Les droits de la femme à l’aune de l’hypocrisie politique : Un pas en avant, trois pas en arrière

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Nul doute que ce jeudi 8 mars 2012 sera célébré par le département des affaires sociales, de l’enfance et de la famille de Mme Moulaty Mint El Moctar. Célébration essentiellement marquée d’habitude par une exposition d’art au centre de formation féminine de Nouakchott des tables rondes ici ou là.

A l’image de celle que va organiser l’ambassade d’Espagne et la Coopération espagnole sur la thématique « Participation politique de la femme » le mercredi 7 mars 2012 à 17h30, à la salle polyvalente de l’ambassade.

C’est quoi le 8 mars ? Bref rappel. C’est une fête internationale dédiée à la femme. En fait c’est l’histoire de femmes ordinaires qui ont fait l’histoire. La fête internationale des femmes puise ses racines dans la lutte que mènent les femmes depuis des siècles, revendiquant l’égalité des droits, de meilleures conditions de travail et le droit de vote, pour participer à la société sur un pied d’égalité avec les hommes. Elle a été officialisée par les Nations Unies en 1977. Lorsque les femmes de tous les continents, souvent divisées par les frontières nationales et par des différences ethniques, linguistiques, culturelles, économiques et politiques, se réunissent pour célébrer leur Journée, elles peuvent voir, si elles jettent un regard en arrière, qu’il s’agit d’une tradition représentant au moins 90 ans de lutte pour l’égalité, la justice, la paix et le développement. En Mauritanie, comme partout ailleurs dans le monde, c’est une journée de manifestations diverses. L’occasion pour les femmes mauritaniennes de revendiquer l’égalité, de faire un bilan sur la situation des femmes dans la société. Traditionnellement les groupes et associations de femmes militantes préparent des manifestations partout dans le pays, pour faire aboutir leurs revendications, améliorer la condition des femmes, fêter les victoires et les avancées. Atmosphère de veille de fête déjà : l’ambassade d’Espagne dans notre pays et la Coopération espagnole comptent organiser une table ronde le mercredi 7 mars à 17h30 à la salle polyvalente de la chancellerie sur le thème de « la participation politique des femmes en Mauritanie ». Table à laquelle vont participer Mme Maty Mint Boyde Conseillère technique au ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille (MASEF) ; Me Fatimata M’Baye, Présidente de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) ; Mme Yaye Ndaw Coulibaly, Sénatrice du parti Tawassoul ; Mme María Castro, Responsable de programme à la Coopération Espagnole et Mme Elena Barroso, Représentante de l’Institut des Études Juridiques Internationales. En outre, à l’occasion de cette fête internationale, l’ambassade d’Espagne a programmé une série de projections de films espagnols sur la thématique genre, et cela durant tout le mois de mars à la salle polyvalente de l’Ambassade (lire encadré).

Plus d’actes moins de discours !

Participation politique de la femme mauritanienne à la vie de son pays ? La question reste toujours d’actualité au regard du bilan que l’on pourrait dresser des progrès accomplis. En 2006, était adopté par le gouvernement du CMJD, le projet d’ordonnance accordant un quota de 20 % aux femmes dans les fonctions électives, notamment à l’assemblée nationale et dans les conseils municipaux. Pour les autorités de la transition d’alors après le putsch contre Ould Taya, l’objectif du nouveau texte est d’encourager l’accès des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives. L’esprit est que les listes candidates soient confectionnées de manière à garantir aux femmes une éligibilité suivant un système de positionnement approprié sur les listes. Dans la réalité, force est de constater aujourd’hui, leur faible représentation au niveau des mandats électifs et des postes de la haute administration, alors qu’elles constituent plus de 50 % de la population nationale. Résultat : elles réclament à hue et à dia, la correction de ce déséquilibre, conformément aux articles 26 et 47 de la constitution portant sur l’élection du président de la République et des députés. Le Réseau des Femmes Parlementaire s’en est fait l’écho déjà, d’autant qu’il fait appel aux instruments juridiques internationaux adoptés et ratifiés par la Mauritanie: Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), Convention internationale relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination, Déclaration des Objectifs du Millénaire (OMD). Le réseau estime que la représentation actuelle du genre est inférieure à ce quota. Certes que les pouvoirs publics ont consenti des efforts pour améliorer cette situation mais il faut dire que ces actions sont encore timides. Plutôt on assiste même à une régression sur la promotion des femmes. Naha Mint Mouknass n’est plus ministre des affaires étrangères, Irabiha Mint Abdel Weddoud n’est plus directrice de Radio Mauritanie, Zeinabou Mint Nahah n’est plus Wali et j’en passe. Pour autant elles n’ont pas été remplacées par d’autres. Dans la presse indépendante, elles ne s’y retrouvent pas. Dans la presse d’Etat, on en trouve quelques unes mais quelles places occupent-elles ? Entre le désir et la réalité, il y’a tout un fossé à combler. Coopératives et associations féminines vont certainement profiter de l’occasion que leur offre cette fête internationale pour interpeller Mme la ministre sur des questions aussi multiples que variées relatives aux financements d’Activités Génératrices de Revenus, le manque d’intérêt de l’Etat à leur sort, le favoritisme du département des affaires sociales, de l’enfance et de la famille, les déguerpissements dont elles sont l’objet des endroits occupés illégalement… Cependant, la fête de la femme ne se résume pas qu’à une exposition d’art. Cette journée est aussi mise à profit par d’autres femmes pour faire part de leurs doléances, notamment : l’arrêt de la discrimination envers les femmes, des mutilations génitales féminines (MGF), le mariage d’enfants, la marginalisation politique des femmes des groupes ethniques établis dans le sud du pays et le travail des enfants sans compter les veuves de la période d’exception qui endurent un calvaire insupportable.

Halte à l’hypocrisie des politiques
Cette fête internationale des femmes offre aussi l’occasion de penser au rôle crucial que la femme mauritanienne joue dans le développement du pays. En quoi faisant, elle devrait inspirer une pensée particulière pour toutes celles parmi elles, au prix de nombreux sacrifices et parfois de souffrances, ont contribué à l’émancipation du pays. Elles doivent jouir de l’attention des pouvoirs publics pour toute l’abnégation et le courage qu’elles ne cessent de manifester à chaque instant de la vie, dans nos villes comme dans nos campagnes. Une attention particulière doit être apportée à celles d’entre elles qui souffrent dans leur chair et dans leur âme et pour toutes celles aussi qui perdent la vie en voulant en donner. Raison pour laquelle, en ce jour de fête dédié à la femme, il est plus que jamais urgent pour l’Etat et ses démembrements de s’engager sérieusement à ne plus admettre les tragiques incidents dont certaines femmes mauritaniennes sont victimes au foyer, dans leur lieu de travail et dans la rue. Elles ne doivent plus faire l’objet de discriminations dans les domaines de l’emploi, de la formation, des responsabilités, et des revenus. D’autant que notre culture traditionnelle appelle au respect de la femme. La femme est sacrée, parce qu’elle donne la vie et il n’y a pas d’avenir pour l’homme sans la femme. C’est avec elles que se construira une société juste, équitable et digne pour les enfants et pour toutes les générations à venir. Ne l’oublions pas, elles sont nos mères, nos épouses, nos sœurs, nos filles et nos amies. Par conséquent, faisons en sorte qu’elles prennent toute leur place dans la communauté. Bonne fête !

Moussa Diop

Encadré
Programme cinématographique

« MADAME DE » 8/03 – 18h00
Un documentaire de 80 minutes réalisé par Patricia Ferreira et sous-titrés en français sera projeté. “Madame de” montre des témoignages de quelques générations de femmes auxquelles l’histoire n’a pas permis de songer. La seule chose qu’elles ont pu faire a été de se résigner et d’accepter qu’elles sont nées et grandies dans une autre époque dans laquelle leurs voix, leurs désirs et même leurs pensées ont été passés sous silence. Les témoignages recueillis dans “madame de” sont variés et montrent un large spectre de femmes de différentes classes sociales et avec différents types d’éducation.

« LA CAUSE DE KRIPAN » 15/03 – 18h00
Réalisé par: Omer Oke Espagne, 2010 – V.O. sous-titrés en français
Drama, 86 min. Avec: Gorsy Edu (Alassane), Bruno Ciordia (Iker), Monique Sawadogo (Amina), Alizétacongo (bintou), Auguste Koutou (ali) , etc.
Alassane, un Jeune de Burkina Fasso qui habite à Kripán (Pays Basque, Espagne), reçoit l’appel de son frère Ali qui l’annonce que, dans son village, ses parents et les parents de sa femme se sont mis d’accord pour faire l’ablation à sa petite fille de six ans, Bintou. La cérémonie est prévue dans une semaine. À Alassane, il lui manque seulement six mois pour obtenir les papiers en Espagne. Il ne veut pas qu’ils fassent l’ablation à sa fille, mais, s’il voyage dans son pays, il ne pourra pas retourner et tous ses rêves pour lesquels, il s’est autant battu, seront jetés à l’eau. Bouge-toi Alassane !

« PLANS POUR DEMAIN » 22/03 – 18h00
Réalisé par: Juana Macías, Juan Moreno, Alberto Bermejo
Espagne, 2010 – V.O
Drama, 90 min. Avec: Carme Elías (Antonia), Ana Labordeta (Marian), Goya Toledo (Inés), Aura Garrido (Mónica), Jorge Bosch (julio), etc.
Plans pour demain raconte l’histoire de quatre femmes le jour où leur vies seront bouleversées radicalement. Dans leurs mains, elles ont l’option de commencer à nouveau. Dans leurs cœurs, le vertige de finaliser tout ce qu’elles ont construit tout au long des années.

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 06/03/2012

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