Expatrié en Afrique, combien ça coûte?

Mansion in Luanda, by Chimpanz APe via Flickr CCNombreux sont les Occidentaux persuadés que s’expatrier en Afrique est synonyme de vie moins chère. Rien n’est moins sûr.

La croissance africaine de ces dernières années a sans conteste gonflé le flux de main-d’œuvre étrangère à destination du continent. La mondialisation aidant, nombreuses sont les entreprises internationales à expatrier leurs salariés vers leurs branches africaines. Un phénomène qui peut s’avérer coûteux, tant pour les entreprises que pour les expatriés eux-mêmes. En particulier si ces derniers comptent retrouver le même train de vie à leur départ qu’à leur arrivée.

Vivre en Afrique comme partout dans le monde

On pense souvent qu’il coûte moins cher d’habiter dans un pays en voie de développement que dans un pays développé. En réalité, tout dépend du mode de vie que l’on adopte dans le pays d’accueil. Autrement dit, si vous êtes expatrié, allez-vous vivre comme des locaux ou bien comptez-vous reproduire vos habitudes d’Occidental à l’étranger ?

Si vous optez pour la deuxième solution, il ne fait aucun doute que vos dépenses quotidiennes seront sensiblement plus élevées que si vous étiez restés chez vous. Et l’expresso que vous aviez coutume de consommer chaque matin, en lisant votre journal, avant d’aller au travail vous coûtera sans doute plus cher dans un bar de Luanda (Angola) que dans un troquet parisien.

Selon une étude menée par le cabinet Mercer —«la plus complète réalisée au niveau mondial sur le coût de la vie»— Luanda justement, la capitale angolaise, est la ville la plus chère au monde pour les expatriés.

D’autres cités africaines caracolent en tête du classement, telle que N’Djamena (Tchad, 3e position), Libreville (Gabon, 12e position) et Niamey (Niger, 23e position). L’étude couvre 214 villes à travers le monde et compare plus de 200 critères attenants au logement, transport, à la nourriture, l’habillement, aux appareils ménagers et aux loisirs.

C’est la première fois que le cabinet compte trois villes africaines dans le haut du classement. A titre comparatif, Paris arrive en 17e position, ex-aequo avec Londres.

«Les villes africaines notamment, sont maintenant fortement représentées dans le classement, reflétant ainsi l’importance économique grandissante de la région aux yeux des entreprises internationales, dans tous les secteurs d’activité», souligne Nathalie Constanti-Métral, analyste senior chez Mercer et coordinatrice de l’enquête. Elle poursuit:

«Nous avons observé une augmentation de la demande d’informations concernant les villes africaines, et ce dans tous les secteurs d’activité: industrie minière, services financiers, compagnies aériennes, industrie manufacturière, services publics et autres sociétés de production d’énergie.»

Le logement, un critère déterminant

Lorsqu’une personne accepte de s’expatrier en Afrique, son entreprise se doit de lui garantir un salaire lui permettant de retrouver une qualité de vie équivalente à celle du pays de départ. Le problème récurrent est que le pays d’accueil ne dispose pas systématiquement des mêmes biens ou services, à commencer par le logement.

Emmanuel Rivère, responsable de la mobilité internationale au cabinet Mercer, l’a confirmé à SlateAfrique:

«Avant tout, il faut savoir différencier le point de vue de l’expatrié du point de vue local. Concernant les villes africaines, le logement occupe une part très importante du coût élevé de l’expatriation.»

Il ajoute:

«Le problème est que nous assistons à une expatriation de masse conjointe à la mise en place de nombreux projets, confrontée à un manque de logements adéquats. Très rapidement, il y a eu une flambée du cours de l’immobilier résultant d’une pénurie de logements répondant aux standards européens et américains, notamment en termes de confort et de sécurité.»

A titre d’exemple, la location d’un appartement de luxe non meublé comprenant 2 chambres à Luanda coûterait en moyenne 5.130 euros par mois. A New-York, le même bien reviendrait à 2.960 euros mensuels et à Rome, à 1.690 euros. Emmanuel Rivère précise:

«La qualité du logement, sa situation géographique, sont des critères déterminants. A Luanda, la situation n’est pas à la hauteur du développement de certains secteurs qui favorisent l’arrivée de nouveaux expatriés, en particulier ces cinq dernières années. Les logements répondant aux normes internationales deviennent quasi indisponibles, donc les prix augmentent. C’est une tendance qui se développe de plus en plus sur l’ensemble du continent africain.»

Le journaliste kényan Charles Nyende, de passage à Luanda en 2010 pour couvrir la Coupe d’Afrique des nations (CAN) avait ainsi témoigné auprès du site Africa Review:

«J’ai payé 200 dollars [137 euros, ndlr] pour une nuit dans un logement rudimentaire avec un lit et des draps, l’eau courante… rien de luxueux.»

Beaucoup de biens importés

D’une manière plus générale, les difficultés d’adaptation des expatriés dans certaines destinations africaines peuvent également avoir des conséquences sur le budget:

«L’Afrique est un continent souvent considéré comme difficile par les responsables des ressources humaines dans les entreprises. Le package d’indemnité de l’expatriation intègre la plupart du temps une prime de « hardship » [détresse, privation, ndlr] pour les Européens, à cause de la différence des conditions de vie, des difficultés d’adaptation. Pour l’Angola, beaucoup d’entreprises octroient des primes de mobilité afin d’inciter au départ», indique Emmanuel Rivère.

En outre, le «panier de la ménagère» des expatriés est souvent plus élevé dans les pays africains. De nombreux biens de consommation courante ne sont pas produits localement, et par conséquent leur importation va se traduire par un surcoût à l’achat.

Dans un pays comme l’Angola, dont l’économie repose à 85% sur les revenus pétroliers, le constat est flagrant: un litre de lait entier ou même un café coûterait en moyenne près de trois euros, selon Mercer. Ces résultats sont toutefois à relativiser avec la fluctuation des devises. En effet, l’étude convertit tous les biens cités en dollars pour comparer les prix d’un pays à l’autre selon une même base. Or, cela ne prend pas en compte les fluctuations du dollar, souvent dévalué depuis le début de l’été 2011.

Le dernier mot revient donc à l’expatrié lui-même: s’il décide d’adopter un mode de vie plus «local» au lieu de conserver les mêmes habitudes que chez lui, son porte-monnaie n’en sera que plus fourni à la fin du mois.

Anaïs Toro-Engel

Source: Slateafrique

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