Nous sommes heureux comme ça

(Beyrouk. Crédit photo : Arnaud Contreras)

J’aime beaucoup ce pays et ce peuple j’aime la majestueuse sérénité avec laquelle il regarde les choses et les gens. De loin ! Comme si sa planète à lui est toute différente, située dans un ailleurs inaccessible dont lui seul possède les clés.

C’est vrai vous l’entendrez parler de progrès, de développement, de démocratie et même d’égalité. Il en parle d’ailleurs très bien, avec même parfois l’enthousiasme qui sied aux concepts à la mode .Mais je vous livre ici un secret : notre peuple ne croit en rien à tout cela. Notre peuple se situe autrement, dans une autre démarche de l’esprit, dans un autre forme de penser et de regarder autour de soi.
Voilà, je vais vous donner un exemple simple. Untel a fait de bonnes études en France, aux USA ou ailleurs, en plus il est dans la politique ou l’associatif, il voyage, il mène des consultations ; il écrit même parfois. Mais voilà Untel vous le retrouverez le soir chez lui, sirotant du thé avec ses cousins et jetant sur le monde entier le regard dédaigneux du bled. Untel préfère les grands espaces aux villas, il débourse une fortune pour s’acheter des dromadaires, il rit une fois chez lui du progrès et des autres, tout cela ne compte pas, ce monde là c’est juste qu’on est obligé d’y vivre et de jouer le jeu ,il y a que ma tribu qui compte et au sein de ma tribu, ma fraction, quant au progrès, au savoir au monde moderne ;ils ne valent que dans la mesure où ils me font gagner de l’argent du fric qui servira mon égo tribal, et aussi à renforcer les miens, le reste, pfffuitt. C’es pas de la solidarité, ça ?
Et au fond, si on y pense, on ne peut obliger personne à croire aux superstitions d’aujourd’hui et en particulier les superstitions les plus fortes : le développement et la démocratie.
C’est quoi le développement ? C’est des industries, des gens qui travaillent comme des machines, des machines qui travaillent à la place des gens, le métro, l’avion, la voiture etc…Mais personne ne peut m’obliger à aimer tout cela ! Je ne veux pas travailler comme un imbécile, chaque instant, je veux regarder le ciel, humer le vent, boire du thé à la belle étoile, tout doucement, je ne veux pas de voiture, pas d’avion, je préfère marcher calmement, dans un espace que je connais ; pas dans un espace infini ; je préfère travailler juste ce qu’il faut pour gagner ma vie, je ne veux pas du profit , le profit pour moi c’est la vie, chaque instant, c’est tout, je ne veux pas de médicaments sophistiqués, il y a les plantes de chez nous, ,et puis laissez moi mourir, calmement .Il y a quelques années une sociologue avait écrit un beau livre : « Et si l’Afrique refusait le développement » Eh bien, c’est vrai, nous ne voulons pas du développement. C’est notre droit !
Quant à la démocratie, c’est parfois une superstition cruelle,. Regardez comment les gens s’entretuent partout, pour la démocratie, disent t ils. C’et quoi la démocratie ? C’est le droit de chacun à dire ce qu’il pense ? Mais ça on l’a déjà, dans beaucoup de sociétés de chez nous. Les gens du bled s’assemblent et parlent, puis ils parlent avec les autres, et ceux là avec d’autres ainsi de suite, c’est pas compliqué !
Choisir le chef. ! Mais c’est facile, chaque tribu a son chef, et si on ne veut pas de lui on le change ou on le trucide, et on prend un autre. Cela a toujours marché comme ça ! Alors ? Quant à choisir un chef qu’on ne connaît pas, qu’on voit juste à la télévision débiter n’importe quoi, qui nous présente sur du papier des projets qu’il n’exécutera pas, mais c’est verser dans l’imbécillité, ça ! Un vrai chef, c’est un chef qu’on connaît, avec lequel on peut s’asseoir et parler, qui n’est pas gardé par des gens armés, un vrai chef, ça doit être un copain, ou un cousin, à une échelle ou une autre. Sinon, c’est pas un chef, c’est un maitre !
Il faut donc se garder de croire à tout ce que nous disent les autres, les occidentaux en particulier ! Eux, ils ont chois leur parti, qu’ils nous laissent choisir le nôtre. Et encore, c’est quoi le but ultime de la vie ? C’est le bonheur, n’est ce pas ? Eh bien, nous, nous sommes heureux comme ça !

Beyrouk

Source  :  Beyrouk.com le 29/05/2012

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