Boxe, gloire, déchéance, réhabilitation… la folle vie de Mike Tyson

Il fut champion du monde de boxe à 20 ans, un millionnaire adulé puis ruiné. Ami de Donald Trump, il fut aussi emprisonné. A 53 ans, Mike Tyson a annoncé cette semaine son retour sur les rings.

Sur une vidéo mise en ligne mi-mai et déjà vue 10 millions de fois, un boxeur chauve à la barbe grisonnante frappe avec une force, une rapidité et une technique étonnantes. A la fin, il dresse le poing et jette un regard rageur vers la caméra. Il lance « I’m back! », « Je suis de retour! » Cet homme de 53 ans s’appelle Mike Tyson. En 1986, il fut le plus jeune champion du monde des poids lourds de tous les temps, l’égal des plus grands héros de l’histoire du sport.

Il est surtout un personnage plus grand que la vie, comme disent les Américains, un boxeur aux mille destins terribles, romanesques, tragiques, riches et misérables. « C’est un mec qui a inspiré tout le monde. Avec Tyson, on avait des combats fabuleux. On ne savait jamais comment ils allaient finir, ni quand, ni ce qui allait se passer. C’est un mythe, une légende, quelqu’un de génial », insiste Jean-Marc Mormeck, l’ancien champion du monde des lourds-légers.

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Il y a trente ans, on disait qu’il pouvait assommer un éléphant et donc tuer un homme d’un seul coup de poing : « Jamais un boxeur de 1,78 m et 100 kg n’a combiné d’une manière aussi féroce la rapidité et la puissance », écrit Jean-Philippe Lustick (« Le grand livre de la boxe », éditions Marabout), la voix de la boxe qui a suivi sa carrière.

Sa seule solution pour survivre : le vol

 

 

Michael Gerard Tyson naît le dernier jour de juin 1966 à Brooklyn. Le hasard veut qu’il vienne au monde, trois ans plus tard, au même étage et dans le même établissement, le « Cumberland Hospital », que Michael Jordan. Les deux hommes sont arrivés au sommet sans choisir la même route. Mike Tyson prend celle de la violence et de la pauvreté la plus sordide.

Son père biologique est un fantôme, sa mère, Lorna Mae, sombre dans l’alcoolisme, la drogue, les coucheries misérables. Elle meurt quand il a 16 ans. Son beau-père frappe tout ce qui bouge autour de lui. Sale comme un goret, le petit Tyson traîne dans la rue pour échapper à cet enfer : « On m’appelait Dirty Ike parce que je ne connaissais rien à l’hygiène », écrit-il dans son autobiographie (« La vérité et rien d’autre », éditions Les Arènes).

En 1986, Mike Tyson devient à 20 ans, 4 mois et 23 jours le plus jeune champion du monde poids lourds de l’histoire./Icon Sport

Pour survivre, le gamin grassouillet, binoclard et zozotant n’a qu’une solution : le vol : « Dans le métro, je passais le bras par la vitre et j’arrachais les chaînes des voyageurs. » A 12 ans, la petite racaille a déjà 38 arrestations à son palmarès. Il passe son temps en maisons de correction, sans avenir. Il s’y découvre une passion éternelle pour les pigeons et la colombophilie.

Son entraîneur, un père de remplacement qui lui apprend à lire

 

 

Sa vie change quand il rencontre un vieil homme, Cus d’Amato, un entraîneur de boxe à la Mickey, le mentor du film « Rocky ». D’Amato devient un père de substitution. Il l’emmène loin du ghetto, l’initie au noble art, à son histoire et ses techniques. Son entourage le met en garde : « Tyson est un pickpocket, un menteur et un tricheur! » Le vieux sage répond : « Ce sont les trois qualités d’un boxeur. »

Avec lui, Tyson l’illettré apprend à lire et dévore Mao, Machiavel, Tolstoï et Marx avant de découvrir son héros de littérature : Edmond Dantès : « J’ai feuilleté Hemingway, mais ses livres étaient trop déprimants. Mon préféré était Le Comte de Monte-Cristo, d’Alexandre Dumas. Je me suis identifié au personnage qui est piégé par ses ennemis et jeté au cachot. »

Terreur des rings chez les amateurs, Tyson détruit tout sur son passage : « A 19 ans après 24 combats et 2 défaites qui lui barrent la route des JO de 1984, son entourage le lance dans le grand bain du professionnalisme », écrit Jean-Philippe Lustyk. Tyson fait le grand bond sans d’Amato qui meurt d’une pneumonie en 1985 sans connaître son ascension.

Elle est rapide : le 22 novembre 1986, Mike Tyson devient à 20 ans, 4 mois et 23 jours le plus jeune champion du monde poids lourds de l’histoire. Trente-quatre ans plus tard, son record tient toujours. En quelques mois, il défend son titre une demi-douzaine de fois. L’argent coule à flots : l’ex-voyou est multimillionnaire sans oublier d’où il vient. Resté un gamin immature finalement attachant toute sa vie, la brute met sa notoriété au service des sans-abri handicapés de sa ville natale.

Un protecteur nommé… Donald Trump

 

 

« Kid Dynamite » est alors le roi du monde et un promoteur immobilier milliardaire s’intéresse à lui. Il a le prénom d’un célèbre canard et vient de construire un casino tape-à-l’œil dans une bourgade sale. Il veut qu’Atlantic City (New Jersey) concurrence Las Vegas. Il sait que les combats furieux de Tyson en sont capables : « La boxe, c’est comme un concours de Miss America, ça fait le plein. Atlantic City est à deux heures de bagnole de New York. A côté de ça, aller à Vegas, c’est une méharée à dos de chameau! », lance Donald Trump avec son sens douteux de la formule.

Pour attirer le prodige, il met le prix : plus de 10 millions de dollars par combat. A la fin des années 1980, les foules et le tout Hollywood se pressent chez lui pour voir l’animal atomiser tous ses adversaires en quelques secondes. Tous sont morts de peur devant sa puissance surhumaine : « Quand vous entrez sur le ring face à lui, vous entrez dans le désert de la mort », dit l’un d’eux. Trump s’en frotte les mains : les fans laissent des millions de dollars dans ses palaces et ses machines à sous. Depuis cette époque, Atlantic City est tombé en ruines mais Trump et Tyson sont restés proches. Le boxeur est l’un des rares champions à le soutenir.

Six ans de prison pour viol

 

 

Le futur président est là quand, en 1991, quelques mois après une défaite surprise à Tokyo face à l’obscur James Buster Douglas qui entame sa chute, « Iron Mike » est accusé de viol sur Désirée Washington, 18 ans. Manipulé par son promoteur « ce fourbe de Don King » et sa femme Robin Givens, une actrice de seconde zone, il écope de 6 ans de prison. Le détenu 922 335 purge sa peine dans un pénitencier de l’Indiana. En 2020, il clame toujours son innocence : « J’aurais dû aller en prison pour plein d’autres choses, je le méritais. Mais par pour celle-là. Je n’ai rien fait », se défend-il toujours.

Mike Tyson lors de son combat mythique face à Evander Holyfield en 1997./Reuters

Mike Tyson lors de son combat mythique face à Evander Holyfield en 1997./Reuters

Reconverti à l’Islam sous le nom de Malik Abdul Aziz, il est libéré en 1995 pour bonne conduite et remonte sur le ring. Il récupère une ceinture mondiale en mars 1996 avant de défier deux fois Evander Holyfield, le nouveau roi des lourds. En novembre 1996, Holyfield gagne la première manche. En juin 1997, la revanche entre dans l’histoire : Tyson mord et déchire l’oreille de son rival. « Je voulais juste qu’il meure ! », dit Tyson après son coup de folie. La « morsure du siècle » l’oblige à payer une amende de 3 millions de dollars et il est suspendu un an.

« Sa vie est un film, une série sans fin avec des rebondissements à chaque épisode. C’est fascinant », s’enflamme Jean-Marc Mormeck. Cela signifie surtout la fin de sa carrière même s’il la poursuit sans éclat jusqu’en 2005 : « Il a dit en partant ce jour-là : La boxe ne veut plus de moi. Et il est parti », reprend Mormeck.

Il perd sa fille de 4 ans étouffée par un tapis de course

 

 

Tyson a amassé une fortune estimée à 500 millions de dollars. Bestial mais naïf, il a tout perdu dans des villas hors de prix, des voitures de luxe, des escroqueries de ses proches ou des mauvais placements. Accro au sexe, il a dépensé des millions pour des prostituées. En 2009, il a perdu sa fille de 4 ans, étranglée par une sangle d’un tapis de course, finissant de le briser.

Enfin apaisé, comédien à ses heures perdues, il s’est lancé en Californie dans le l ucratif commerce du cannabis en étant le premier client de son entreprise. En 2018, il avoue fumer pour 40 000 dollars par mois de son herbe. Il semble avoir réduit sa consommation depuis, en témoigne la vidéo du début : « L’annonce de son retour à la boxe est absolument géniale, glisse Mormeck. C’est pour un ou deux combats caritatifs mais je le vois aller bien plus loin que ça. Il est imprévisible et le sera toujours. C’est Tyson, quoi… »

Source : Le Parisien

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