RARETÉ DU POISSON A SAINT-LOUIS: LES PÊCHEURS ATTRIBUENT LA PÉNURIE AU MANQUE DE LICENCES

Le poisson a déserté les étals des marchés, les paniers des ménagères et les bols des consommateurs à Saint-Louis. Selon les pêcheurs, cette rareté n’est pas due au mauvais temps, mais plutôt au fait que les licences mauritaniennes ne sont toujours pas encore délivrées.

Le poisson est devenu aujourd’hui une denrée très rare à Saint-Louis. Sur les étals, on n’aperçoit plus certaines variétés de poissons. Les carpes, mulets, brochets, capitaines, dorades, « waragne » et autres « Thiof » ont pratiquement tous disparu. Cette pénurie se fait de plus en plus sentir. Une situation, qui inquiète à la fois pêcheurs, vendeurs et consommateurs.
Car certaines espèces dont le prix était très accessible aux petites bourses, sont aujourd’hui loin d’être à la portée des consommateurs. Et pourtant, ce secteur constitue le fondement principal de l’économie saint-louisienne, car on recense pas moins de 20.000 pêcheurs dans la région et un peu plus de 4.700 pirogues ont été répertoriées, sans compter les bateaux de ramassage qui rapportent des rentrées de devises de plus de 3 milliards.
Cette pénurie des produits halieutiques ne résulte pas cette fois du mauvais climat, mais bien de l’absence de licences qui empêche les pêcheurs de mener « légalement » leurs activités. « Depuis un mois, aucune pirogue n’est allée en mer, puisque nous n’avons plus des licences de pêche. La Mauritanie nous avait délivré des documents de trois et six mois, mais l’échéance a expiré depuis longtemps et les licences n’ont toujours pas été renouvelées », a expliqué Ablaye Fall, un pêcheur résidant au populeux quartier de Guet Ndar.
Pour lui et ses camarades, l’heure est grave et la situation risque de s’aggraver si rien n’est fait dans ce quartier où les principales ressources des populations sont tirées de pêche.Pour rappel, les eaux territoriales mauritaniennes sont souvent exploitées illégalement par des pêcheurs sénégalais ; ce qui justifie les conflits qui opposent souvent les pêcheurs saint-louisiens aux autorités mauritaniennes.
Le dernier en date remonte au 4 juillet dernier, où deux pirogues sénégalaises qui avaient violé la législation mauritanienne en pêchant dans les eaux territoriales mauritaniennes sans licence, avaient été arraisonnées au poste de Ndiago par la Délégation à la surveillance des pêches et au contrôle en mer (Dspcm).
Conflits de pêche
Avec cette « rétention » des licences, les pêcheurs voient leur survie menacée. En effet, cette situation a eu des répercussions sur le quotidien de plus de 20.000 personnes vivant dans la Langue de Barbarie, car des centaines de pirogues sont aujourd’hui restées à quai. Pour Djiby Guèye, président du Conseil de quartier de Guet Ndar, cette situation est déplorée par tous les Guet Ndarien et Saint-Louisiens, dans la mesure où les trois quarts de la consommation de poisson du Sénégal venaient de Guet Ndar.  « Le problème, il est connu du gouvernement sénégalais », a relevé M. Guèye, non sans préciser qu’il faisait partie de la délégation qui avait rencontré le ministre de la Pêche, Khoureychi Thiam, en juin dernier.
« Nous lui avions fait part des griefs que les pêcheurs de Guet Ndar avaient retenus compte tenu de la licence qui leur a été proposée et qui ne les agréait pas », a-t-il indiqué, expliquant que les risques sont énormes pour une pirogue qui quitte Guet Ndar et qui transite par Boyo à l’aller et au retour. « Ils demandent à une certaine catégorie de pêcheurs de se rendre aussi à Nouakchott et à Nouadhibou, ce qui est vraiment complexe si l’on sait que de Saint-Louis à Nouadhibou, il faut dépenser 2,4 millions de francs en carburant », a fait remarquer M. Guèye, qui estime que c’est trop demander aux Guet Ndariens. Selon lui, ces derniers sont livrés à eux-mêmes et vivent des difficultés sans précédent depuis le mois de juin dernier.
Flambée des prix
« Nous pensions qu’au sortir de l’audience que nous avions eu avec le ministre de la Pêche, des amendements ou des aménagements seraient apportés à ces licences qui ont été signées, mais malheureusement ça n’a pas été le cas », a-t-il soutenu. Résultat : cette crise s’est aujourd’hui généralisée dans la Langue de Barbarie où les pêcheurs ont demandé une hausse du nombre de licences allouées. Les femmes transformatrices ne sont pas aussi épargnées par cette crise galopante. Au quai de pêche de Sine, la quasi-totalité des femmes intervenant dans la transformation des produits de pêche sont aujourd’hui au chômage et se tournent inlassablement les pouces. « Nous ne vivons que de la pêche, car elle fournit aux populations de Guet Ndar, que nous sommes, des emplois, atténue notre pauvreté et nous aide à renforcer notre sécurité alimentaire. Et pour toutes ces raison, l’Etat doit nous aider à décanter la situation, régler le problème des licences afin que tout le monde puisse reprendre ses activités », a indiqué Sokhna Diagne, une femme qui s’investit dans le fumage du poisson.
Cette crise est aussi difficilement vécue par les mécaniciens et autres pompistes. « Si les pirogues ne vont pas en mer, nous ressentons aussi les conséquences, car il nous sera difficile de trouver un client à qui on pourrait vendre de l’essence et les mécaniciens n’auront aucun moteur à réparer », a indiqué Fara Diagne, gérant d’une station d’essence.
Aujourd’hui, les pêcheurs de la Langue de Barbarie dénoncent le retard de la livraison des licences de pêche par la Mauritanie. Ils ont interpellé l’Etat sur ce problème, pour qu’il les aide à solutionner définitivement ce problème. Mais en attendant le retour à la normale de la situation, c’est la flambée des prix totale dans les marchés, car la caisse de sardinelles jadis fixée à moins de 2.500 francs est aujourd’hui cédée à 25.000 francs.

Samba Oumar Fall

Source  :  Le Soleil via www.infomauritania.com le 04/08/2010

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