L’édito de La Tribune (07/02/2011)

Tout était fait pour faire le maximum de victimes. De désordres aussi. Au total trois tonnes d’explosifs. En plus d’armes individuelles destructrices.

 

Chaque voiture pouvait faire des dégâts à plus d’un kilomètre à la ronde. Imaginons le désastre évité… un peu par chance.

Trois voitures sont passées par la frontière du sud-est alors qu’elles étaient repérées dès leur point de départ. Deux d’entre elles – au moins – ont traversé huit régions du pays : les deux Hodhs, l’Assaba, le Guidimakha, le Gorgol, le Brakna et le Trarza avant d’arriver sur le territoire du district de Nouakchott. La troisième voiture est repartie (visiblement) vers sa base. Deux des éléments armés ont fait cinq jours de cavale dans une zone très peuplée (Trarza). Il y a lieu de se poser des questions. De chercher des réponses à ces questions. D’en tirer les conclusions.

Ce n’est pas la peine d’aller plus loin. L’urgence étant de tirer la sonnette d’alarme, de comprendre qu’il s’agit là d’un avertissement. Que nous payons à moindre prix la guerre qui nous est menée par AQMI, surtout par ceux de nos fils qui ont choisi de rejoindre les camps du nord du Mali.

La Mauritanie a, jusqu’à récemment, été le maillon faible de la chaîne des pays concernés par l’activité du crime organisé. Il faut rappeler ici la situation de 2005, quand, à Lemghayti, le Groupe salafiste de combat et de prédication, le GSPC devenu AQMI, massacrait impunément les nôtres. Ghallawiya, Tourine, Aleg, Nouakchott… AQMI a porté ses efforts sur le pays qui semblait être le plus fragile, le plus vulnérable.

Mais depuis les attaques sanglantes, la Mauritanie a fait d’énormes efforts. L’Armée s’est dotée de moyens pour faire face. D’abord contrôler le territoire national. Ce qui a été fait. Ensuite mettre en place des unités mobiles et bien équipées. Ce qui a été fait. Engager les pays voisins dans l’effort global de lutte contre une activité criminelle transfrontalière. Ce qui a été fait, du moins partiellement avec l’engagement du Mali aux côtés des Mauritaniens.

Depuis les campagnes de juillet et de septembre 2010, les armées maliennes et mauritaniennes pratiquent une tactique de «containment» des éléments terroristes dans le désert du nord. Cela a servi, au moins, à faire changer la peur de camp. Depuis ce sont les terroristes qui se terrent. Et quand ils sortent, c’est pour se faire arrêter ou se faire tuer. Il suffit de voir combien d’entre eux ont été neutralisés en Algérie, au Mali, en Mauritanie depuis l’été dernier.

Les Emirs des katibas semblent avoir décidé de faire payer la Mauritanie. L’effet de l’opération, si elle avait réussi, aurait été dévastateur pour le pouvoir en place certes, mais aussi pour le pays tout entier. Ils ont échoué. Heureusement pour nous. Que vont-ils faire maintenant ?

Il ne faut pas croire qu’ils vont baisser les bras. Une soixantaine de mauritaniens sont toujours de l’autre côté, prêts à se laisser utilisés par leurs commanditaires. La prochaine étape sera celle, non pas des voitures piégées, mais des actions ciblées. Avec notamment des kamikazes lâchés cette fois-ci dans les marchés, les regroupements. Ce sera peut-être des meurtres commandités de personnalités symboliques. Tout peut arriver.

Si la bataille militaire est remportée – même momentanément – par la Mauritanie, celle des renseignements reste à mener. Les pouvoirs publics doivent mettre à profit la présence mauritanienne au nord du Mali. Un nord malien qui reste un prolongement social de notre pays. Des actions ciblées doivent profiter à ces populations fragilisées par l’absence d’activités économiques, y compris le trafic que combattent les Etats malien et mauritanien. Il faut créer une activité génératrice de revenus à la place et ne pas laisser de vide qui puisse profiter à la propagande des terroristes. Passer des pactes avec les populations vivant au bord des frontières, de l’un et l’autre des côtés. Les sensibiliser, les armer éventuellement, les retourner contre les terroristes qui ont empesté leur environnement.

Il faut aussi penser à réactualiser la cartographie de la Mauritanie. Redynamiser les forces de sécurité. Il faut surtout enlever tous ces postes de contrôle sur les routes de Mauritanie. Ils ne servent à rien, sinon à encourager la corruption et à baisser la garde.

Mohamed Fall Ould Oumeir

Source  :  La Tribune n° 536 du 07 février 2011

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