Administration : Les blocages continuent

L’un des premiers engagements du président de la République a porté sur la restauration de la crédibilité de l’Etat. Or, cette crédibilité passe nécessairement par l’Administration publique. Mais l’assainissement recherché prend aujourd’hui la facette d’une asphyxie programmée.

 

Dans sa récente interview avec nos confrères de La Tribune, le président de la République ne semble pas se tromper sur les réalités du pays et singulièrement sur le rôle dévolu à une administration de développement. Mais l’héritage de l’ancien régime reste lourd. Beaucoup y ont contribué parfois par obéissance stricte au diktat du Prince, souvent par compromission. C’est donc d’abord une question de mentalité dans notre Administration où les mauvaises pratiques ont toujours eu pour noms trafic d’influence, politisation, mauvaise gestion et ses corolaires que sont les détournements des deniers publics et la corruption.

Premier atout indéniable
Le redressement recherché par les nouvelles autorités consiste, à juste titre, à bannir ces pratiques. Or, ces changements supposent des réformes profondes en adéquation avec la recherche d’une bonne gouvernance privilégiant l’efficacité, la transparence et de meilleures qualités du service public.
S’agissant de la volonté d’assainir, le président n’a pas hésité à «lâcher » ses soutiens politiques ayant des démêlées avec la Justice donnant ainsi le meilleur exemple. Il a aussi initié des rencontres avec les ordonnateurs des budgets, avec les présidents des conseils d’Administration de sociétés d’Etat ou parapubliques. La volonté existe. Mais le plus important, c’est que les décideurs croient encore que l’on peut inverser cette tendance de mauvaise gestion. Mais comme le sait pertinemment le président de la République, l’assainissement ne se décrète pas, même si en Mauritanie, plus qu’ailleurs, la volonté politique peut être déterminante à imprimer à la girouette la direction du vent.
L’un des premiers atouts dans cette optique reste indubitablement la prise de conscience par le sommet de la mesure de la moisissure du personnel politique, très peu enclin à la recherche de l’intérêt national et toujours rivé sur les dividendes de ses «placements » politiques. Et souvent ce sont ceux qui s’affichent honnêtes qui sont les plus fourbes. La situation de l’Administration est, on en convient tous, dramatique. Elle est même aujourd’hui à la croisée des chemins avec le départ de hauts cadres, atteints par la limite d’âge, et dont la relève n’a pas été soigneusement préparée. C’est donc légitimement si l’on se demande où va-t-on aujourd’hui? La psychose de responsabilité plante-t-elle l’Administration? Le constat est qu’un découragement s’installe même si c’est de façon imperceptible à plusieurs niveaux de l’Administration lui faisant perdre l’esprit d’initiative. L’on a beaucoup tendance –et souvent à raison- à indexer l’Administration, héritée de l’ancien régime, comme une mauvaise administration. Ce ressentiment était largement partagé par les populations qui ont aussi une responsabilité directe dans la persistance des mauvaises pratiques. Il ne s’agissait pas d’être sorcier pour diagnostiquer les maux dont souffre encore notre Administration. Même si cette tare est présente dans bon nombre de pays du tiers-monde, elle a atteint son paroxysme en Mauritanie avec l’abus des recrutements sans autre qualité que l’appartenance tribale et parfois même ethnique.

Souci d’efficacité et sclérose continue
Qu’on se le dise tout de suite, un fonctionnaire entre dans la fonction publique pour sa promotion sociale et son épanouissement économique. Mais cela devrait évidemment rester dans les limites légales de son statut. Un découragement semble pourtant envahir ce personnel dont les prérogatives légales lui sont tout simplement déniées. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Outre donc les problèmes réels de la qualité des ressources humaines, de plus en plus insuffisantes ou inefficaces, les réformes engagées depuis 1999 n’ont pas servi les objectifs escomptés. Les blocages psychologiques (changement de mentalités) forment l’une des grandes tares de notre administration. Et les persistances des blocages socio-tribaux et mêmes ethniques n’arrangent pas les pratiques de l’Administration. Il faut bien donc dire qu’aujourd’hui, malgré la volonté politique de réformer, les changements observés dans la manière et le comportement de l’Administration ne poussent pas, non plus, à l’optimisme. La forte pression sur les administrations, souvent délestées de leurs propres prérogatives, constituent des sources de blocages, d’une nouvelle nature. Les administrations sont incapables de fournir la moindre action tant le centre décisionnel se ramène à une voire deux personnes dans un département. Pourtant, il va bien falloir respecter la réglementation en vigueur y compris bien évidemment le rôle des administrations de contrôle (Inspection générale des finances, Inspection Générale de l’Etat, Cour des Comptes) afin de responsabiliser les administrations et ainsi pouvoir leur demander des comptes. On assiste malheureusement aujourd’hui à des dérapages lexicaux de qualification dans l’assimilation des fautes de gestion au détournement, malgré les manuels de procédure existants. La situation est telle dans nos administrations aujourd’hui que la formation continue est encore une exigence d’efficacité. Mais il semble de plus en plus évident que le souci d’efficacité tient d’abord à la transparence non seulement entre les administrations, mais également en vers le public et les usagers. D’autant plus que la Déclaration d’Orientation sur la bonne gouvernance, appelle l’Etat, le secteur privé et la société civile, à contribuer “dans leur rôle respectif, au développement humain durable.
 

JD

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 04/01/2011

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