Autour d’un thé (du 17/05/2012)

(Crédit photo : Le Calame)

La TVM tente d’innover avec de nouveaux programmes comme « Minbar Echaab » – littéralement « le plateau du peuple » – ou « Hiwar » qui signifie « dialogue ».

Dans la première émission, les contacts sont grandement ouverts, pour permettre à des citoyens chanceux de se défouler, en ligne, sur tel ou tel service public. Et Allah sait qu’ils n’y vont pas de main morte, ni avec le dos de la cuillère ! Les communes et la Société Mauritanienne d’Electricité (SOMELEC) sont déjà passées à la moulinette. Dans la seconde, c’est un président de parti politique qui est invité à répondre aux questions d’un quarteron de journalistes dont un de la presse officielle, dirigeant les débats, et trois de la presse indépendante. Jeudi dernier, c’était celui de l’Union Pour la République, le parti au pouvoir, qui en était l’invité. Accompagné de son adjoint, il avait, autour de lui, une bonne trentaine de personnes au moins.
Un groupe bien dosé, selon toutes les considérations de géographie, de communautés et de genre. Une bonne classe de cours primaire deuxième année (CP2), bien sage, croisant les bras et suivant, studieusement, les prestations du maître au tableau. Même la règle traditionnelle des grands devant et des petits derrière était bien respectée. Mais ce qu’un collègue avec qui je discutais de l’émission ne semblait pas comprendre, c’est pourquoi tout ce monde avait été mobilisé, alors que pendant les deux heures et demie de l’émission, seuls le président et, deux à trois fois, son adjoint ont intervenu. Les autres voulaient, visiblement, se faire voir… à la télévision. « Ils pouvaient bien se faire voir à la maison ! », me disait l’ami qui n’en revenait pas. Mais, ce que mon camarade ne sait pas, c’est l’extrême importance, pour un responsable mauritanien, de se faire voir, en général, et, particulièrement, à la télévision. Nous sommes un peuple de « m’as-tu vu à la télévision ? », pour qui « Je suis sorti à la télévision ! » constitue une grande victoire. Et si, par bonheur, dans un de ses déplacements du Président à l’intérieur, un homme ou une femme réussit à se glisser doucement, doucement, jusqu’à se mettre à portée de caméra, de sorte de se faire voir sur l’image, à quelques mètres du Président… Ça, c’est vraiment quelque chose ! Une importante référence à ajouter au curriculum vitae. Car, en Mauritanie, les CV accordent de la place aux coups d’Etat. Un honneur qui prédispose à tout. « Mais je l’ai vu à la télévision, à côté du Président ! » ; « L’autre soir, en 2007, il était avec le Président ! ». La prestation du président de l’UPR fut à l’image de la scène politique nationale actuelle. Aucune occasion de casser de l’opposition n’a été ratée. La COD a été traitée de tout, sans réserve. La plus grande preuve qu’elle n’est pas démocratique est sa demande, à un Président élu, de quitter le pouvoir, avant la fin de son mandat, et son appel à un coup d’Etat. On comprend son indignation : le Président Mohamed Ould Abdel Aziz n’a-t-il pas, lui, attendu sagement que Sidi Ould Cheikh Abdallahi finisse son mandat, pour se faire élire à sa place ? C’est le seul officier de l’armée mauritanienne qui n’a jamais accepté de conduire ou de participer à un coup d’Etat. Et, de ce point de vue, il est le plus grand démocrate du pays. Clap, clap, clap ! La presse aussi a reçu sa dose de mépris et de moqueries. Selon son président, l’Union Pour la République n’a d’autres sources de financement que les dons de ses adhérents et leurs cotisations. Les centaines de millions, voire le milliard, dont on parle, à chacune de ses sorties, ne seraient que de la pure imagination. Et, pour organiser n’importe quelle manifestation, elle tire, le plus souvent, le diable par la queue. Bref : le président de l’UPR se moque de la République et croit s’adresser à des naïfs. Avec quel argent, les gens de l’UPR mobilisent-ils les habitants de Tintane, dans le Hodh El Gharbi, pour assister à un meeting à Foum Gleïta, au Gorgol ? Les ressortissants de Nimrouatt ou des robinets de Nouadhibou, pour venir accueillir Ould Abdel Aziz, à Bouratt, dans les confins de Male ? Les villageois d’Aéré Mbar ou de M’botto, pour aller s’aligner sur les sols rocailleux de Boulenouar ? Selon Ould Mohamed Lemine, l’UPR compte 700.000 adhérents. Toute la population du pays : femmes, hommes, enfants de 0 à 17 ans, ruraux, citadins totalise à peine 3 millions d’habitants. En France, 65 millions. Combien le PS, l’UMP, l’extrême droite ou le Modem comptent-ils d’adhérents ? Allez savoir et vous saurez que le président de l’UPR raconte des histoires.

Sneiba

Source  :  Le Calame le 17/05/2012

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