Mauritanie : le pari difficile de la jeunesse pour Ould Aziz

 

bakala_kane_rimLa Mauritanie vient de dévoiler son plan quinquennal pour les jeunes 2010-2015  à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations-Unies le mois dernier à New-York.

Il sera question pour le gouvernement de Ould Laghdaf de booster financièrement tous les programmes en faveur des jeunes et de favoriser ainsi l’émergence d’une stratégie nationale pour lutter contre le chômage et la pauvreté. Cette batterie de mesures cache cependant des difficultés importantes en matière d’éducation et de santé  dans un pays qui accorde jusqu’ici peu d’attention au développement de structures d’accueil et de loisirs pour la jeunesse et dominé par la culture arabo-berbère au détriment des minorités  négro-africaine et haratine.

Depuis l’avènement des militaires au pouvoir en 1978 en Mauritanie jamais aucun gouvernement ne s’est intéressé au sort de cette frange de la population pourtant majoritairement jeune et en âge d’aller à l’école et dont plus de la moitié  aujourd’hui abandonnent très tôt le système éducatif et ne trouvent plus un emploi  et cela après plus de cinquante ans d’indépendance. Cette triste réalité traduit l’absence d’une véritable politique éducative et culturelle et de santé pour sortir la Mauritanie du sous développement. Il suffit de regarder la part du budget consacré  en 2011 à ces secteurs pour se rendre à l’évidence. Le ministère de la culture, jeunesse et sport avoisine 1 milliard 6 d’ouguiya alors que la santé à peine 9 milliards tandis que la grande part du gâteau revient à l’éducation avec 46 milliards d’ouguiya alors qu’il se trouve dans une situation alarmante.

Les feux sont rouges partout. Tous les tests d’évaluation, tous les audits et journées de réflexions ont montré depuis des années  une dégradation constante du niveau des élèves. Les résultats cette année des examens au brevet et au Bac sont significatifs à cet égard. Le gouvernement de Ould Laghdaf avait promis des états généraux pour corriger le système mais depuis  presque une année c’est le statu quo. Malgré une politique volontariste d’insertion des jeunes, le nombre de jeunes chômeurs augmentent d’année en année. Peu qualifiées et analphabètes pour la plupart ce sont les jeunes filles qui sont davantage marginalisées. La formation professionnelle est un problème numéro un en Mauritanie comme en témoigne une enquête  menée à Dar Naim en 90, un quartier issu des bidonvilles de la Moughataa de Téyarett qui  révélait l’existence d’un seul centre de formation professionnelle CFIP de Caritas Mauritanie et aucune école supérieure dans un quartier aussi peuplé.

En outre, 60 pour cent des familles  monoparentales qui y vivent  sont des femmes chefs de ménage  et se trouvent dans une situation de pauvreté extrême. C’est dans ce quartier populaire et dans d’autres de Nouakchott que les mouvements de révolte des jeunes sont nés à l’instar de la Coordination du 25 février issu du printemps arabe et qu’à l’évidence les recruteurs d’Al Qaïda trouvent des raisons pour atteindre leurs cibles.

Quant à l’accès aux soins des populations les plus démunies , le système reste un véritable goulot d’étranglement. Les mauritaniens ne disposent toujours pas suffisamment d’  équipements matériels et humains pour leurs centres de santé dans les hôpitaux, dispensaires  et PMI. En plus des difficultés de transport qui se posent avec acuité dans les campagnes notamment. Cette couverture sanitaire limitée touche encore les jeunes  filles et garçons qui ont des difficultés à trouver des médicaments sur place. Raison pour laquelle le plan quinquennal 2010-2015 dévoilé à L’ONU  ambitionne de recoller tous les morceaux avec en toile de fond un financement fort à tous les programmes en faveur de la jeunesse en particulier la formation et l’emploi.

Mais cette mobilisation n’est pas sans prendre en compte l’un des parents les plus  pauvres en Mauritanie,la culture dans toutes ses dimensions artistiques, scientifiques, techniques et patrimoniales. Car le logiciel utilisé depuis 1960 n’a pas changé. Il est toujours fondé sur la prédominance de la culture arabo-berbère au grand dam des minorités culturelles négro-africaine et haratine. A titre d’exemple un seul prix est financé par l’Etat celui de Chinguetti à hauteur cette année de plus de 67 millions d’ouguiya. Le temps est venu de parler sans tabous et de donner une chance à toutes les cultures dans les médias publics, dans l’administration et dans la sphère publique. C’est cette culture partagée ouverte à toutes les expressions qui peut donner un sens à  n’importe quel plan de développement mauritanien au plus noble sens du terme c’est-à-dire un projet de politique culturelle.

Cette fracture culturelle est aujourd’hui aggravée par la fracture numérique qui risque de faire des mauritaniens si on ne prend pas garde des éternels analphabètes. Hier les jeunes étaient intégrés dans des structures d’éducation des masses mais à des fins d’embrigadement politique. Aujourd’hui les nouvelles autorités de Nouakchott doivent innover. Cette initiative passe par la multiplication de maisons de jeunes et de la culture, des centres de loisirs  et l’implication des jeunes dans des structures associatives dans tous les domaines. Le développement des universités religieuses rime avec la promotion  d’autres savoirs et des langues nationales en particulier. Allouer de petits budgets à ces secteurs revient à fragiliser tous les projets culturels, artistiques et sportifs. Au final pas d’éducation sans culture et sans volonté d’émancipation. Qu’on le veuille ou non les enfants et les jeunes sont l’avenir du pays. Ils doivent pouvoir  bien vivre ensemble. Un pari difficile de la jeunesse pour le quinquennat de Ould Aziz.

Bakala Kane

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