Drogue: Les liaisons dangereuses du Président mauritanien

Dans certaines chancelleries occidentales, à Nouakchott, l’on s’inquiète, pas encore à haute voix, toujours sur le mode du chuchotis.

 

 

 

 La clémence du verdict accordé, pour ainsi dire, aux prévenus dans différentes affaires de drogue, alimente de folles supputations dont le fond, quoique téméraire, ne manque de bien-fondé. Et l’on s’interroge, dans ces milieux pourtant prudents, sur les relations troubles que le sommet de l’Etat mauritanien entretiendrait avec les narcotrafiquants. Initi démêle, pour vous, l’écheveau d’une filière où le parcours des personnages renvoie, les uns aux autres, dans une trame aussi complexe que discrète.

1. Hamadi Ould Bouchraya dit Yama, est frère de feu Hmeïda, un armateur renommé durant les années 1980-1990, dont la fortune s’effondrera sous des revers successifs, à l’image de presque tous les acteurs d’un secteur installé, dans le marasme depuis deux décennies. Hamady ancien activiste du Front Polisario est Consul honoraire du Royaume d’Espagne et de Mauritanie en Guinée Bissau, un sens du cumul qui défie les lois probables de l’ubiquité. Quand survient le coup d’Etat du général Ould Abdel Aziz, le 6 août 2008, la nature dont l’on sait l’horreur du vide, libéra, dans la nature, des gens et des choses.  Une pléthore d’intermédiaires et de capitaines d’industrie se mirent à assiéger, littéralement, le Palais présidentiel,  pour offrir leurs services au nouveau pouvoir.  En ces temps troubles d’isolement diplomatique, l’étranger rapportait son pesant en permis de prospection ou marchés publics, pourvu qu’il fût blanc – de préférence – et honorât l’habit ; la vocation importait moins que le moine. En l’occurrence, l’on vit se presser, à Nouakchiotte (comme la nomment si bien des touristes français), des hommes-à-ne rien-faire, des aventuriers, semi-officiels et souvent demi-sel.  Chaque courtier mauritanien guidait son mouton humain, d’alcôve en coulisse, à la recherche du meilleur raccourci vers une personnalité de la junte. Au passage, des enveloppes passaient à  sens unique, du civil au militaire ; l’audience valait de l’or et des malins, en treillis, s’enrichirent du négoce putschiste mais ceci est une autre histoire qui mérite sa fable. Toujours est-il que le deux fois Consul présentait alors, au Chef de la junte qui les reçut, des « entrepreneurs espagnols » et l’audience, comme un trophée et un pied de nez à « la communauté internationale », alimentait, au moins durant quelques jours, les comptes rendus obséquieux de l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI) et de l’unique chaine de télévision.  Parce que le sieur Bouchraya opère toujours par paire, un ou deux reportages gardent même sa trace, bien remarquable parmi la foule, à la fois dans les rues de Nouakchiotte et de Bissau, lors de marches de soutien au Haut Conseil d’Etat (HCE). Certaines sources, pour l’instant démunies de preuves, le réputent associé de Mohamed Ould Abdel Aziz, dans diverses activités à but lucratif.

2. Hamadi Ould Hmeïda Ould Bouchraya, neveu du précédent, est l’un de ces jeunes hommes de tente respectable que la contrainte à tenir son rang jetait, toujours, sur des chemins ardus. Comme ses comparses du même milieu, il se retrouvera dans la prison de Dar Naïm, après sa dénonciation -comme qui dirait dans le feu de la poudre – par un officier espagnol de la police internationale (Interpol).  Pourtant, sous les pressions d’un niveau élevé que le Procureur général de l’époque répercute sur sa tête, le juge en charge du dossier prend le risque de le faire libérer, sans procès !!!! Dès lors, de la boîte de Pandore allaient s’échapper, régulièrement, des lots du genre, par ordre, croissant, de préséance dans le crime.

3. Antonio Injai, Lieutenant-général  et Chef d’Etat-major de l’armée en Guinée-Bissau est reçu, le 15 décembre 2010, par le Président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz.  Il réclamerait, selon les indiscrétions parvenues jusqu’à Interpol, la libération du principal prévenu dans le laborieux et lent procès de la drogue. Antonio Injai figure, encore aujourd’hui, en tête de liste des personnalités militaires que l’Union européenne sanctionne d’interdiction de déplacements et de gels d’avoirs, pour de multiples violations des droits de l’Homme, l’atteinte à la démocratie et l’implication dans le trafic des stupéfiants, à l’échelle intercontinentale.  La relation de la rencontre a disparu du site de l’AMI mais reste disponible sur le celui de All Africa. De surcroît, les Etats Unis d’Amérique imputent, à l’officier supérieur, une part active dans l’assassinat du Président élu Nino Vieira, le 2 mars 2009. Hamady Ould Bouchraya qui effectuait alors de fréquents déplacements entre Bissau et Nouakchott, a préparé l’entrevue entre les Ould Abdel Aziz et Antonio Injai.

4. Eric Walter Amegan, prénommé aussi Mika est un franco-congolais, âgé de 27 ans, au moment de son extradition, le 20 janvier 2009, par le Sénégal, vers la Mauritanie. Principal accusé dans les diverses affaires de transit de drogue qui secouent le pays, il se singularise, des autres détenus, par la densité et la précision de ses aveux (copie jointe). Il y livre les noms des réseaux avec lesquels il coopère, outre-Atlantique et en Guinée Bissau. Dans ses aveux, il participe à la séquestration puis à la torture de son complice Mini Ould Soudani avec l’aide de Sid ‘Ahmed Ould Taya, officier de police. Il reconnait avoir projeté de faire atterrir, en Mauritanie, un avion chargé de stupéfiants en provenance de l’Amérique Latine. Condamné à 15 ans comme sa victime, un décret présidentiel du 15 février 2011 leur accorde une réduction de peine de 5 ans. En profitera, également, Sid’Ahmed Ould Taya, correspondant d’Interpol en Mauritanie durant la période de commission des faits mais dont la peine initiale ne dépassait pas 7 ans.  Il sortira de prison un peu plus tôt. Le 23 février, soit une semaine après la remise, l’ambassadeur de France à Nouakchott s’entretient avec le Ministre de la Justice, Abidine Ould Khaïry. Rien ne filtre de l’entrevue. Un premier pas est franchi, seulement deux mois après le séjour de Antonio Injai à Nouakchott et son audience avec le Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Pourquoi s’arrêter en milieu de pente ? Le 13 juillet 2011, Eric Walter et 30 autres sur les 32 prévenus sont acquittés par la Cour d’appel de Nouakchott.

Conclusion

D’Eric Walter petit chaînon dans la filière, au Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz, se dévoile un fil trouble, ni blanc ni noir tout à fait où apparaissent, rapprochés, complémentaires comme de cause à effet, le nœud Bouchraya, tout près du nœud Injai. Aziz, Bouchraya et Injai se sont retrouvés, dans la même pièce, un jour de décembre 2010, en tête-à-tête. 8 mois après, comme par miracle, il ne reste plus, dans les prisons mauritaniennes, aucun des auteurs d’actes criminels aussi graves que le convoyage, le recel et la détention de centaines de kilo de cocaïne, saisis, sur le territoire national,  souvent en procédure de flagrant délit.

Que se passe-t-il en Mauritanie ?

Soutce  :  Initi.net le 24/07/2011

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page