La Mauritanie est au centre de la crise malienne, un pays déchiré par une rébellion armée au Nord et traversé au Sud, par une confusion politique sans précédent, avec une junte militaire qui se dispute le pouvoir au gouvernement intérimaire mis en place après les accords d’Abidjan.
Face à une telle situation, le rôle des voisins du Mali et de la communauté internationale sera déterminant dans le retour à la normale.La crise qui prévaut au Mali, avec des indépendantistes Azawadis qui viennent de déclarer la sécession du Nord où prédominent divers groupes radicaux, et une crise politique consécutive au coup d’Etat contre le président Amadou Toumani Touré à Bamako, explique aujourd’hui la tournée régionale entamée depuis quelques jours par le premier ministre Cheikh Modibo Diarra. Sa visite de deux jours à Nouakchott lui aurait permis de s’entretenir avec les autorités mauritaniennes, avec un accent particulier sur la coopération militaire. Il aurait été question durant le séjour de Cheikh Modibo Dirra, d’une contribution de la Mauritanie à la reconquête du Nord Mali, étant entendu que des considérations géostratégiques et politiques seront présentes sur la balance des autorités mauritaniennes qui cherchent pour le moment à jouer à la prudence, face aux répercussions possibles de ce conflit dont les retombées pour la Mauritanie vont au-delà de la question d’une simple autonomie de l’Azawad ou de la mise à l’écart de la junte dirigée par le capitaine Sanogo.
Le congrès des Arabes de , organisé récemment dans la nouvelle Moughataa de N’Beiket Lahwach, avec la bienveillance de la Mauritanie, montre que le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz est bien conscient des enjeux de la crise malienne et que tout mauvais pas risque de lui être fatal. Au delà des considérations de bonne entente avec ce qui reste du pouvoir central à Bamako, il est évident que la Mauritanie veut aussi ménager les habitants du nord pour plusieurs raisons.
D’abord, la communauté de culture avec cette population joue forcément dans toute action à entreprendre, qu’elle soit militaire ou politique. C’est d’ailleurs pour de telles considérations que la Mauritanie s’est vue accusée, à tort ou à raison, d’accointance avec les mouvements séparatistes dans l’Azawad, même s’il est difficilement concevable que le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz combatte Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et tende la main à Ançar Edine, considéré comme » son cousin germain.
Alors, la Mauritanie pourrait-elle, réellement, prendre part à une action militaire au nord Mali ? S’il ne s’agissait que d’une guerre contre le terrorisme dans cette vaste zone sahélo-saharienne, on pourrait croire que oui, partant du principe que la Mauritanie est le seul pays à avoir déjà osé mener une action militaire dans cette zone pour tenter de déloger les salafistes d’AQMI. On peut même penser aujourd’hui qu’Aziz avait raison de mener » sa » guerre et que, si les autres pays de la sous-région lui avaient donné un coup de main, on en serait jamais arrivé à une telle situation. Le peu d’engagement de l’Algérie et l’indifférence même du gouvernement malien d’alors ont peut-être aidé à l’incrustation d’AQMI et facilité son rapprochement avec des mouvements locaux (salafistes ou islamistes) qui ont profité de la désintégration de la Libye pour bousculer Bamako et provoquer même la chute du régime d’Amadou Toumani Touré.
Mais ce qu’envisageait Nouakchott, il y a un an, n’est plus possible aujourd’hui. AQMI n’est plus seul dans l’Azawad. D’autres mouvements armés ont vu le jour avec des objectifs qui se recoupent parfois (indépendance par rapport au pouvoir central) mais s’éloignent quand à la manière de gouverner (Etat islamiste ou laïc). Se lancer dans une action militaire (au nom de la lutte contre le terrorisme ou des accords de coopération militaire avec le Mali) provoquerait sans doute une réaction de la part des trois groupes armés (AQMI, Ançar Edine, MNLA) et contribuerait à élargir le front de la guerre qui, il y a quelques mois, opposait ces mouvements armés à Bamako.
On peut envisager, tout au plus, que la Mauritanie fournisse des troupes dans le cadre d’une action militaire concertée et décrétée par le Conseil de sécurité des Nations unies. Ce qui est loin d’être acquis pour le moment, les Russes refusant, comme ils ont l’habitude de le faire depuis le conflit libyen à toute décision prise par les Occidentaux.
Il y a aussi que cela tiendrait, comme le laisse supposer la présence à Nouakchott de l’aile politique du MNLA, d’un manque de cohérence dans l’approche faite par Nouakchott dans la résolution de la crise malienne dont l’aspect le plus difficile n’est pas le refus des putschistes de céder le pouvoir au gouvernement intérimaire mais bien cette présence armée au Nord. Une complexité qui tient du fait que les revendications séparatistes des populations de l’Azawad sont venues se greffer à la présence de groupes salafistes armés qui, au nom du » djihad « , tiennent tête au reste du monde.
Sneiba Mohamed
Source : L’Authentique le 20/06/2012
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