{jcomments on}Al Jazeera / France 2, même combat? En ce qui concerne ce qui se passe en Syrie, rien ne nous sera épargné. Depuis des mois Al Jazeera s’est faite chantre des «printemps» arabes, bafouant allégrement toute déontologie, provoquant ainsi une crise interne à la chaîne d’infos en continu: démissions de journalistes, tollé de protestations, accusations de partialité et de manipulations…
De là à dire que Al Jazeera a «fait» les révolutions arabes, il n’y a qu’un pas…
A tel point que même chez nous, lors de la dernière visite, quelque peu houleuse, de l’émir du Qatar à Nouakchott, la presse s’était empressée de «révéler» que le prince qatari aurait agité une menace de «lancer» Al Jazeera sur la Mauritanie et de déclencher une révolution à l’instar de ce qui se passe ailleurs. Sur la véracité de ces «révélations», nous ne saurons rien. Mais ce qui importe, c’est le fait que les journalistes en aient parlé, révélant par là le malaise qui agite les spectateurs de la plus célèbre chaîne d’infos arabe.
La presse française n’est pas en reste, en particulier en ce qui concerne la Syrie. La chaîne publique, France 2, a ouvertement choisi son camp, celui de la rébellion, délaissant la déontologie au profit de la partialité. Et elle n’est pas la seule. Que vous écoutiez la radio publique ou les radios privées, que vous lisiez la presse dite de droite ou de gauche, c’est le grand matraquage médiatique.
Les éditorialistes ont emboîté le pas des politiques, sans se poser de questions, sans analyses.
A la télévision publique, seuls les rebelles ont droit de parole. Pas un reportage sur les fidèles du régime syrien, pas de témoignages. Comme si toute la Syrie se résumait aux rebelles….
Pourtant que de questions en suspens:
D’où proviennent les armes des rebelles, depuis le début de l’insurrection? Qui sont les rebelles? Qui sont ceux qui arborent le drapeau noir du djihad? Quel est le rôle des islamistes dans le soulèvement? Quid des exactions pratiquées aussi par les rebelles? Qui a intérêt à une chute du régime syrien? Au profit de quelle puissance de la sous région? Quel est le rôle du Qatar, de l’Arabie Saoudite, pourtant régimes peu démocratiques mais fort religieux et totalitaires? Quel intérêt de la Turquie? Quid des Kurdes? A qui profiterait une partition de la Syrie? Quid de la légitimité de pouvoirs non démocratiques mais pourtant en proue dans la lutte contre la chute du régime syrien? Quid de la «spontanéité» du soulèvement syrien? Quid d’Israël?
Etc., etc….
L’exemple libyen n’a apparemment pas suffi : nous voici aujourd’hui avec une Libye, certes débarrassée de son mégalomane de dirigeant, mais agitée par des tensions et des affrontements qui ressemblent fort à une guerre civile en gestation.
Les pays du Maghreb hormis le Maroc et, du moins pour le moment, la Mauritanie, ont tous basculé vers des gouvernances islamistes.
Je ne crois pas à la théorie du domino qui voudrait que le battement d’aile de papillon que fut la révolution tunisienne fasse basculer le monde arabe dans son entier.
Pendant la révolution égyptienne, les médias français, puisque qu’il s’agit d’eux, se sont focalisés sur les bloggueurs de Tahrir, faisant semblant de ne pas voir que sur cette même place ce n’était pas les bloggueurs qui étaient le plus nombreux mais les Frères Musulmans. Permettant ainsi des «étonnements» pieux sur le résultat des élections égyptiennes et l’arrivée d’un islamiste au pouvoir.
Dans l’imaginaire journalistique français, les révolutionnaires, selon un prisme romantique, ne peuvent être que des laïcs…. Héritage, sûrement, de la Révolution Française…
Ils n’ont pas vu, ces envoyés spéciaux, que certaines personnes qu’ils interviewaient leur disait ce qu’ils avaient envie d’entendre : laïcité, anti religieux, femmes, agressions contre les chrétiens, etc…
Les discours qui plaisent aux européens… Mais qui ne reflètent pas la réalité.
L’autre jour, je dînais chez des amis français qui m’affirmaient haut et fort, reportages de France2 à l’appui, que les Chrétiens étaient persécutés dans le monde arabe. La dualité facile du méchant musulman contre le gentil copte ou orthodoxe…. Si France 2 le dit c’est que c’est la vérité non?
Ce ne sont pas ces téléspectateurs qui sont à condamner mais les marchands d’images, ceux qui font l’info, qui formatent les esprits, qui arrivent, à force de matraquage, à instituer en dogme la politique étrangère de leur pays.
Tout occupés à critiquer ou à moquer les médias étrangers, en particulier, les médias américains, nos journalistes en oublient l’auto-critique.
Une dépêche arrivée dans une rédaction perd son conditionnel.
Les médias français, comme un erzatz de Voice Of America, de la grande époque où la sape du bloc communiste était à l’œuvre, et où les pays « libres » annonçaient l’espoir aux populations de derrière le Rideau de Fer….
Je suis d’une génération où nous admirions la presse dite occidentale; la seule qui nous semblait, dans ces années là, crédible. A l’époque des dictatures dans les pays arabes et, donc, pas de liberté de la presse. Chez nous c’était le bon vieux temps d’un seul journal officiel.
Nous rêvions de cette presse, en particulier française (proximité historique oblige) où une impertinence nous paraissait être du génie, où une presse d’opinion était le summum.
C’était la presse d’avant les médias sociaux, des milliers de télévision, de la course à l’info….
Aujourd’hui l’info ne vaut plus pour ce qu’elle doit être mais est un produit consommable.
Elle est le grand cirque qui abreuve les téléspectateurs le soir au repas.
Elle est Big Brother, faisant et défaisant les rois, sabordant toute critique et pensée rebelle.
La presse est révolutionnaire tant que la révolution se fait ailleurs.
La presse est devenue la caisse de résonance des officines de renseignement.
Elle est ces correspondants de guerre dans les hôtels où se côtoient journalistes, mercenaires, agents de renseignements…
Elle est victime consentante du sabordage de l’intellect.
Bye bye la Libye : Kadhafi est tombé, on passe à autre chose, abandonnant la Libye à son sort. Plus de reportages, plus d’infos.
Bonjour la Syrie et vive les dictateurs du monde arabe, du moins certains dictateurs, comme s’il y avait une gradation dans la dictature : la dictature syrienne est à abattre, celle d’Arabie Saoudite très fréquentable, celle du Qatar encore plus fréquentable ( on ne peut abattre ceux qui injectent des milliards dans l’économie française), les Turcs sont redevenus « cool » ( bye bye les kurdes), la monarchie marocaine très à la mode, un coup d’état en Mauritanie juste un hoquet de l’histoire, Israël, hé bien Israël on n’en parle pas…
Si nous avons la presse que nous sommes censés mériter alors nous ne valons pas grand chose.
Salut
Mariem mint DERWICH
Source : Le Calame le 01/08/2012
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