Trop d’investissements pour peu de résultats ! C’est en résumé l’image que renvoient les prestations des équipes nationales africaines dans des compétitions internationales comme la Coupe du monde de la Fifa. A quoi cela sert-il d’être un super champion à l’échelle de l’Afrique et de ne pas réussir à tenir tête aux meilleurs d’autres continents ?
Sont tenus de répondre à cette interrogation, tous les ressortissants de pays africains dans lesquels l’épargne publique a été utilisée un jour ou l’autre pour “choyer des footballeurs” alors qu’à côté, des compatriotes manquent pratiquement de tout…
Le football fait oublier les périodes de stress, mais ne remplit pas le ventre ! D’aucuns le comparent même à certains moments à un « opium du peuple ». Les Togolais sont bien placés pour appuyer ce constat. Au cours de la seconde moitié de l’année 2005, les habitants de ce petit pays d’Afrique de l’ouest ont en effet jubilé et dansé au rythme des prouesses des Eperviers du Togo qui mettaient un point d’honneur à bien terminer les éliminatoires combinées de la Can (Coupe d’Afrique des Nations) et du Mondial 2006. Depuis le début des déconvenues essuyées par les Eperviers à partir de leur participation à la Can et au Mondial 2006, l’euphorie des Togolais a changé de couleur. Plus question de voir son cœur battre au rythme des prestations des Eperviers. Les compatriotes de Bella Bellow affichent même de plus en plus une mine déconfite quand on évoque devant eux la thématique du football de leur pays…
La mélancolie des Togolais à l’égard du ballon rond prend une autre connotation quand l’on se rend compte que les Eperviers ont été en première ligne de ceux qui ont le plus tiré profit de leurs prestations durant les éliminatoires combinées Can-Mondial 2006, et au cours des phases finales de ces mêmes compétitions précitées. Dans les principales villes du Togo, l’on a encore en mémoire le feuilleton joué par les joueurs de l’équipe nationale pour rentrer en possession de leurs célèbres « 100 millions de fcfa » qu’ils ont assimilé à leurs « primes de participation au Mondial 2010 » ! 62%, c’est le chiffre honteux du taux de pauvreté au Togo. Pourtant, avant la série noire des Eperviers en 2006, même la bonne dame revendeuse de légumes au grand marché de Lomé n’hésitait pas à crier à la corruption quand les autorités togolaises tardaient à débloquer le financement relatif à la bonne préparation des Eperviers, en vue de leur parfaite participation à diverses échéances. Même à l’heure actuelle, des irréductibles du « onze national togolais » adoptant la position revendicative sus-citée ne sont pas à compter sur le bout des doigts !
100 millions de fcfa, c’est la moyenne de la somme que débourse habituellement l’Etat togolais pour préparer chaque rencontre officielle de ses joueurs. Il suffit de diviser la somme précitée par le montant du Smig (Salaire minimum interprofessionnel garanti) local pour avoir une idée du nombre de Togolais moyens qu’on peut faire vivre tous les 30 jours avec ces 100.000.000 de fcfa !! Pour la participation des Super Eagles du Nigeria au « Mondial sud-africain », Abuja a fait débloquer 06 millions de dollars (environ 2.700.000.000 de fcfa). Un financement que les coéquipiers de Nwanko Kanu ont « dilapidé » en l’espace de quelques jours, en se faisant honteusement éliminer dès le premier tour de la plus grande fête du ballon rond du monde. Alors même qu’une bonne partie de la population nigériane vit quotidiennement avec moins d’un dollar américain ! Même l’Etat-locomotive de l’économie africaine n’est pas épargné par ce gâchis footballistique. 787.200.000 fcfa : ce sont les chiffres qui étaient alignés tous les 30 jours, durant le séjour du Brésilien Carlos Alberto Parreira à la tête des Bafana Bafana d’Afrique du Sud. Cette prévision arithmétique n’a pas empêché pour autant le technicien brésilien de mener ses poulains à une « élimination historique » dès le premier tour du Mondial 2010. Une première pour un pays organisateur dans l’histoire de la Coupe du monde. L’Etat sud-africain a pris sur lui de débourser mensuellement 787.200.000 fcfa pour contenter les fanatiques du football de sa population, alors qu’au cours de la décennie écoulée, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil d’extrême pauvreté sur son territoire a doublé, passant de 1,9 à 4,2 millions ; soit aujourd’hui 8,8 % de la population ! Faut-il jeter, sur cette seule base, l’anathème sur la pratique du football professionnel en Afrique ?
Ne plus mélanger football en sélection et celui des clubs professionnels
Tout sportif “risque gros” sur le plan santé en s’adonnant à la pratique de son activité physique préférée. Les footballeurs n’échappent donc pas à cette logique. Faut-il pour autant que les Etats africains mal gouvernés débloquent régulièrement des dizaines de millions de fcfa pour satisfaire à peine 30 de leurs citoyens qui ne vivent que pour et par le foot ? Une chose est d’épauler financièrement une sélection nationale, l’autre est d’exiger d’elle de bons résultats. Du moins, à la hauteur de l’argent mis à sa disposition. Après la débâcle des Lions du Cameroun lors du « Mondial sud-africain », leur ministre de tutelle a tenu un discours du genre : « S’ils étaient vraiment conscients, ils auraient pu retourner leurs primes à leur Etat ». Un acte qu’aucun des Lions n’a posé, connaissant l’ampleur de la corruption au Cameroun, car rien ne prouve que leurs primes non touchées retourneront dans les caisses étatiques… Une problématique qui souligne la nécessité de mettre en place la transparence en matière de gestion des équipes nationales africaines. La formule serait « jouer à la hauteur du financement à vous fourni par vos Etats » ! Autrement dit, les cataplasmes sur des jambes en bois doivent cesser. Jouer en équipe nationale devrait avant tout être une question de fierté, d’amour pour les couleurs nationales. Les joueurs des équipes nationales d’Afrique peuvent revoir à la baisse leurs primes ; ou encore s’efforcer pour qu’elles “n’obèrent” pas les finances de leurs pays. A condition bien évidemment qu’on leur garantisse l’intangibilité de leurs concessions financières.
Certes, l’Afrique ne saurait assez remercier la publicité que lui font ou lui ont fait ses enfants qui jouent ou ont joué dans les grands clubs occidentaux comme Adebayor, Drogba, Eto’o, Kanu, Mc Carthy, Weah, etc. Des joueurs stars qui pour certains réinvestissent leurs gains dans divers secteurs dans leur pays d’origine. Ces mêmes « football-players » assurent la survie économique d’un grand nombre de leurs proches parents. Diverses prouesses économiques qui sont cependant loin d’enlever le statut de bailleur de l’équipe nationale à l’Etat dont ils sont ressortissants. Les pays du continent noir ne peuvent donc pas continuer de se payer le luxe de financer des équipes nationales (qui produisent des résultats hyper médiocres) au détriment d’urgents projets de développement. Restructurer le football en Afrique, c’est aussi ouvrir ce débat.
Source : www.afriscoop.net le 28/07/2010