L’islam politique en Mauritanie : Un boulevard grand ouvert

(Crédit photo : anonyme)

Tawassoul, le parti des Islamistes modérés, Jamil Ould Mansour et ses amis, a tenu, la semaine dernière, le premier meeting à Nouakchott en dehors de sa base, Ilot L. Ce premier test a été un franc succès : il avait attiré beaucoup de monde qui suivait religieusement les interventions des chefs.

Ces derniers avaient développé un discours musclé à l’égard du président auquel ils demandaient une seul chose : son départ. Tawassoul semble vouloir être l’ennemi principal du pouvoir de Aziz. Une position, politiquement, rentable…

Dès leur sortie de la prison, dans laquelle, ils croupissaient, une énième fois, sous le règne du régime fraichement déchu, ce jour-là, le 05 août 2005, les leaders de l’islamisme politique de Mauritanie devaient couronner, alors, un cycle de lutte soutenue, contre le régime de Maaouya, installé au pouvoir, depuis décembre 1984. Contraints, depuis l’avènement de la démocratie, par un pouvoir qui leur refusait toute forme de reconnaissance légale, de s’allier, dans les contextes électoraux, avec d’autres formations politiques légalement reconnues.

La transition 2005-2007 ne leur offrit certes pas l’opportunité d’exprimer leur programme politique, dans le cadre d’une formation propre à eux. Mais, ils ont, tout de même, réussi à partir dans les batailles électorales de la transition démocratique, à travers un parti légalement reconnu, Parti unioniste démocratique et social –un parti baathiste d’obédience syrienne, qui leur a ‘’offert’’ une couverture légale ; leur permettant ainsi d’aller à la conquête des voix. La première consultation électorale survenue, en faveur de cette transition, pourtant, transparente, incontestable et incontestée, ne donnait aux islamistes que cinq parlementaires. Une contre-performance, dit-on, pour un mouvement qui a bénéficié d’une sympathie tous azimuts, durant les dernières années de marginalisation et d’ostracisme. Le résultat obtenu, à l’époque, par les islamistes décalait quelque peu de l’image qui s’était faite au sein de l’opinion. Une certaine opinion qui prédisait, la veille des consultations, un imparable raz-de-marée islamiste.

Même si certains analystes n’arrivent, toujours, pas à expliquer un tel revers, d’autres pensent que l’islamisme politique, en Mauritanie, ne peut guère réaliser un succès électoral, dans une scène politique apaisée. ‘’La transition démocratique (2005-2007), étant d’abord celle de l’apaisement, de l’espoir, de la grande joie même, les islamistes étaient ramenés, de facto, à leur taille normale, normalisée par l’absence de toute persécution de la part du pouvoir.’’
‘’En période de paix politique, les islamistes mauritaniens ne font pas le poids face à celui d’un discours malékite ambiant réfractaire à toute innovation dans la religion. Ils font face, donc, à la société même, à sa manière de voir et de vivre l’Islam, dit un intellectuel. Mais encore, faudra-t-il, que le pouvoir en place encourage, épaule, appui, cet Islam malékite pour barrer la route au succès électoral de l’islamisme politique, conclut-il.’’

Si, on allait partir d’un tel postulat, on serait bien enclin à présager des jours radieux devant la représentation islamiste à l’issue des échéances électorales futures. Gagnant dans la sphère internationale, occidentale surtout, davantage d’acceptabilité, les islamistes mauritaniens ne sauraient rester à la traîne. Dopés par la consécration de leurs frères au Maghreb (Maroc, Tunisie), les islamistes de Nouakchott négocient, désormais, leur entrée en scène d’une manière fulgurante. L’assimilation, un raccourci naguère si évident chez le pouvoir en place, aux mouvements de l’islamisme, dit, terroriste, est devenu un cliché obsolète, l’islamisme politique mauritanien s’investit d’ores et déjà à gagner du terrain.

Ratisser large

Aujourd’hui, l’Islam politique dispose d’un parti politique, Tawassoul, en plus d’une pléiade d’ONG caritatives gravitant dans ses airs. Le boulevard est grand ouvert, maintenant, pour ratisser large et conquérir des citadelles qui lui était jusqu’ici impénétrables. Le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz, sous couvert de l’argumentaire de lutte contre la gabegie, ne pouvant plus subventionner les chefs et leaders religieux soufis et malékites, réoriente, sans le vouloir, peut-être, ces forces vers d’autres sources de financement. Le tarissement des ressources ne laisse pas beaucoup de choix devant ces ‘’sevrés de la politique de prébendes et clientéliste.

Il faudrait chercher ailleurs. L’ailleurs traditionnel où des érudits et chefs religieux mauritaniens parvenaient, dans un passé récent, avec une simple recommandation du ministère des affaires étrangères mauritanien, à acquérir donation et legs. Cet ailleurs-là est, aujourd’hui, verrouillé. Il dépend désormais d’un homme. Sa clé : Le Cheikh Dedew. Ecouté et vénéré par les donateurs des pays du Golf, ce chef spirituel de l’Islam politique mauritanien, se tient ‘’débout’’, serait-on tenté de dire, au centre des articulations de la finance caritative des pays arabes. Le quitus qu’il accorderait à tout leader religieux mauritanien, délierait, généreusement, les bourses des richissimes Cheikhs arabes.

On cite depuis peu l’adhésion de quelque personne issue des galaxies des confréries soufies au parti Tawassoul. Vrai ? Faux ? Peu importe. Rien que l’évocation d’une telle antinomie la rend plausible. La semaine dernière le cheikh Dedew était l’hôte d’une grande figure de l’Islam malékite mauritanien, en l’occurrence, El Hadj Ould Vahfou, en Assaba. Une visite symbolique, qui prouve que l’Islam politique mauritanien s’émancipe, lui aussi, des lignes de démarcations religieuses classiques.

Il se libère aussi d’autres lignes et contingences moins évidentes celle-là. On se souvient de la fameuse rencontre entre le cheikh Dedew et la communauté des griots. Une rencontre qui s’ajoute à une autre, où le cheikh a rendu visite à la Maison des Cinéastes Mauritaniens. Des territoires, en somme, qui lui étaient, si étranges et bien étrangers.

Si, une élection devait se produire demain, dans un contexte marqué par un climat politique délétère, comme celui où on vit, en ce moment, une raréfaction de ressources, point d’argent, le nerf de la guerre, avec un Islam politique, surfant sur tout vent, souriant à tout venant, magnanime envers tous les ‘’sevrés, par la politique ‘’azizienne’’, on est bien parti pour un raz-de-marée, vraisemblable du parti de Tawassoul.

Abdelvettah Ould Mohamed

Source  :  Biladi via Noor Info le 29/03/2012

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