Sénégal- Mauritanie : la renaissance du Fouta pour le règlement du passif humanitaire

(Crédit photo : Al Akhbar)

Des anciens ministres et députés et personnalités publiques du Sénégal étaient au chevet cette semaine à Dakar des réfugiés mauritaniens en grève de faim depuis le 19 juin dernier.

Pour la première fois depuis les évènements de 89 d’anciennes personnalités politiques issues du Fouta se trouvent au coeur d’une des tragédies les plus graves entre le Sénégal et la Mauritanie, la déportation de plus de 80 000 mauritaniens essentiellement des Halpulaaren. Les analystes politiques pensent que quelque chose est entrain de bouger dans le gotha foutanké même si ce nouvel élan des héritiers du Fouta est assez tardif après plus de trois décennies d’exil des mauritaniens dans le pays de la« Téranga ».

Depuis la fin du dernier contingent de réfugiés mauritaniens en mars 2011 sur la base d’un accord tripartite entre le Sénégal, la Mauritanie et le HCR, le reste des déportés continuaient de vivre sans droits d’assistance dans les camps de réfugiés dans le pays de la« Téranga ». Après avoir épuisé toutes les cartes de dialogue avec le HCR et les autorités de Dakar et de Nouakchott, ils se sont mis en grève de faim depuis le 19 juin dernier pour faire parler d’eux. Ce harakiri n’a laissé personne indifférent. Des anciens ministres, députés et personnalités publiques du Sénégal au pas de charge étaient à leur chevet pour les convaincre d’arrêter. Les secouristes ont promis d’ouvrir le débat au plus haut niveau de la république pour relancer la poursuite de rapatriement. Symboliquement ce déplacement est un signal fort aux présidents Macky Sall et Ould Aziz pour le règlement illiquo presto du passif humanitaire. Parmi les personnalités politiques actives, l’ancien président de l’assemblée nationale Aboubacky Kane et les deux anciens ministres du président Abdou Diouf, l’écrivain Cheikh Hamidou Kane et l’économiste Mamoudou Touré. Ces trois figures politiques sont connues pour leur attachement à la renaissance du Fouta et à l’époque pour leur farouche opposition à l’hégémonie de la langue Wolof dans l’hémicycle et dans toute l’administration sénégalaise. Les analystes politiques pensent que cette implication du gotha foutanké dans les évènements de 89 est un signe que l’alternative au Sénégal surtout portée par un digne héritier du Fouta Macky Sall y est pour quelque chose. Une nouvelle situation qui pourrait changer la donne politique entre les deux pays frères le Sénégal et la Mauritanie Les premiers faits vont dans ce sens. L’élection du président sénégalais est considérée à Nouakchott comme un front halpulaar contre son régime. Ould Aziz y voit certainement comme une sorte de revanche de leurs frères négro mauritaniens. Et c’est l’affaire absurde de Chaafi la demande d’extradition de ce présumé terroriste refusée par Dakar qui va ternir davantage les relations entre Dakar et Nouakchott déjà houleuses depuis des années. On a frôlé cette semaine la rupture diplomatique comme en 89. Les observateurs craignent un retour des démons du passé avec l’instauration de la carte de séjour par Nouakchott, le renouvellement des licences de pêches des sénégalais et la libre circulation des biens et des personnes malmenée aux frontières terrestres. Des feux rouges qui risquent d’être allumés pendant très longtemps entre les deux capitales .Avec la crise malienne ce sera encore plus difficile de les éteindre à moins que les deux chefs d’Etat mettent en avant l’intérêt des deux peuples c’est à dire de côté les rivalités pour une véritable coopération. Autrement dit sur ce vieux conflit qui date de 89 le règlement du passif humanitaire est avant tout une volonté politique des autorités de Nouakchott bien que naturellement soutenue par le Sénégal et le HCR. Bien entendu cela ne doit pas passer uniquement par la parole mais par les actes. Et jusqu’ici Ould Aziz a montré ses limites dans l’impunité des criminels de ce dossier lourd des déportations et dans le recouvrement de tous les droits des rapatriés qui continuent de galérer dans les camps de fortune au Sud du pays. Le cas des fonctionnaires dont la réintégration n’est pas pour demain, l’indemnisation des veufs et orphelins, des policiers, des militaires aux contours incertains sont autant d’exemples qui pèsent sur la balance de la réconciliation nationale. Autant d’arguments pour les héritiers du Fouta à mettre sur la table des négociations et de tourner une nouvelle page des relations entre le Sénégal et la Mauritanie. Pour cela, la nouvelle équipe de Macky Sall doit être moins discoureuse et cohérente dans les propositions pour répondre aux attentes des premiers concernés, les réfugiés mauritaniens. A l’avenir Ould Aziz doit vaincre sa propre réticence mais c’est difficile en l’état actuel des relations avec son homologue sénégalais. Pour l’instant, le ciel est très sombre entre Nouakchott et Dakar.

Bakala Kane

(Rreçu à Kassataya le 08/07/2012)

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