Mauritanie : la surveillance des sites Internet djihadistes est insuffisante

Selon les experts, la Mauritanie ne possède pas de structure légale pour combattre l’extrémisme en ligne.

 

 

 

Les jeunes mauritaniens, à Nouakchott comme dans les autres villes, vont couramment dans les cybercafés pour se rendre sur les sites djihadistes et visionner des vidéos d’Al Qaida. En l’absence d’un contrôle exercé par l’état, les propriétaires des cafés Internet disent qu’ils ont le sentiment d’être impuissants devant les clients désireux d’accéder à de tels contenus extrémistes.

Selon les experts, la Mauritanie est dénuée de cadre légal ou de régulations permettant de contrôler les sites Internet consacrés au djihad. Mohamed Lemine, expert en droit, déclare à Magharebia que l’implantation du cyber-espace dans le pays ne remonte qu’à une décennie et que la présence du Web, sur le territoire, n’en est encore qu’à ses balbutiements. Il ajoute que la conformation du système légal, en retard dans le secteur, face à ce phénomène, n’est qu’une question de temps.

Sans aucune loi permettant le contrôle des sites, les jeunes patrons de cybercafés sont les seuls gérants du problème. L’ancien radical Mohamed Ould Moustafa indique à Magharebia qu’il a « épousé la doctrine d’Al Qaida à travers Internet ».

« J’ai passé de longues heures dans les cybercafés des différents quartiers de Nouakchott et dans d’autres villes aussi. Je suivais assidûment les dernières informations des djihadistes, je regardais leurs photos, j’écoutais leurs sermons si fervents, leur poésie, leurs commandements », raconte Ould Mustafa. « Je suis également entré en contact par Internet avec les membres de cercles fermés djihadistes, pour obtenir davantage de renseignements ».

Néanmoins, son temps passé en ligne avec les extrémistes a tourné court. « Grâce à Dieu, je me suis mis à la recherche d’une fatwa émanant de certains grands érudits modérés en Mauritanie avant de rejoindre les camps d’entraînement. Leur conseil était de se tenir à l’écart de tels extrémistes du djihad, ce que j’ai fait très vite. J’ai alors commencé à passer cette fatwa à des amis dans les cyber cafés. Certains ont été convaincus, d’autres non », explique Ould Moustafa.

Il se demande pourquoi il n’y a « pas de contrôle au coeur du pays des sites djihadistes, alors qu’au même moment le gouvernement est en guerre ouverte contre Al Qaida et son idéologie takfiriste « .

« C’est vrai que l’accès aux sites Internet djihadistes est chose facile en Mauritanie », déclare Didi Ould Mohamed Lemine, chef du département des TI à l’agence chargée des nouvelles technologies. »C’est vrai aussi que certains djihadistes utilisent certains réseaux sociaux pour faire se répandre leur idéologie et leurs croyances dans la société. En fait, l’état n’applique aucune surveillance d’Internet en général, il n’a donc aucun contrôle sur de tels sites favorables au djihad. »

Les observateurs affirment que ce manque de contrôle est un obstacle dans la traque des partisans de tels groupements.

« Le problème n’est absolument pas technique », dit Sid Ahmed. « Le ministère peut interdire tous les sites Internet qu’il désire et il a les moyens de le faire. Mais nous ne pouvons pas nous livrer à cette procédure à moins qu’il n’y ait une décision officielle dans ce sens, prise par les hautes autorités du pays ».

Ly Cheikh Oumar, expert gouvernemental en TI, remarque les fournisseurs de services Internet n’ont pas le droit de contrôler ou d’interdire des sites, à moins que cela ne soit exigé par les autorités. « En fait, l’état n’a pas encore mis en place le cadre légal qui permettrait de lutter contre la cyber-criminalité en général », ajoute-t-il.

« Les extrémistes et les djihadistes ont le contrôle complet de la majorité des sites religieux en Mauritanie », constate Mohamed Yehdhih Ould Mohamed, analyste et spécialiste de la sécurité. « D’ailleurs, les terroristes utilisent YouTube pour envoyer des vidéos émouvantes dans le but de recruter de jeunes mauritaniens. Ils tirent avantage de l’absence totale de l’état dans le cyber-espace ».

« De plus, ceux qui portent des courants de pensée modérée n’ont une présence que très limitée sur Internet », ajoute Ould Mohamed. « Tout le monde sait que les leaders du courant djihadiste ont appris la doctrine d’Al Qaida sur le Web avant de rejoindre les camps dans le nord du Mali, où ils ont été formés à l’utilisation de différentes armes et préparés pour les attentats terroristes ».

Les propriétaires de cybercafés déclarent se sentir impuissants et incapables d’empêcher leur clientèle de se rendre sur des sites djihadistes.

« IJe remarque parfois que certains clients regardent constamment des sites djihadistes internationaux, et quand je leur conseille d’arrêter de les regarder, ils se mettent en colère contre moi, et ne reviennent plus », indique Khaled Ould Moukhtar, gérant d’un cybercafé à Nouakchott. « Et j’ai vu, par conséquent, le nombre de consommateurs se réduire ».

« Je ne veux pas garder le silence sur des choses qui menacent le pays entier et les générations futures, au nom seulement de quelque profit financier, » ajoute-t-il. « J’espère que les autorités chargées de la sécurité prêteront attention à ce phénomène avant qu’il ne soit trop tard ».

Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud

Source  :  Magharebia le 07/09/2011

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