Dans une sorte de restitution avant terme des résultats du Programme phare de Mohamed Ould Abdel Aziz, le Programme « Espoir 2012 » plus connu localement sous le vocable « EMEL 2012 », le Commissaire à la Sécurité Alimentaire (CSA), Mohamed Ould Mohamedou et le Conseiller à la présidence chargé du Programme EMEL 2012 à Nouakchott, Rassoul Ould Khal ont cru nécessaire de tirer chacun de son côté un bilan assez reluisant de ce programme, l’un des plus controversés pourtant du gouvernement.
Ce satisfecit qui intervient à quelques encablures du show radiotélévisé du président de la République à Atar, et au cours duquel EMEL 2012 sera certainement au coeur des débats, heurte cependant l’opinion très répandue selon laquelle ce programme a été un lamentable échec tant dans le retard considérable enregistré pour sa mise en œuvre, que dans l’efficacité de ses interventions et la mauvaise gestion qui a accompagné son exécution.Conçu sous la forme d’un plan d’urgence destiné à juguler la hausse intempestive des prix de produits de première nécessité et sauver le bétail des retombées néfastes de l’implacable sécheresse qui frappe la Mauritanie depuis deux ans, le Programme « Emel 2012 » est l’un des plus importants programmes spéciaux d’intervention publique jamais conçu par l’Etat mauritanien au cours de son histoire. En effet, la bagatelle de 45 Milliards d’UM fut mobilisée pour ce programme. Une fortune face aux 3 Milliards d’UM de Ould Taya face aux mêmes impératifs sociaux ou encore aux 23 Milliards d’UM du Programme spécial d’intervention de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, selon les détracteurs du pouvoir. Ceux-ci considérèrent en effet que, malgré le colossal budget dégagé, EMEL 2012 a été un énorme bluff et une arnaque à ciel ouvert qui a servi plus ses initiateurs ainsi qu’une armée d’acolytes qu’aux populations cibles.
Une thèse balayée d’une double main par le Commissaire à la Sécurité Alimentaire, Mohamed Ould Mohamedou et le Conseiller à la communication du président de la République chargé du volet du Programme EMEL 2012 pour la ville de Nouakchott, Rassoul Ould Khal.
« EMEL 2012 a sauvé le bétail et secouru les populations »
Selon Mohamed Ould Mohamedou, Commissaire à la Sécurité Alimentaire, le gouvernement a ouvert quelques 850 boutiques de ventes à prix subventionnés de produits alimentaires de base sur l’ensemble du territoire national, dont 350 à Nouakchott. Ces boutiques ont été approvisionnés à hauteur de 63.000 tonnes de divers produits, dira le Commissaire qui s’exprimait au cours d’une rencontre organisée par le parti-Etat, l’Union Pour la République (UPR) mardi dernier. De cette quantité, ajoutera-t-il en substance, Nouakchott seulement aurait bénéficié de 16.000 tonnes de denrées alimentaires. Parallèlement à l’ouverture de ces boutiques de vente à prix subventionnés destinés aux pauvres sous la forme d’un rationnement quotidien à l’unité, l’Etat aurait également procédé selon à des distributions gratuites de vivres aux familles les plus nécessiteuses du pays, avec un approvisionnement en quantités suffisantes des 1190 banques communautaires de base existant sur le territoire national pour parer à d’éventuelles pénuries.
Le Commissaire de poursuivre que le gouvernement a également procédé durant cette longue période de sécheresse et de hausse internationale des prix des produits alimentaires, à une intervention d’urgence sous la forme de distribution de produits destinés au bétail et cela autour de trois axes, la mise à disposition de 143.000 tonnes de produits alimentaires pour bétail, celle d’une quantité suffisante en médicaments vétérinaires et la réalisation de plusieurs sondages dans les zones rurales de l’intérieur. A en croire Mohamed Ould Mohamedou, plus de 83.000 tonnes d’aliments de bétail ont été distribués d’une manière transparente sur l’ensemble du territoire. En bref, il dira que le Programme EMEL 2012 a permis d’aider les familles pauvres à avoir accès à des produits alimentaires peu chers et aux éleveurs de sauver leurs animaux. Nonobstant l’aspect humanitaire de ce programme, le Commissaire a ajouté que cette opération a permis également de recruter 1900 jeunes, dont la plupart sont des diplômés-chômeurs.
Et de préciser que les diatribes de l’opposition démocratique se sont ainsi émoussées sur l’épais roc des actions entreprises et qu’elle a pu constater que l’Etat a mobilisé les fonds nécessaires pour relever le défi peu évident qui lui était posé par la nature et la conjoncture internationale. « Malgré toutes ces réalisations, il reste encore un reliquat de ces 45 Milliards d’UM qui pourront encore être utilisés jusqu’en décembre prochain » lança-t-il avec satisfaction.
Le Prgramme EMEL 2012 à Nouakchott
Pour sa part, Rassoul Ould Khal, Conseiller en communication du président de la République chargé du suivi de EMEL 2012, a d’abord procédé à la présentation général du programme dont les opérations n’ont réellement commencé que le 29 janvier 2012, dans ses volets vente à prix subventionnés, distributions gratuites et approvisionnement des zones rurales en aliments de bétail. Pour la ville de Nouakchott qu’il était chargé de couvrir, l’opération n’a concerné selon lui que le volet relatif aux Boutiques de ventes à prix réduits de produits alimentaires. Sur les 308 points de vente ouverts à Nouakchott, la ceinture de la pauvreté, Riadh, Dar Naïm, El Mina et Toujounine, aurait emporté la palme d’or, entre 50, 39 et 38 boutiques. Tevragh-Zeina, la cité de l’opulence a abrité pour sa part la plus faible portion avec 13 boutiques. La Société d’Import Export (Sonimex) serait chargé, selon Ould Khal, de l’approvisionnement de l’ensemble des boutiques de Nouakchott suivant un contrat signé avec l’Etat. Ainsi, les boutiques EMEl 2012 attiraient environ par jour 200 familles nécessiteuses avec un rationnement fixé à l’unité. Plus tard, quelques magasins furent ouverts pour la classe moyenne. Celle-ci pouvait ainsi acheter des quantités plus importantes de produits alimentaires. Ainsi, à raison de 13. 750 UM la famille avait droit à un sac de 25 kilos de sucre, un sac de 25 Kilos de riz, un bidon de 10 litres d’huile et un sac de 10 kilos de pattes alimentaires.
Trois autres produits auraient été augmentés à l’occasion du mois de Ramadan. Ainsi, pendant ce mois sacré, les familles peuvent en plus des denrées conventionnelles, s’approvisionner en pommes de terre, oignons et lait en poudre à l’unité et par jour de jeûn, à raison de 100 UM le kilo de pommes de terre et l’oignon et 400 UM le demi kilo de lait Célia. Le nombre de familles programmé a également été revu en baisse durant le Ramadan, et passe de 1200 à 1400 familles par jour.
Ainsi, pour aider les familles pauvres à avoir accès aux produits alimentaires de base, l’Etat aurait accordé selon Ould Khal, une subvention de 59 UM sur chaque kilo de riz, 45 UM sur chaque kilo de sucre, 113 UM sur chaque litre d’huile, 68 UM sur chaque kilo de pattes alimentaires, 20 UM sur chaque kilo de pommes de terres et d’oignons.
Un suivi quotidien du déroulement du programme est assuré selon Rassoul Ould Khal par une commission interministérielle présidée par le Premier ministre qui en présente un rapport lors de chaque conseil hebdomadaire des ministres. Une commission de suivi dirigée par un conseiller du président de la République a été également selon lui mise sur pied et comprend un conseiller de la Primature en plus des directeurs de cabinets du président et du premier ministre, ainsi que des représentants de départements sectoriels (affaires économiques, commerce).
Le programme fait aussi travailler quelques 1000 diplômés, dispatchés entre gestionnaires et contrôleurs, sans compter les opportunités de travail pour les gardiens et les dockers, mais aussi les transporteurs. Le Programme EMEL 2012 encourage aussi, selon Rassoul Khal, les petits producteurs rizicoles qui le ravitaille, faisant remarquer au passage que le riz proposé dans le cadre du programme est à 100 % cultivé en Mauritanie. Parmi les écueils rencontrés par le Programme, il citera l’arrivée précoce des pluies et l’insécurité dans certains lieux.
EMEL 2012 sous la critique des opposants
Le Premier ministre Moulaye Ould Mohamed Laghdaf lors d’une question orale à l’Assemblée Nationale aurait reconnu les énormes défaillances les imperfections qui ont entaché le Programme EMEL 2012.Au cours de cette séances, la déception face au bon déroulé de cette opération d’envergure transparaissait même dans les interventions des députés de la majorité.
Certains intervenants sont même allés jusqu’à comparer les opérations de secours des années 70 et le plan d’urgence de Ould Taya en 2002, mais aussi le PSI de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi en 2007, moins financièrement pourvu et plus efficace que ce monumental montage financier qu’est EMEL 2012 pour des résultats moins performants. L’effet le plus scandaleux de ce programme fut cette mort tragique de plusieurs milliers de têtes de bétail du fait d’aliments empoisonnés distribués à grande échelle, mais aussi les détournements dont la plus rocambolesque fut celle découverte au Brakna et qui n’avait épargné ni les autorités administratives locales , ni les autorités municipales, encore moins la notabilité et les hommes d’affaires. Ce qui fera d’ailleurs aux opposants du pouvoir que EMEL 2012 est en fait une grosse arnaque à ciel ouvert qui a plus servi les cols blancs que les populations vulnérables. Rarement en effet programme aura été autant décrié. Des villes se sont élevées pour réclamer des approvisionnements promis contre les bons vides qui leur furent distribuées. Des éleveurs se sont révoltés de l’insignifiance des quote-parts et d’absence d’approvisionnement.
Le Programme EMEL 2012 a eu également ses revers fâcheux avec ce manque à gagner pour les détaillants. Selon les détracteurs, le procédé suivi a assuré l’enrichissement croissant des commerçants déjà nantis et a appauvri par la mévente et le rétrécissement du chiffre d’affaires, les boutiquiers, marchands et vendeurs, petits et moyens.
Cheikh Aïdara
Source : L’Authentique le 30/07/2012
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