« La chute de Kadhafi devrait mettre un terme aux trafics illégaux dans la bande sahélienne » (Ahmedou Ould Abdallah )

Ahmedou Ould Abdallah,  Président du Centre Stratégique pour la Sécurité du Sahel Sahara (Centre 4 S) et ancien diplomateDe retour en Mauritanie après de nombreuses missions dans le monde comme envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, notamment en Somalie de 2007 à 2010, cet ancien diplomate a créé le Centre stratégique pour la sécurité du Sahel Sahara (Centre 4S), dont le siège est à Nouakchott.

La chute du leader libyen Mouammar Kadhafi va-t-elle changer la donne dans la bande sahélo-saharienne ?

Ahmedou Ould Abdallah : Mouammar Kadhafi a subventionné les mouvements séparatistes ou de libération partout dans le monde au nom de la « troisième voie universelle ». Mais c’est dans la bande sahélo-saharienne que son influence s’est le plus fait sentir.

À cause de la fragilité de nombre de ces États, il a distribué des subsides aux uns et aux autres, changeant de camp au gré des présidents. Sa chute devrait permettre d’assainir l’économie de la région, qui a reposé jusqu’à présent sur des trafics illégaux (marchandises, cigarette, drogue, clandestins, etc.) grâce au transit par les ports libyens.

Est-il vrai qu’il a recruté des mercenaires parmi les Touaregs du Mali ?

Pas seulement au Mali, mais aussi au Niger, au Tchad parmi les Toubous et, dans une moindre mesure, en Mauritanie. Au début, il les appelait sa « légion arabe ». Celle-ci était composée d’au moins un millier d’hommes.

La plupart ont été naturalisés dans les années 1970 et, du coup, leurs enfants sont restés fidèles au « Guide de la révolution ». Ce sont d’excellents combattants. Même si beaucoup sont revenus dans leur pays d’origine, ils ont continué à se battre pour lui, contrairement à la plupart des autres Libyens.

Les différentes branches d’Aqmi qui sont présentes dans cette région vont-elles sortir renforcées ?

Mouammar Kadhafi s’est toujours opposé à la mainmise d’Al-Qaida dans cette région. Aussi des émirs salafistes du GSPC, comme Mokhtar Bel Mokhtar ou Abdelmalek Droukbal, qui contrôlent une zone comprise entre le sud de l’Algérie, le nord du Mali et jusqu’au Tchad en passant par le Niger et, aussi, la Mauritanie, vont-ils désormais avoir le champ libre.

Les Touaregs pro-khadafistes pourraient les rejoindre ou se livrer eux-mêmes à des trafics s’ils ne trouvent pas à s’employer. Mais c’est peu probable compte tenu de leur idéologie.

Faut-il craindre l’émergence d’un État islamique ?

Non, surtout après la mort de Ben Laden… Même si Al-Qaida s’est « franchisé » et qu’il existe, aujourd’hui, une continuité entre l’Afghanistan, le Yémen, la Somalie, le Soudan, le Tchad et, maintenant, le Nigeria avec le mouvement Boko Haram. Le plus grand danger pour ces États n’est pas l’islamisme.

Plutôt des gouvernements corrompus qui continuent de pratiquer le tribalisme et refusent la transparence dans les affaires. Ce sont eux qui font le lit d’Al-Qaida. Le principal défi qui attend le nouveau gouvernement libyen, c’est d’éviter de retomber dans le népotisme ou les trafics en tout genre.

Faut-il se réjouir du départ de Mogadiscio des shebabs somaliens dont vous affirmez qu’ils sont infiltrés par Al-Qaida ?

Les combattants shebabs les plus déterminés sont des étrangers. Ils ont dû partir à cause de la branche nationale « baidoa » qui veut arrêter la famine. Il n’est pas exclu qu’ils tentent une nouvelle offensive, soit à Mogadiscio, soit dans le Somaliland. Dans le cas contraire, plus rien ne s’opposerait à un retour des Nations unies à Mogadiscio.

Pourtant, les quelque 1 200 fonctionnaires onusiens qui s’occupent de la Somalie rechignent à quitter Nairobi. Tant que ce retour ne se sera pas produit, l’aide internationale continuera à être détournée.

Pourquoi dites vous que des « fonds religieux » alimentent Al-Qaida en Somalie et ailleurs ?

En Somalie, la première source de financement des groupes infiltrés par Al-Qaida est la piraterie. Mais ils se financent également avec la zakat, c’est-à-dire l’impôt sur les revenus des riches musulmans du Moyen-Orient. Le plus grand danger serait que les shebabs étrangers, qui sont repliés à 25 kilomètres de Mogadiscio et dans le port de Kismaayo, profitent de la pagaille qui règne actuellement en Libye pour venir s’implanter dans la bande sahélo-saharienne.

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Kadhafi représente « toujours un danger »

Moustapha Abdeljalil a appelé lundi 29 août la coalition internationale à « poursuivre son soutien ». Le président du Conseil national de transition libyen (CNT) a estimé que le colonel Kadhafi et ses appels au soulèvement de ses partisans représentaient « toujours un danger ». Les rebelles concentraient leurs efforts sur Syrte, dernier grand bastion de Mouammar Kadhafi.

À Tripoli, 850 migrants et déplacés libyens vulnérables ont pu quitter la ville à bord d’un bateau de l’Organisation internationale pour les migrations qui se dirigeait vers Benghazi, à 1 200 km plus à l’est. Par ailleurs, une cinquantaine de ressortissants étrangers, notamment les quatre journalistes italiens enlevés pendant vingt-quatre heures la semaine dernière, ont pu fuir à bord d’un navire arrivé lundi à Malte après une traversée périlleuse.

L’ambassade de France à Tripoli a rouvert lundi après six mois de fermeture. Antoine Sivan, le représentant de la France auprès du CNT, ralliera Tripoli dès que les dirigeants du CNT en auront fait autant, a indiqué lundi le Quai d’Orsay.

Recueilli par CHRISTINE HOLZBAUER, à Dakar

Source: La Croix

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