Dans quelle langue écrire ?

La question n’était pas inattendue, mais le ton était étonnamment sévère : « pourquoi donc écris-tu en français ? Celui qui me la pose est un homme cultivé, d’esprit généralement  ouvert, et  au surplus assez bon poète.

 

J’ai aussi beaucoup de respect pour lui. Je me dois donc de lui répondre.
D’abord je dirais que l’aime bien cette langue. J’adore ses grands écrivains, ses belles tournures, l’élégance des mots et la belle sonorité du verbe. Le Français m’a conquis enfant quand mon père, instituteur, m’obligea à lire  et  résumer, une version  pour jeunes des « Misérables » .Inutile d’ajouter que Victor Hugo est, depuis, mon écrivain culte. Le hasard il faut dire a joué  aussi un rôle, parce que mon professeur d’Arabe, était un quinquagénaire  antipathique, n’ayant aucun sens de la pédagogie et maniait trop la cravache, alors que le prof de Français beaucoup plus jeune,, savait communiquer, savait rire, distribuait des cadeaux, et , était aussi, ce qui est très important, le meilleur joueur de l’équipe de football locale. Que n’aurions nous  accepté de faire pour lui plaire ?
Mais enfin, tout cela n’est pas le plus important. Le plus important à mes yeux c’est qu’en écrivant en Français je ne me sens nullement éloigné de ma culture, que j’écris en traduisant des émotions qui sont miennes, en embrassant un arrière-fond culturel qui est mien, en utilisant des mots que j’ai apprivoisé pour décrire une réalité qui est nôtre. J’ai lu quelques  romans  mauritaniens ; en Arabe, j’ai entendu des poésies déclamées  en cette langue, et  le sujet et les mots étaient  d’ailleurs, empruntaient des schémas et des images d’Orient ou d’Occident.  Moi, quand j’écris je me sens pleinement plongé dans mon  univers réel, dans mon histoire, dans mes émotions et aussi mes préjugés propres. J’aime dire que j’offre ma culture aux étrangers que j’’essaye d’ouvrir grandes les portes de la Mauritanie. Et il fa ut dire que je suis bien payé en retour quand un étranger de passage  ici me dit qu’il a beaucoup appris sur le pays en me lisant.
L’essentiel; je crois, quand on écrit dans une langue étrangère, c’est d e  rester original et de gagner un minimum de succès à l’extérieur. Cela ne saurait se faire sans une forme d’engagement culturel profond. L’essentiel aussi c’est de rester soi-même.

Beyrouk

(écrivain, auteur de « Nouvelles du désert » et de « Et le ciel a oublié de pleuvoir »)

Source  :  beyrouk.com le 05/12/2011

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