pas. Pas question de rappeler quelques questions classiques, comme « un Président qui se balade en privé, sans garde rapprochée allégée ? » ou « les conditions réelles du supposé accident qui a failli tuer le Président ? ». Encore moins l’envie de citer toutes ces histoires fantastiques et aussi extraordinaires les unes que les autres pour dire comment l’incident est arrivé. Déjà, la fausseté des informations contenues dans la ridicule prestation du ministre de la Communication, à quelques dizaines de minutes de l’incident, et la mise en scène de mauvais goût de l’officier supposé avoir tiré sur le Président ont suffi à comprendre que « quelqu’un, quelque part », cherchait à cacher « quelque chose ». Entretemps, le pays tourne au ralenti. Un mois d’hibernation pour le gouvernement. Pas de Conseil de ministres. Juste quelques tournées à l’intérieur, pour superviser qui une vente de terrains, qui un traçage de pare-feux, qui une distribution de quelques tonnes de riz. Dans l’ombre, au niveau des institutions monétaires nationales : Banque centrale, Direction Générale du Trésor Public, Direction du Budget, Direction générale des douanes, Port autonome de Nouakchott, Direction générale des impôts, etc., que se passe-t-il ? En tout cas, il est connu que, lorsque le chat est absent, les souris dansent. Et les sociétés internationales qui pillent nos ressources ont-elles continué, au moins, à nous verser le menu fretin qu’elles nous octroyaient ? Quel est le rôle de l’institution militaire, pendant cette absence présidentielle ? L’opposition parle de détournements de fonds vers l’étranger et de très mauvaise gestion, au cours de ces dernières semaines. Un audit permettrait d’édifier sur ces graves accusations. Le Président aurait téléphoné au président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkhaïr, au coordinateur des partis de la majorité, Ethmane Ould Cheikh Belme’Ali, et au président d’El Wiam, Boydiel Ould Houmeid. Tous trois ont trouvé opportun de rendre public quelques pans de leurs entretiens avec Sa Majesté. En quoi cela était-il important : des salamalecs en privé, assortis d’amabilités et d’assurance d’évolution de santé. A quoi servent, alors, les institutions de la République ? A quoi sert un gouvernement ? Incapable de faire bouger un cheveu, en l’absence du Président, et ne méritant pas d’avoir la primeur d’informer le peuple de l’évolution de la santé de celui-ci. L’autre soir, un député de la majorité, un transhumant venu de l’opposition sous les couleurs de laquelle il a été élu, depuis son lointain Aftout, semblait s’étonner de l’exigence de certains de tout savoir sur la santé du Président. Pourtant, ce n’est pas si étonnant que cela ! Il y a, même, plus étonnant. Par exemple, que le lieutenant qui aurait failli tuer le Président soit envoyé en stage, avec, en prime, trois millions cinq cent mille ouguiyas, par ces temps de vaches maigres. Que les médias officiels contournent toute information liée au « tir par erreur » sur le Président. Et que tout un gouvernement, les institutions parlementaires et la majorité présidentielle ne puissent, même pas, donner la moindre indication fiable, sur la maladie du Premier responsable du pays est, non seulement, étonnant mais ridicule et honteux. Personne, quelle que soit la « solidité de sa peau », ne peut contester, aujourd’hui, que la Mauritanie est dans une grande confusion institutionnelle. Un Parlement et un Sénat « périmés », pour reprendre l’expression d’un homme de l’opposition, des élections législatives et municipales dont la date d’organisation est largement dépassée. Un pays sans tête, dirigé, dans l’ombre, par on ne sait quelle institution. Un gouvernement inopérant qui reçoit des instructions ou des ordres d’on ne sait où. Un peuple divisé, entre une opposition qui s’époumone, hystériquement, à sortir d’un tunnel qui s’assombrit, de jour en jour, et une majorité composée de pseudo-cadres, aux relents d’applaudisseurs aguerris, n’ayant aucune gêne de venir raconter, à tout vent, insanités et mixages hétéroclites d’indécences, pour justifier une allégeance déplacée et aléatoire qu’ils renieront, au premier indicateur de changement. En attendant, le Président gît, toujours, sur un lit d’hôpital en France, sans que le peuple sache dans quelles conditions le « tir ami » qui a failli l’emporter a été envoyé. Ni par qui, ni comment, en son absence, les affaires du pays sont gérées… Confusion et non-dit, c’est ça, la Mauritanie d’aujourd’hui.

Sneïba El Kory

Source  :  Le Calame le 14/11/2012{jcomments on}

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