Quartiers périphériques : Les marchands d’or bleu

(Souvi ould Mohamed. Crédit photo : Noor Info)

Souvi, Ousmane et Mohamed sont vendeurs d’eau dans les quartiers périphériques sud de Nouakchott. Ils ont récemment quitté le Mali, à la recherche de «paix et d’argent» en Mauritanie. Portraits croisés.

De Kayes à Nouakchott : une question de survie

«Borom dok !» (Vendeur d’eau, en wolof), crie une jeune femme au pas de la porte d’entrée de sa maison, dans le quartier de Cinquième. Juché sur sa charrette brinquebalante, équipée de ses deux barils d’eau de 200 litres chacun, Souvi Ould Mohamed, avec son turban noir comme couronne, se dirige vers une de ses premières clientes de la matinée.

A 24 ans Souvi est un réfugié malien qui a foulé le sol mauritanien il y a un peu moins d’un mois, fuyant l’actuelle instabilité malienne, après vingt ans de présence au pays des Aigles. «La faim m’a fait quitter mon pays. La mienne, mais surtout celle de mes proches» confie-t-il-il en songhai, les yeux cernés de fatigue. Aujourd’hui il est l’espoir d’une famille laissée à Kayes.

Levé à 6h du matin, «pour éviter les longues files d’attentes devant les robinet», ses tournées de service commencent véritablement à partir de 8h. Là s’enchaîne un constant va-et-vient entre les points d’eau, ses clients, l’entretien de son âne, et celui de ses barriques. Il a à peine le temps d’une pause d’une demi-heure pour s’alimenter. Avec tout ça, il obtient difficilement ses dix milles ouguiyas en poche, souvent moins, du fait des charges, particulièrement celle de son principal outil de travail et compagnon : son âne.

S’il trouve ce travail contraignant physiquement et peu rentable, Souvi nourrit tout de même le vœu ardent de se marier un jour, «à condition d’avoir beaucoup de khalis (argent-ndlr)». «Je veux marier une femme certes, mais en attendant je dois gagner plus d’argent, pour pouvoir l’entretenir» lance-t-il en s’éloignant, pressé de poursuivre son itinéraire avant le crépuscule avec son âne saignant, à force de coups «d’encouragements» explique son maître.

Ousmane Diallo : «Un business qui marche moins»

A quelques pâtés de maisons à peine, Ousmane Diallo fait la queue pour la deuxième fois de la matinée déjà, pour remplir ses barils, vendus 200 ouguiyas l’unité aujourd’hui, après une conséquente baisse du prix du précieux liquide.

D’où la grogne des charretiers à laquelle se joint Ousmane. «Le business ne marche pas ces temps-ci ; l’eau manque ; je gagne un peu rek» se plaint Ousmane Diallo, épuisé après les deux heures d’attentes à la pompe.

Venu de Matam au Sénégal, Diallo à 42 ans a rejoint la Mauritanie depuis plus d’un an après avoir été maçon et séjourné en Côte-d’Ivoire. En attendant que l’avenir lui offre une meilleure perspective, il peut effectuer jusqu’à quinze tournées par jour, si l’eau est abondante et le prix élevé.
Des dessertes qui peuvent le mener jusqu’à Dar Elbede, plus au sud de Basra. Des voyages et des mouvements perpétuels de décharges de barils qui ont fortement entamé sa santé. «J’ai souvent mal à la poitrine, à cause des mouvements à cause des barils continuellement soulevés ; parfois j’ai des problèmes de respiration» explique-t-il couvert de son blouson violet.
Comme Souvi, l’essentiel de ses gains bénéficie à sa famille restée au pays.

Le rêve de retourner un jour au pays

Mohamed Ould Mouhetere quant à lui, originaire de Kayes (la première région du Mali) à Nouakchott depuis un an, a emprunté cinquante mille UM pour investir dans un âne et des barils d’eau. Face aux difficultés de survie dans sa région, marquée par «la faim et le chômage», comme Souvi, il se dit «bien ici», où il lui arrive de gagner mille UM par jour, «si je tape et booste suffisamment mon âne, en me privant de beaucoup, et quand ma journée est bien organisée » précise le trentenaire.

« je ne suis pas venu ici pour m’amuser : tout ce que je trouve et gagne, je l’envoie ensuite à mes parents à Kayes, et à ma femme qui m’attend au village». Car Mohamed ne fait pas de la Mauritanie une destination finale. Au contraire. Son avenir il le conçoit exclusivement auprès des siens.

En attendant l’accès à l’eau des populations défavorisées dans les quartiers périphériques de Nouakchott à travers des projets d’augmentation de capacité, comme celui d’Aftout, mais aussi en attendant de meilleurs réseaux de conduction d’eau que la SNDE tarde à installer, Souvi, Mohamed et Ousmane ne ferment pas la porte à de nouvelles aventures professionnelles plus rémunératrices que la vente d’eau, dont ils ne désirent plus partager le fardeau et les illusions.

Awa Seydou Traoré

Source  :  Noor Info le 03/05/2012

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page