Le printemps politique : éclipse l’hiver de la faim

faminePendant que les acteurs politiques qui ont participé trois semaines durant à un dialogue aux conclusions encore délétères se félicitent des avancées réalisées, la Mauritanie vit sous la menace d’une sécheresse qui risque de tout compromettre.

Les plus optimistes avancent que si le silence coupable qui entoure cette situation perdure, toutes les ambitions nourries aussi bien par les invités du Palais des Congrès que les autres de la touche, risquent d’être emportées, parce qu’il n’y aura tout simplement plus rien à gouverner.

Jusqu’à présent la Mauritanie officielle continue de garder le silence, comme une honte, sur cette sécheresse pernicieuse qui s’est invitée cette année au milieu de la grande foire à empoignades politicardes qu’est devenue la Mauritanie. Depuis plus deux ans, il n’est question que de dialogue, d’Accords de Dakar, de course vers la séduction d’un électorat aux regards obstinément plongés vers la marmite vide et les poches trouées. Pendant ce temps, tout le monde politique semblait oublier que la Mauritanie est un pays dont plus de 60% de la population est pauvre et ne survit qu’avec les grâces du ciel. La rareté des pluies enregistrées cette année a depuis des mois soulevé l’inquiétude de l’arrière pays sans que les salonniers de Nouakchott n’en aient cure. Pendant que les villas huppées de Nouakchott se gavaient à coups de pions à avancer sur l’échiquier politique et financier, cultivateurs et éleveurs faisaient monter aux cieux leurs douloureuses inquiétudes. Beaucoup d’entre eux, en prévision des catastrophiques périodes de soudure ont déjà émigré vers les centres urbains, sinon en dehors du pays, pour des pâturages plus cléments et des sols plus généreux. Les échos qui proviennent en effet des régions de l’Assaba et du Brakna en particulier sont jugés alarmants. La plupart des sources en provenance de ces contrées lointaines à économie agricole indique que la sécheresse de cette année est si dure que les espaces de culture traditionnels ont perdu leur belle allure d’antan. Ils sont devenus méconnaissables. Cette désolation n’a pas tardé à se déteindre sur les conditions de vie des populations dont les réserves en nourriture ont fondu comme beurre au soleil. Le blé, principale base d’alimentation dans ces contrées excentriques est même devenu rare dans les marchés urbains, son prix d’achat dépassant aujourd’hui la capacité financière des habitants.

Dans cette course vers l’horreur, les éleveurs ne sont pas épargnés, eux qui sont obligés de brader leur cheptel à vil prix au lieu de les voir décimer par la faim. A titre d’exemple, une vache l’année dernière ne se vendait pas moins de 190.000 UM. Aujourd’hui, le prix de la belle génisse a chuté jusqu’à 20 à 30.000 UM.

Au début, les autorités avaient tenté de minimiser l’ampleur du désastre. Ainsi, le ministre de l’Intérieur Mohamed Ould Boilil avait démenti devant les députés de l’Assemblée Nationale, lors de l’avant-dernière session du Parlement, l’existence d’une quelconque sécheresse en Mauritanie. Pour lui, la situation était empirée par la surenchère politique, nourrie par une opposition prompte à aggraver n’importe quoi. Il avait déclaré que le gouvernement était fin prêt à prendre toutes les dispositions nécessaires au cas où ces « rumeurs » étaient avérées, mettant en garde l’opposition contre toute manœuvre tendant à porter atteinte à la réputation du pays par l’invocation de situations qui n’existeraient que dans leur imagination. Mieux, le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, lors de son show médiatique du 6 août 2011, baptisé « Rencontre avec le Peuple » avait eu le même raisonnement. Il parla ainsi de la situation encourageante qui prévaut à l’intérieur du pays, ajoutant que selon les informations dont il dispose, l’hivernage de cette année sera assez prometteur, voire meilleur que celui de l’an passé. Il avait lâché cette affirmation en réponse à des cris de détresse lancés lors de cette rencontre par des éleveurs du Hodh Charghi. L’un des intervenants avait même résumé la situation en disant que « les vaches étaient clouées au sol » incapables de se relever à cause de la faim.

Selon les données recueillies par les sources d’informations au niveau des Wilayas de l’Assaba et du Brakna, un flux important de bétails converge vers elles depuis deux mois, dont la plupart a pris le chemin du Mali à la recherche de pâturage.

Selon les techniciens du ministère du Développement rural cités par des sources journalistiques, le volume de pluie recueilli cette année au niveau du Brakna représenterait à peine 30% des quantités enregistrées l’année dernière. La répartition dans la région est cependant jugée inégale dans la mesure où certaines zones ont été suffisamment arrosées par rapport à d’autres. Ainsi, Aleg et ses environs, jusqu’aux limites du Gorgol, y compris MBagne et Boghé auraient reçu assez de pluie sans que cela ne puisse satisfaire la forte demande, eu égard à la petite superficie que cet ensemble représente. La zone la plus touchée par la sécheresse au niveau du Brakna serait le triangle compris entre Mâal, Maghta-Lahjar jusqu’à la localité d’Aghchorguitt, là où seraient concentrées les ouvrages de retenue d’eau les plus importants de la région.

En plus du manque de pluie cette année, le couvert végétal mauritanien au niveau de la Vallée serait aussi dangereusement menacée par une vague importante d’ânes en provenance du Sénégal voisin. Une telle invasion aurait crée une pression supplémentaire sur des pâturages rares.

Face à ce danger consécutif à la sécheresse, le drame des éleveurs qui ont des têtes de bétail à sauver semble plus sérieux. Face au fléau qui guette le monde rural, nul doute que l’intervention d’urgence de la part de l’Etat risquera fort d’inverser l’ordre des priorités à Nouakchott.

Cheikh Aïdara.

Source: L’authentique

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page