Côte d’Ivoire : un panel de chefs d’Etat africains mal assortis

Jacob Zuma (Afrique du Sud), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Idriss Déby (Tchad), Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie) et Jakaya Kikwete (Tanzanie). Voici les cinq chefs d’Etat nommés aujourd’hui par l’Union africaine (UA) pour former un « panel »

chargé de résoudre le casse-tête ivoirien. Ces nominations ont fait l’objet d’intenses tractations. Chacun des deux camps ivoiriens a tenté de tirer la couverture à soi. Résultat : un panel qui aura bien du mal à remplir sa mission – rendre un verdict « contraignant », dans un délai d’un mois, pour dénouer la crise.

Blaise Compaoré est accusé par le camp Gbagbo d’être l’un des plus fidèles soutiens de Ouattara (lui-même accusé d’être Burkinabé). En tant qu’ancien militaire putschiste, ce président peut difficilement donner des leçons de démocratie, étant parvenu au pouvoir en 1987 après liquidation de son illustre camarade et prédécesseur Thomas Sankara. Blaise Compaoré, qui s’est fait réélire une énième fois en novembre avec plus de 80 % des voix, s’est certes hissé au rang de grand médiateur en Afrique de l’Ouest, oeuvrant à la résolution de bien des crises dans sa région, y compris en Côte d’Ivoire – avec les accords de Ouagadougou.

Il comble le vide laissé dans la diplomatie africaine par Olusegun Obasanjo (Nigeria) et Thabo Mbeki (Afrique du Sud), depuis leurs départs respectifs du pouvoir. Mais tout médiateur qu’il soit, Compaoré a observé le plus grand silence, depuis le début de la crise post-élecotrale en Côte d’Ivoire, pour ne pas mettre en danger ses millions de compatriotes qui y sont installés. Une première question se pose, d’ores et déjà : si le panel contraint Gbagbo à reconnaître la victoire électorale de Ouattara, que va-t-il advenir aux Burkinabè de Côte d’Ivoire, déjà apeurés par les menaces de représailles des partisans de Gbagbo ?  

Jacob Zuma, de son côté, est un allié discret mais efficace de Laurent Gbagbo. Il tiendra compte de l’Angola, pays voisin de l’Afrique du Sud et seul soutien affiché à Laurent Gbagbo. Dans le panel, Zuma pourrait peser lourdement : la puissance sud-africaine ne sera contrebalancée par aucun interlocuteur de poids – comme le Nigeria ou le Kénya. A charge, pour les trois autres membres du comité, de se liguer pour faire contrepoids ou servir de sous-médiateurs, afin de dénouer les désaccords prévisibles entre Compaoré et Zuma. 

Or, à ces trois postes cruciaux, on trouve deux putschistes et un quasi-inconnu sur la scène diplomatique africaine. Où sont les personnalités réputées et respectées pour leur parcours et/ou leur ascendant moral, comme Amadou Toumani Touré (Mali), Ellen Johnson Sirleaf (Libéria) ou Ian Khama (Botswana) ? 

Si de tels dirigeants étaient trop difficiles à trouver parmi les chefs d’Etat actuels, bien des « anciens », parmi ceux qui ont su quitter le pouvoir, auraient aussi pu être sollicités : outre Obasanjo et Mbeki, déjà actifs sur le dossier ivoirien, Jerry Rawlings (Ghana), Quett Masire (Botswana), Alpha Oumar Konaré (Mali) et Abdou Diouf (Sénégal) auraient pu offrir leurs bons et loyaux services. En clair, des personnes à qui ni Laurent Gbagbo, ni Alassane Ouattara ne peuvent dire non.

© Reuters / Blaise Compaoré entouré par Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, à Abidjan le 27 novembre, à la veille du second tour de la présidentielle. 

Sabine Cessou

Source  :  Post Afrique (blog) via Libération le 31/01/2011

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