LE CALAME
Fatimata Diagana, connue sous le nom de Néné, veuve de feu Youssouf Koita, premier président de l’Assemblée nationale de Mauritanie et premier maire de la commune urbaine de Kaédi, est héritière d’une maison située dans le quartier moderne de Kaédi. La villa est, depuis longtemps, conventionnée, par l’Etat, au profit du service régional des travaux publics, et occupée, à ce titre, par un mécanicien du nom de Mody Sarr.
La convention liant le ministère des Finances à madame feu Koita a été résiliée, par lettre numéro 395/94 du 1er janvier 1998, après l’expiration d’un préavis d’un mois, conformément à la réglementation. En dépit de cela, la bonne dame reste privée des fruits attachés à sa qualité de propriétaire légitime. Car, depuis la résiliation effective, il y a, maintenant, douze longues années, la maison n’a cessé d’être occupée par les éléments du Groupe Régional de la Garde nationale (GR11), actuellement sous le commandement du colonel Mohamed Ahmed Ould Salem. Plus exactement, la villa est habitée par le chauffeur de ce dernier, Sidi Ould Boilil, au prétexte qu’elle serait la propriété d’un sénégalais, expulsé au cours de la bourrasque de 1989. Désireuse de récupérer son bien, en toute conformité avec l’acte de résiliation, la vieille Fatimata Diagana a valablement donné mandat, par acte notarié, suivant procuration en date 3 janvier 2010, au sieur Mamadou Alhousseinou Koumba, connu sous le nom de Mamadou Komé, pour agir en ses lieu et place, en vue de reprendre la maison confisquée. Le titulaire du mandat ainsi délivré a saisi l’Administration, par l’intermédiaire du wali Ould Madany. Le chef de l’exécutif régional saisit, à son tour, l’adjoint chargé des affaires administratives, Moctar M’bareck Ould Ahmed Cheikh, pour traiter le dossier.
Après une valse marquée par d’interminables allers et retours entre la région et le GR 11, période ponctuée par des tentatives d’intimidations nostalgiques de la «bonne» vieille époque – les années de feu et de sang au cours desquelles tout était permis, contre les Négro-africains – l’Administration conseille au mandataire de saisir la Justice. Une plainte contre l’occupant de la villa est, alors, déposée, auprès de la chambre civile du tribunal de Kaédi, présidée par le magistrat Mohamed Ould Boubout.
Le mercredi 10 février 2010, convocation est adressée au chauffeur occupant le carré, pour une audience de référé, fixée au dimanche 14 du même mois. Le colonel commandant le GR se présente au palais de Justice le jeudi 11, pour une longue entrevue avec le magistrat. Première surprise pour le plaignant dont le défendeur est reçu, lui, comme convenu, le dimanche 14.
Deuxième bizarrerie, le magistrat demande au mandataire de présenter le fond du dossier, établi, initialement, entre le ministère des Finances et la dame Fatimata Diagana. Face à cette exigence, Mamadou Komé dénonce un «blocage délibéré», dans la mesure où l’appartenance de la maison à la dame ne fait l’objet d’aucune forme de contestation – toutes les pièces l’attestent: acte de vente, établi en 1967, résiliation du contrat de convention, en 1998, etc. Alors en quoi le contrat initial de convention, résilié, peut-il être utile, dans le traitement de cette affaire? Mystère. En bonne logique, le tribunal ne devrait-il pas, plutôt, exiger, de l’occupant, une convention en cours de validité, pour justifier la situation actuelle? Un acte à défaut duquel il devrait faire l’objet d’une expulsion pure et simple, pour permettre à la propriétaire légitime de rentrer dans ses droits.
Mais qu’on se rassure: réputé pour sa droiture, le magistrat Boubout finira, très certainement, par trouver la solution d’équité, afin que la Mauritanie nouvelle abandonne, enfin, les défauts de l’ancienne…
Biry