Kassataya, 6 novembre- La crise politique ivoirienne n’en a pas fini de rebondir chaque fois qu’une issue semble à portée de main. Cette fois, elle s’exporte au Sénégal à la suite de l’entretien que le président sénégalais Abdoulaye Wade a accordé à Alassane Dramane Ouatara arrivé second de l’élection présidentielle ivoirienne -dont le premier tour s’est tenu dimanche- avec le score de 32% juste derrière le président sortant Laurent Gbagbo (38%). Celui-ci a manifestement peu apprécié la délicatesse du président sénégalais et n’a pas manqué d’exprimer sa colère en rappelant son ambassadeur à Dakar.
AFP – La présidence ivoirienne a accusé vendredi le Sénégal de « conspiration » et rappelé son ambassadeur à Dakar, après une rencontre entre le chef de l’Etat sénégalais Abdoulaye Wade et l’opposant Alassane Ouattara, rival du sortant Laurent Gbagbo à la présidentielle ivoirienne.
Cet incident diplomatique est un nouvel épisode des relations tourmentées entre les présidents Gbagbo et Wade.
« On a le droit de soutenir (un candidat), mais on n’a pas le droit de conspirer en vue d’une déstabilisation », a déclaré à l’AFP le conseiller diplomatique de M. Gbagbo, Alcide Djédjé.
« La Côte d’Ivoire a rappelé son ambassadeur au Sénégal. L’ambassadeur du Sénégal en Côte d’Ivoire a été convoqué aujourd’hui (vendredi) au ministère des Affaires étrangères et a reçu une lettre de protestation des autorités ivoiriennes », a-t-il indiqué.
L’audience accordée jeudi à Dakar par le chef de l’Etat sénégalais à l’adversaire de M. Gbagbo au second tour, quelques heures après la proclamation des résultats du premier tour du 31 octobre, est « une ingérence intolérable du Sénégal dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire », a-t-il affirmé.
M. Wade « a envoyé un avion pour chercher » l’ex-Premier ministre Ouattara et l’autre dirigeant de l’opposition ivoirienne, l’ancien chef d’Etat Henri Konan Bédié, a poursuivi M. Djédjé. « Bédié a refusé de partir, Ouattara est parti avec une forte délégation ».
« Si Wade soutient Ouattara, il peut le faire plus discrètement », réagit Dakar
« C’est incroyable », « du jamais vu en plein second tour », a ajouté ce proche du président Gbagbo. « Si (le président sénégalais) soutient Ouattara, il peut le faire plus discrètement, comme ça se fait partout », a-t-il dit.
Interrogé par l’AFP, le porte-parole du gouvernement sénégalais, Moustapha Guirassy, a dit que le Sénégal « prend acte » de l' »accusation très grave » portée par Abidjan.
Le Sénégal n’avait « pas été choqué de voir des adversaires du président de la République reçus par le président ivoirien » pendant la campagne présidentielle en Côte d’Ivoire, a-t-il souligné, citant deux opposants sénégalais, Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse.
« Nous considérons la Côte d’Ivoire comme un Etat indépendant et souverain qui a la possibilité et le droit de rappeler son ambassadeur quand il le désire », a-t-il encore relevé. « Nous en prenons acte ».
Le porte-parole n’a pas officiellement confirmé la rencontre entre MM. Wade et Ouattara mais a fait valoir que le président sénégalais avait « toujours reçu des hommes politiques de la sous-région ». « Il a toujours agi pour la paix », a-t-il affirmé.
L’entourage de M. Ouattara avait indiqué vendredi matin que le candidat avait « eu une audience jeudi à Dakar avec le président Wade », avant de rentrer à Abidjan vendredi. Le contenu de l’entretien n’a pas été précisé.
Alassane Ouattara, qui au premier tour a recueilli 32,1% des voix, derrière M. Gbagbo (38,3%), était accompagné à Dakar de Me Jeannot Ahoussou, haut dirigeant du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, ex-parti unique), selon le PDCI. M. Bédié, candidat de ce parti, est arrivé troisième (25,2%).
Le président Wade s’était impliqué dans les efforts de règlement de la crise politico-militaire ivoirienne de 2002, mais ses relations avec le régime Gbagbo ont connu des coups de froid, avant un réchauffement récent.