Un rapprochement est-il possible entre la révolution tunisienne et la «rectification» ?

Les observateurs de la scène politique arabe sont unanimes.Les soulèvements populaires égyptien et tunisien peuvent bien être à l’origine d’un changement de régimes dans le monde arabe, disent-ils.

 

Issus de rangs de l’opposition, un nombre important d’hommes politiques mauritaniens pense que ces mouvements peuvent s’étendre à la Mauritanie.Le premier à avoir tiré sur la sonnette d’alarme est Mohamed Ould Maouloud, qui – lors du dernier meeting de la C.O .D – enjoignait aux pouvoirs publics d’œuvrer en fin d’en finir….

avec le marasme politique, économique et social, et prévenir des troubles similaires à ceux qui secouent la Tunisie. Mais du côté du pouvoir le ton est tout autre. Selon les partisans du régime,les troubles observés en Tunisie et en Egypte ne peuvent avoir des conséquences sur la scène politique nationale. Raison invoquée : la Mauritanie est une démocratie. Certains vont jusqu’à soutenir que le soulèvement populaire tunisien est similaire au mouvement de «rectification». Mais au fond aucun rapprochement n’est possible entre le renversement de Ben Ali et l’action qui renversa le régime issu du scrutin de mars 2007. La «rectification» a renversé un régime qui se souciait du respect des droits de l’homme. Un régime qui a criminalisé l’esclavage, permis de mener des enquêtes sur les discriminations dans le pays, les détentions arbitraires, en vue de les dépasser. Le mouvement de Sidi Bouzid a renversé un régime qui se souciait peu du respect des droits de l’homme. La police de Ben enlevait, emprisonnait et torturait les opposants au gré de ses humeurs. Elle avait droit de vie et de mort sur les citoyens. La «rectification» – ou le «mouvement rectificatif», ou le «changement constructif» – a renversé un régime attaché au principe de la liberté d’expression, lequel tolérait manifestations sit-in et meetings dont un bon nombre furent organisés devant le palais présidentiel. Ben Ali était défavorable à la liberté presse libre, il ne supportait pas les manifestations populaires. Il ne tolérait pas les critiques. Résultat, les Tunisiens en étaient venus à éviter de prononcer son nom par crainte d’être emprisonnés.
Sidi Mohamed Ouléma Cheikh Abdellahi renversé par la rectification était arrivé au pouvoir par un scrutin jugé transparent par les Mauritaniens et la communauté internationale avec un score d’un peu de plus de 50% de voix. Ben Ali a sans cessé renouvelé son mandat à la tête de la Tunisie par des scrutins remportés avec plus de 97¨% de voix. Les dissemblances entre la rectification et le soulèvement populaire qui a entraîné la perte de Zine El Abidine Ben Ali peuvent être citées à l’infini. En un mot le mouvement populaire – consécutif à l’immolation du héros Bouazizi – est venu signer l’acte de décès d’un régime tyrannique, c’est une révolution, tandis que la «rectification» du général Mohamed Ould Abdel était venue mettre fin à une démocratie, c’est un coup d’Etat.

Samba Camara

Source  :  Le Rénovateur le 08/02/2011

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