Mauritanie : l’opposition sort ses griffes

bakala_kane_rimAprès deux ans de tentative de dialogue avec le pouvoir et de contestation systématique contre le régime de Ould Aziz, le RFD de Ould Daddah et l’UFP de Ould Maouloud passent à l’offensive.

Les deux principaux leaders de l’opposition  demandent aux mauritaniens de tourner définitivement à partir de maintenant la page du régime militaire et appellent à un sursaut national pour sauver le pays de cette dictature. Pour les observateurs ce ras le bol de l’opposition interpelle tous les partis de la coordination  à l’unisson dont le principal objectif est de changer de stratégie pour convaincre l’opinion nationale et internationale des bien-fondés de ce changement historique.

Le bilan mitigé que le président mauritanien lui-même a disséqué publiquement la semaine dernière pour marquer le deuxième anniversaire de son avènement au pouvoir a donné beaucoup de grains à moudre à l’opposition qui n’a pas manqué de saisir la balle au bond. L’occasion est belle pour le chef du RFD Ould Daddah et le chef de l’UFP Ould Maouloud pour sortir des sentiers battus et passer à la vitesse supérieure.

Jusqu’à présent les deux principaux leaders de l’opposition s’étaient contentés de critiquer systématiquement le régime de Ould Abdel Aziz. Deux ans de pratiques suffisent pour passer à un autre cap. Face à l’indifférence des pouvoirs publics aux préoccupations majeures des populations par rapport à la cherté de la vie aggravée par la crise internationale, la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, le chômage des jeunes, la paupérisation croissante des centres urbains due à l’exode rural massif, le RFD et l’UFP entendent doubler la mise en demandant à tous les mauritaniens de tourner définitivement la page du régime militaire qui n’a que trop duré et de réagir plus activement et tous ensemble pour sauver le pays de cette dictature.

Les raisons de ce durcissement résident  d’abord dans l’arrogance et le mépris que le chef de l’Etat a affichés lors de sa prestation médiatique envers ses compatriotes notamment les plus faibles et ensuite dans l’échec du dialogue inclusif.

Retour en arrière. C’est avant tout l’opposition qui s’est fait tirer lui-même une balle dans les pieds en signant cette feuille de route pour aller aux élections présidentielles de 2009. Et par la même occasion elle légitima ainsi le putsch du général Aziz. Echec et mat. Une fois ce piège refermé Ould Abdel Aziz sait qu’il ne partagera pas le pouvoir encore moins donner des ailes à l’opposition  pour voler.

C’est sur le terrain  des libertés et des droits fondamentaux que le nouveau régime va fléchir donnant ainsi l’occasion à l’opposition  de dénoncer régulièrement les violations des droits des étudiants, des dockers, des ouvriers, des syndicalistes et des militants anti-esclavagistes par la répression des forces de l’ordre.

Le contexte politique actuel est révélateur de ce dérapage. L’UFP relève la destruction programmée de l’Etat civil à des fins de manipulation des prochaines élections législatives et municipales que les deux leaders de l’opposition ont décidé de boycotter pour éviter d’être complice une seconde fois d’une autre mascarade.

Par ailleurs ce qui fâche surtout Ould Daddah et Ould Maouloud c’est le manque d’ouverture  jusqu’ici des médias publics aux partis d’opposition en dépit de la libéralisation des ondes adoptée par le parlement. Cette lenteur volontaire ou involontaire fait de la Mauritanie le seul pays de l’espace ouest-africain où la démonopolisation des ondes n’est pas encore effective.

Sur le terrain social, le RFD pointe la carence d’une politique porteuse d’emplois et de richesses avant de  tirer la sonnette d’alarme sur la démission du gouvernement de Ould Laghdaf devant les menaces de famine et de désastre subi par les éleveurs victimes de retard des pluies cette année. Le déblocage tardif de 1000 tonnes de blé pour les soutenir est une goutte dans l’océan et  ne change en rien l’absence d’une politique agricole véritable.

Pour toutes ces raisons le RFD et l’UFD sont d’accord pour mener d’autres luttes démocratiques  pour faire plier le régime de Ould Aziz à travers des actions concrètes. Par exemple la coordination de l’opposition démocratique est entrain d’étudier la possibilité de créer une commission composée de 5 membres permanents pour accompagner les militants de l’IRA-Mauritanie lors des investigations et dans les commissariats de police. Une bonne initiative qui rend plus crédible l’opposition à condition de l’élargir aux autres mouvements sociaux des jeunes et autres collectifs comme celui des fonctionnaires victimes des évènements 89 qui a commencé à donner de la voix et au delà le passif humanitaire.

Tous les partis d’opposition sans exception devront batailler dur pour rendre irréversible ce nouvel élan. La conduite des affaires de l’Etat mauritanien laissait penser que Ould Aziz tient coûte que coûte à s’accrocher à tout prix  pour le reste de son quinquennat, quitte à mettre sur la touche ses ennemis les plus farouches. Les observateurs attendent de voir les autres propositions de la COD pour entraîner le pays dans la bonne direction.

Bakala Kane

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