Edito de La Tribune

Sidi Ould Eli Hadad est un citoyen mauritanien qui a habité la gazra pendant une bonne partie de sa vie. Comme locataire principalement, pas comme propriétaire malheureusement pour lui. Ses trois enfants sont nés dans ce squat qu’il avait loué pendant une douzaine d’années. Naturellement, la famille de Sidi fut expulsée par les propriétaires qui habitaient l’une de leurs maisons en ville, quand les autorités ont décidé d’attribuer des terrains aux habitants de la gazra. Sans prétention sur les lieux et à cause de la ruée occasionnée par cette distribution de terrains, Sidi n’a trouvé refuge qu’aux abords de la gazra de ses beaux-parents. Mais ici, la commission chargée de recenser les bénéficiaires lui a refusé le droit de se faire enregistrer : il n’avait qu’une tente.

Non loin de là, le dernier orage a fait quelques blessés à cause des tôles de zinc récemment installées et qui se détachaient à la moindre bourrasque. Il s’agit d’une gazra fraichement construite par un officier médecin. Toujours non loin de là, une autre belle chambrette vient d’être construite ; ses occupant(es) roulent en BMW X5. Un peu loin, ce sont des gens venus de l’intérieur qui s’occupent la nuit à dresser baraques et mbars, pour que le lendemain, la commission les enregistre.

L’officier, la propriétaire du bolide et le fraichement débarqué à Nouakchott seront probablement pourvus chacun d’un peut-être plusieurs récépissés d’enregistrement et donc de terrains. Mais Sidi Ould Eli Hadad, son épouse et ses trois enfants attendront la prochaine distribution de terrains. Ils n’ont pas assez de force, ni assez de sens de roublardise pour paraître ce qu’ils sont. Le mérite revenant ici à ceux qui peuvent paraître ce qu’ils ne sont pas et qui savent «voler» aux destinataires le peu qu’ils reçoivent de temps en temps de l’Etat. Rien n’a visiblement changé depuis les premières distributions de lopins à Nouakchott. Toujours le même scénario : une ruée vers les nouveaux lotissements, les riches (et moins riches) propriétaires qui concurrencent les véritables nécessiteux, l’Etat qui recule devant la pression anarchique, les nantis qui finissent par enrichir leur patrimoine, les démunis qui se retrouvent parqués plus loin… et toujours la complicité sinon l’indifférence des responsables chargés d’exécuter le programme de lotissement…

Pour un cercle vicieux, c’en est un. Et c’est dommage de ne pas le comprendre et de croire qu’on pourrait régler le problème de l’habitat en Mauritanie par simples décisions d’un gouvernement usé bien avant d’avoir servi.

Il n’est pas exagéré de comparer ce qui arrive aux autorités actuellement dans les gazras de Nouakchott et Nouadhibou, à l’enlisement d’une Armée en territoire étranger… les ministères ayant été incapables de profiter des leçons du passé et des nouvelles technologies. La dernière fois – du temps de Ould Taya ! -, les autorités avaient introduit les photos satellites pour identifier gazra par gazra. Mais l’Etat n’étant pas une continuité, on a l’impression que l’on part de zéro à chaque fois…

L’éternel recommencement… un peu le mythe de Sisyphe qu’on nous enseignait en classe de philosophie au lycée, classe disparue devant les assauts répétés de l’obscurantisme… mais là n’est pas le propos.

Il faut revenir à l’impunité qui est érigé en règle, ce qui explique en grande partie l’irresponsabilité de l’Exécutif.

La semaine dernière, je rappelait le peu d’émoi manifesté à l’occasion du retrait du projet «Nouakchott, capitale du Monde islamique», du forfait de l’équipe nationale, de la mort des prisonniers de Dar Naim… je suis sûr que demain, quand sera annoncé l’échec du programme de l’habitat dans les villes de Mauritanie, cela ressemblera à une réussite. Tellement il ne sera pas question des manquements… que demain quand on annoncera – officiellement – l’échec des préparatifs de la commémoration du cinquantenaire de l’indépendance, cela paraîtra comme un événement anodin…

Personne ne paye ici pour ses manquements. L’obligation des résultats n’étant pas en vigueur. Il est temps que cela change.

La Tribune

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