Selon l’éditorialiste d’un magazine, les médias électroniques peuvent favoriser la réforme de la presse arabe

« Les médias électroniques ont la chance de jouer un rôle pilote dans la réforme des médias arabes », a expliqué à Magharebia Hadia Said, éditorialiste d’un magazine.

 

 

 

 

 

Alors que l’Internet et les médias électroniques prennent le pas sur la presse écrite, la presse arabe dans son ensemble est confrontée à des changements importants. Magharebia s’est entretenu à Tunis avec la journaliste libanaise Hadia Said, éditorialiste culturelle du magazine féminin Sayidaty, pour parler de l’impact de cette évolution mondiale sur la presse dans le monde arabe.

Magharebia : Au vu de la généralisation de la presse électronique, comment voyez-vous l’avenir de la presse écrite ?

Hadia Said : Je pense que la presse écrite est confrontée à une crise réelle, et que nous pouvons considérer cette phase comme une phase de passage au multimédia. J’ai la chance de travailler avec une institution leader dans ce domaine, car de nombreux journaux et magazines dans les pays arabes souffrent de cette crise. L’Association internationale de la presse écrite (IFRA) organise des sessions de formation dans le monde entier, et notamment dans certains pays arabes comme le Liban et les EAU, où des spécialistes se penchent sur les dernières méthodes permettant de traiter le multimédia. Il est donc devenu nécessaire de publier des journaux en ligne aux côtés des traditionnelles versions imprimées pour pouvoir survivre à cet âge de l’électronique.

Magharebia : Les pays arabes prennent-ils les mesures nécessaires pour se préparer à la révolution en ligne dans la presse ?

Said : Franchement, dans nos pays arabes, nous avons encore du temps, et ceci pour plusieurs raisons. Premièrement, le rythme de nos pays est lent, et donc l’évolution de la technologie n’est pas aussi rapide que dans d’autres pays développés. Ensuite, dans les pays arabes, certains intellectuels eux-mêmes n’utilisent pas cette technologie – en d’autres termes, ils sont encore illétrés sur ce plan. Mais nous ne pouvons pas pour autant affirmer que nous sommes à l’abri des conflits entre la presse écrite et les [médias] électroniques, parce que nous n’avons pas mis en place les plans nécessaires pour recevoir les données au sein de la presse écrite.

Magharebia : Nous pouvons donc dire que les alarmes retentissent pour alerter la presse écrite ?

Said : Oui, on peut voir que les journaux imprimés sont menacés d’extinction du fait de l’invasion de l’Internet. Même la presse gouvernementale ne peut survivre sans publicité et sans marketing. La privatisation dans le domaine du journalisme est devenue inévitable, car les investissements dans ce domaine sont basés sur la publicité commerciale, et le patron d’un organe de presse doit trouver des moyens d’éviter les pertes et d’assurer sa survie. Pour y parvenir, il est nécessaire de se tourner vers la presse électronique, qui est devenue le point d’attention des investisseurs du fait du nombre toujours croissant de lecteurs en ligne.

Magharebia : Les médias audiovisuels et imprimés prolifèrent dans le monde arabe. La presse électronique peut-elle créer un changement positif dans les sociétés arabes ?

Said : C’est certain, parce que les médias électroniques sont désormais l’avenir. C’est la manière la plus rapide de fournir l’information, et les contenus sont accessibles à de grands nombres de destinataires. Malheureusement, dans les pays arabes où les médias sont régis par le chaos, il est devenu difficile pour le lecteur de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises informations. Nous pouvons donc affirmer que cela constitue pour les médias électroniques une chance de jouer un rôle pilote dans la réforme des médias arabes.

Magharebia : Pouvons-nous dire que les modèles médiatiques actuels, comme les émissions de télé-réalité que nous voyons sur les chaînes satellitaires arabes, favorisent la détérioration des médias arabes ?

Said : Malheureusement, la plupart des chaînes satellitaires arabes copient aveuglément les émissions de télé-réalité des chaînes occidentales, et l’on doit classer ces émissions comme des émissions de divertissement. Par exemple, la « Star Academy » a un impact négatif sur toute une génération, en entretenant l’idée d’un succès rapide, sans effort ni fatigue. Cela aurait été bien si les chaînes arabes avaient copié le principe de ce programme occidental pour fabriquer de véritables stars et les utilisaient à des fins caritatives bénéfiques pour la société. A mon avis, quelque chose doit être fait dans le domaine des médias arabes pour arrêter de tels programmes, qui menacent une génération toute entière.

Magharebia : Les médias arabes ont-ils besoin d’être réformés de manière simportante ?

Said : Les médias arabes connaissent actuellement une situation de grand chaos et un grand nombre de chaînes satellitaires arabes clonées diffusent les mêmes chansons et les mêmes programmes ridicules, sans laisser aucune place à l’éducation et à la culture. Il n’existe aucune chaîne spécialisée basée sur des principes scientifiques traitant de la vie des Arabes, et qui puisse fournir des informations bonnes et diversifiées, passant du divertissement à l’éducation, sans tomber dans des banalités.

Plus que jamais, nous avons besoin d’une réforme – avec l’aide des personnes responsables de ce domaine sensible – pour reprendre les choses en main et remettre les médias dans le bon chemin. Nous devons également sortir de cette crise pour renforcer les institutions de la société civile, afin qu’elles puissent jouer un rôle essentiel dans le processus de réforme des médias arabes.

 

Interview mené par Houda Trabelsi

 

Source  :  www.magharebia.com  le 07/05/2010

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