Les noms de Kadhafi et de Ben Ali disparaissent des cartes mauritaniennes

(La Rue Kadhafi, à Nouakchott, est renommée en signe de solidarité avec le peuple libyen. Crédit photo : Jemal Oumar / Magharebia)

Dans le cadre d’une initiative qualifiée de surprenante par les observateurs, et dont l’objectif est de créer une distance entre la Mauritanie et les dictateurs arabes, la Communauté urbaine de Nouakchott (CUN) a décidé de changer le nom de deux artères majeures de la ville : la Rue Kadhafi et la Rue Zine El Abidine Ben Ali.

La ville a pris cette décision lors d’une réunion du conseil municipal qui s’est tenue le 6 avril, dans le cadre des efforts visant à mettre un terme définitif aux relations passées qu’entretenait la Mauritanie avec les anciens dirigeants, ainsi qu’en signe de soutien à la Libye et à la Tunisie.

La rue qui portait le nom de l’ancien leader libyen Mouammar Kadhafi s’appelera dorénavant la Rue Omar Moukhtar, ce leader d’opposition devenu un symbole de la Libye libre et unie, après avoir résisté à la colonisation italienne au début des années 1900. Cette artère de la ville, connue également sous le nom de Rue de Nouadhibou, s’étend sur 25 kilomètres, depuis la jonction de la route menant à la capitale économique du pays, Nouadhibou, et en direction du nouvel aéroport.

La Rue Zine El Abidine Ben Ali, du nom de l’ancien Président tunisien, sera quant à elle tout simplement rebaptisée Rue de Tunisie. Elle commence au carrefour situé à proximité de l’église al-Wahida, non loin de l’ambassade de France à Nouakchott.

« Je considère cette décision de changement de noms, à cette période particulière, comme une forme d’échappatoire face à l’héritage des relations passées qui liaient les autorités en place à Kadhafi et à Ben Ali, après que les populations les eurent renversés au cours de leurs révolutions menées contre la dictature et l’injustice », a déclaré El-Hassan Ould Mohamed, membre de la CUN et maire d’Arafat, l’un des neuf districts de Nouakchott. Ould Mohamed explique que de nombreux membres de la Communauté avaient désapprouvé, initialement, la nomination de ces rues.

La décision de baptiser ces artères des noms de Kadhafi et de Ben Ali avait été « le désir des autorités en place » de l’époque.

« Quand il a été question de débattre du sujet de leur changement », dit-il, « il a été naturel que la majorité des membres y soient favorables, parce que cela répondait à leurs souhaits antérieurs ».

Mohamed Berrada, porte-parole de la CUN, a expliqué à Magharebia que « la question de la modification du nom de ces rues de Nouakchott est… conforme à la cohérence des politiques publiques », ajoutant que ces changements sont également susceptibles « d’épargner certaines sensibilités politiques ».

Même si la modification de ces noms a été jugé opportune par la CUN, la décision finale reviendra, selon le maire d’Arafat , « à un comité choisi pour élire des appellations pour un certain nombre de rues dans un avenir proche ».

« La sélection de noms de rues et de lieux publics est une procédure de routine menée librement par la CUN, mais elle dépend de l’approbation du ministère de l’Intérieur, qui a aussi le pouvoir de rejeter ou de modifier la décision émise par la Communauté », explique un communiqué publié par la municipalité.

Les mauritaniens interrogés par Magharebia soutiennent, de manière générale, ces changements de nom.

« Cette décision est un geste de bonne volonté envers les gouvernements de ces Etats, qui sont nés des révolutions des peuples », explique Yasser Ould Mohamed, activiste dans le secteur social.

« Il n’y a aucun doute sur le fait que changer des noms de rues qui étaient associés à des dirigeants qui ont opprimé leur population, est crucial, parce que cela vient rectifier un choix considéré comme une provocation flagrante à l’égard des deux peuples de la Tunisie et de la Libye, qui sont nos frères », ajoute-t-il.

Pour sa part, Sidi Ould Ibrahim, étudiant à l’université, déclare « qu’il serait plus convenable pour nous de ne pas donner le nom d’un dirigeant à une rue avant que ce dernier ne soit décédé ». Il explique que cela permettrait de « vraiment refléter la réputation passée à la postérité de cette personne ».

Pour Ibrahim, les rues et les quartiers ne devraient pas porter le nom de personnalités politiques, ces dernières ne permettant pas le « consensus général ». Elles devraient porter le nom de « personnalités scientifiques, intellectuelles et des droits de l’Homme, dont tous les peuples de la terre reconnaissent les bénéfices apportés à l’humanité, comme Einstein, Martin Luther King ou Gandhi. »

Jemal Oumar

Source  :  Magharebia le 25/04/2012

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