Chronique d’Ould Beheite: Les ânes du Brakna : au-delà du danger environnemental

(Crédit photo : Marc Demoulin / GEO magazine)

{jcomments on}En moins de cinq ans, c’est-à-dire depuis 2007, la population asine du Brakna s’est multipliée par des nombres incalculables mettant à rude épreuve des pâturages déjà surexploités par le cheptel national.

A l’origine de cette croissance qui bouleverse toutes les prévisions statistiques et met en péril les équilibres des écosystèmes en même temps qu’elle aggrave l’insécurité routière, les agriculteurs de la rive gauche du fleuve Sénégal, notamment ceux de la canne à sucre qui ont visiblement trouvé la parade pour écarter le danger que constituent ces animaux errants. Un danger d’autant plus pesant que les hordes d’ânes, livrées à elles mêmes, se multiplient à une vitesse vertigineuse et constituent, bien avant les granivores et les sangliers réunis, la première menace pour les cultures même les plus protégées.
Avec l’aide de mauritaniens organisés en filières de passeurs clandestins des ânes, les agriculteurs sénégalais ont mis sur pied des ponts fluviaux pour faire traverser vers la rive mauritanienne les encombrants prédateurs.
A cet effet les passeurs, désignés par les intermédiaires sénégalais sous le vocable de la mafia asine, reçoivent 6000cfa (environ 1000 um) pour chaque animal qui quitte mort ou vif le territoire sénégalais et qui échoue en territoire mauritanien.
Le ministère de l’agriculture sénégalais débordé et en butte aux revendications des agriculteurs, verrait d’un bon œil ce mouvement migratoire et offrirait, selon certaines sources, sa bénédiction et ses subsides à ceux qui en assurent la fréquence.
Depuis 2010, le même phénomène est signalé à Ould Yengé, Messiel Lehbech, Tenaha, Hamoud et Kankossa, ce qui signifie que les agriculteurs Maliens de la région de Khaye, confrontés au même fléau, se seraient inspirés de la méthode sénégalaise pour jeter, au-delà du Kara Koro, cette population indésirable.
Pour leur part, les mauritaniens agriculteurs et éleveurs qui croient avoir affaire à un don de dieu, s’empressent de mettre leurs marques, et au feu, sur chaque âne qui foule le sol national. Un accueil rituel est même parfois organisé quand l’arrivée de quelques dizaines d’ânes est annoncée, façon de mettre en évidence le caractère providentiel de cette manne.
Dépassées par l’ampleur du phénomène, les autorités locales se cachent désormais derrière le prétexte des marques. Quand la remarque ou qu’une plainte leur est adressée par des citoyens qui ont eu maille à partir avec les hordes asines, la réponse est toujours la même ; ces ânes sont la propriété de mauritaniens, ou encore, allez voir la tribu dont les ânes portent la marque et demandez des réparations, c’est prévu par la Charia Islamique.
De toute façon la situation devient intenable. Ceux qui voyagent sur les axes Nouakchott-Rosso, Rosso-Boghé, Nouakchott-kaèdi et sur la route de l’espoir vous le diront. Les ânes mettent en danger l’environnement et les vies humaines sur les routes.
Certains techniciens des ministères de l’agriculture et de l’environnement qui ont pris conscience de la gravité de la situation, pensent qu’un campagne de liquidation physique en vue de limiter au stricte minimum nécessaire la population asine, doit être entreprise en urgence et que des contrôles strictes doivent être assurés sur le fleuve et le Kara Koro pour juguler cette migration d’un genre nouveau.
En 2010 déjà les populations de Boghé, ayant tenté en vain d’amener les autorités à protéger leurs cultures contre les ânes errants (Tidrghin), se seraient organisées en comités de lutte contre l’entrée clandestine de ces animaux dans tout le Fouta. Les résultats de la mobilisation de Boghé, quoique palpables, n’ont pas donné satisfaction car les point de passage sur le fleuve ne cessent de s’accroitre en raison de l’intérêt que tire la mafia asine de cette étrange activité.
A Dar El Avia circule l’anecdote selon laquelle, une famille qui voulait décourager un prétendant au mariage de sa fille, aurait demandé à ce dernier une dote de Cinq Cent Mille Ouguiya.
En apprenant cela le prétendant se serait mis à rire et, loin de baisser les bras devant le défi d’une telle épreuve, aurait dit à sa propre famille : ils sont fous ces gens s’ils croient me décourager en exigeant de moi cette somme. Tant que les points de passage des ânes existent, rien n’est impossible. Préparez-vous au mariage dans cinq jours.

Ould Beheite

Source  :  Le Calame le 27/09/2012

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