«Nous ne laisserons pas le terrorisme se déployer»

Quelle est votre analyse de la situation au Sahel actuellement ?

La situation sécuritaire au Sahel est très tendue. Elle se caractérise par la présence de bandes terroristes et criminelles très dangereuses. C’est une situation très délicate qui nécessite la mobilisation et l’action.

 

– La Mauritanie s’engage à poursuivre la lutte contre le terrorisme, qui devient une sérieuse menace pour le pays et pour la stabilité dans la région du Sahel. Comment comptez-vous mener cette lutte ?

Le gouvernement a la responsabilité d’assurer la sécurité de ses citoyens et des étrangers qui viennent en Mauritanie. Il a la responsabilité également de protéger leurs vies et leurs biens. Nous savons qu’il est difficile de mener cette mission, mais c’est un défi que nous comptons relever. La sécurité est même un préalable au développement économique et social, ainsi qu’à la stabilité des institutions politiques de notre pays. Nous avons décidé de nous impliquer et de nous investir entièrement dans cet objectif, qui est de rétablir la sécurité dans notre pays et dans la sous-région. Nous avons la responsabilité de rétablir la sécurité dans la sous région.

Avez-vous une stratégie précise pour mener à bien cette mission ?

Nous avons un territoire très vaste (1,3 million de kilomètres carrés), dont au moins les deux tiers sont des terres désertiques. Nous pensons avoir hérité d’une situation de déliquescence de l’autorité de l’Etat et de l’appareil sécuritaire en général. Nous pensons que la stratégie défensive et statique n’est pas efficace. C’est pour cela que nous avons opté pour une défense offensive contre le terrorisme, qui consiste à ne pas laisser des bases opérationnelles et logistiques des terroristes se constituer à nos frontières.

C’est dans cette optique que vous avez mené, en septembre dernier, une opération militaire conjointe avec l’armée française au Mali ?

En effet, c’est pour cela que nous avons mené cette attaque. Nous avons détruit une base opérationnelle. Selon nos informations, les bandes terroristes étaient en train de se regrouper pour nous attaquer. Nous avons effectivement bénéficié d’un soutien logistique français qui nous a permis de mener notre attaque offensive. Et à chaque fois que nous le pourrons, nous rééditerons ce genre d’opération et nous n’attendrons pas qu’on nous attaque pour riposter ; quand nous aurons des informations sur l’existence de bases opérationnelles, nous ferons de notre mieux pour les détruire.

Justement, cette opération que vous avez menée avec l’armée française a été mal vue du côté algérien, même si officiellement il n’y a eu aucune protestation. Qu’en pensez-vous ?

Je vous laisse la responsabilité de cette appréciation. Pour ma part, je ne pense pas que l’Algérie, qui a longtemps souffert du terrorisme, puisse être contre une action que nous menons pour garantir notre sécurité. L’Algérie est un pays de la sous-région qui a beaucoup souffert du terrorisme. Je pense qu’il n’y a pas d’embrouille dans ce sens.

Pensez-vous que cette opération est une réussite pour l’armée mauritanienne ?

C’est une réussite rien que du fait que cela s’est déroulé en dehors de nos territoires. Nous n’avons pas attendu que les terroristes soient sur le territoire de la Mauritanie pour réagir. Nous avons repéré une colonne en mouvement qui se préparait à nous attaquer et nous avons anticipé sur cette action. A chaque fois, nous ferons cela pour les maintenir en dehors de nos frontières.

Vous êtes engagés dans la coalition des pays du Sahel pour la lutte contre Al Qaîda au Maghreb (AQMI). Comment évaluez-vous le travail accompli jusque-là par cette coalition ? 

    
La Mauritanie, en tant qu’Etat, n’a rien à se reprocher dans la coopération et la coordination dans le cadre de cette coalition. Il n’y a aucun complexe à le dire. Car nous ne pouvons pas avancer seuls dans la lutte contre la menace terroriste, et les autres non plus. C’est une menace pour tout le monde. Nous avons donc la responsabilité de nous concerter.
C’est pour cela que nous nous sommes engagés dans la concertation et que nous avons signé l’Accord de Tamanrasset, comme nous sommes présents dans le comité d’états-majors conjoint. Mais cette concertation ne signifie pas que quand sentez une attaque, vous devez attendre d’avoir une concertation avec les autres pays. La menace impose une vigilance quotidienne et nous sommes obligés de réagir quand nous sommes en face d’une menace. Le jour où il y aura un dispositif de lutte conjoint, nous travaillerons dans ce sens.

Ne pensez-vous pas que le Mali, vu l’insuffisance de ses moyens, constitue le maillon faible de cette chaîne de lutte contre le terrorisme ?  

Je ne dirais pas cela, car c’est inamical à l’égard du Mali, qui est un pays frère et voisin. Pour la lutte antiterroriste, il faut d’abord la volonté. Si on a la volonté, on finira par avoir les moyens. Mais dans cette sous-région, on a hérité d’une situation antérieure au début du terrorisme. C’est une zone complètement abandonnée aux trafiquants et au banditisme. Cela n’est pas propre au Mali, tous les pays de la région connaissent cette situation. Mais je ne crois pas que le gouvernement malien manque de volonté pour lutter contre le terrorisme et il l’a prouvé par sa disponibilité à participer à la concertation.

Pourquoi, selon vous, la Mauritanie est devenue, en l’espace de quelques années, une cible des terroristes ?

Il faut poser cette question aux terroristes. Je ne connais pas les raisons qui font qu’ils s’attaquent actuellement à la Mauritanie. Auparavant, ils reprochaient au gouvernement mauritanien d’avoir noué des relations diplomatiques avec Israël, mais aujourd’hui, les choses ont changé. Sur le plan interne, tout le monde peut s’insérer dans la vie politique légale. Les terroristes ont des raisons propres à eux et qui sont inadmissibles. Il n’y a pas de raison idéologique et politique pour se faire exploser devant des ambassades, tuer des soldats et mutiler des enfants.

Vous organisez actuellement une conférence nationale sur le terrorisme et l’extrémisme. Sentez-vous des menaces d’endoctrinement de la société mauritanienne ?   

Cette conférence vise à lever le tabou sur ces sujets et à inviter la classe politique mauritanienne et la société civile à échanger leurs points de vue sur la question. Mais je ne pense pas qu’il y ait une menace d’endoctrinement de la société mauritanienne ; elle n’est pas facile à endoctriner.
 

Madjid Makedhi

 

Source  :  El Watan le 28/10/2010

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page