Pouvoir/Opposition: Dialogue encore virtuel

dialogue2L’Union Européenne (UE) a décidé, à l’unanimité, d’adopter toutes les mesures appropriées, en vue d’une reprise, pleine et entière, de la coopération au développement  avec la Mauritanie. Parallèlement à cette annonce, faite le lundi 25 janvier dernier, au terme d’une réunion du conseil des ministres de l’Europe des 27, tenue à Bruxelles, nos partenaires recommandent un dialogue politique entre tous les partenaires, conformément à l’accord signé à Dakar le 2 juin 2009 et solennellement paraphé à Nouakchott, 48 heures plus tard. On se souvient que c’est celui-ci qui avait permis la démission officielle du président démocratiquement élu en mars 2007, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, conformément à la Constitution. Puis la  participation des candidats de  l’opposition, au scrutin présidentiel du 18 juillet dernier. Mettant, ainsi, fin à une crise politique et institutionnelle de douze mois, avec, pour épilogue, la victoire du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz, ex-chef de la junte militaire qui avait fomenté le coup d’Etat du 6 août 2008. La déclaration du premier partenaire au développement de la Mauritanie reste, largement, collée aux préoccupations induites par notre état de sous-développement mais, aussi et surtout, sécuritaires, liées à un contexte sous-régional perturbé par des actes terroristes récurrents. «L’UE soutiendra les efforts que la Mauritanie déploie, en permanence, pour faire face à ses difficultés économiques et politiques, y compris les nouvelles menaces pesant sur la sécurité ou posées par le terrorisme, tout en encourageant le dialogue national ouvert à toutes les parties prévues par l’accord de Dakar, signé entre les différentes forces politiques du pays, le 4 juin 2009». Un dialogue entre le pouvoir et l’opposition qui tarde cependant à prendre son envol. Une réalité prégnante, en dépit de la volonté, affichée par les deux camps qui affirment, l’un et l’autre, être attachés au principe de la concertation. Pour faire face aux énormes défis de l’instauration d’un système démocratique aux normes, aux contraintes du développement et à une donne sécuritaire lourde de dangers qui s’expriment sous la forme d’un monstre terroriste, frauduleusement  drapé dans les habits de la religion.
Un dialogue nécessaire, et même vital, qui affiche un désespérant retard à l’allumage, plus de six mois après la signature d’un accord qui mit un terme à la bourrasque institutionnelle, sans régler, pour autant, la crise politique. Lors de la cérémonie d’ouverture du colloque «quelle gouvernance pour la Mauritanie, après 50 ans d’indépendance», organisé par la majorité présidentielle et parlementaire, au Centre International des Conférences de Nouakchott (CICN-Palais des Congrès), il y a une quinzaine de jours, le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, s’est personnellement prononcé sur l’impérieuse nécessité de la participation de l’opposition au débat national. Invitée, la Coordination des Forces de l’Opposition Démocratiques (CFOD), qui regroupe neuf partis, a décliné l’offre, tout réaffirmant sa disponibilité au dialogue.  

Le cadre et les termes de référence
La CFOD a justifié sa non-présence au colloque en arguant qu’il s’agissait, là, d’une manifestation purement interne à la majorité présidentielle et parlementaire. Un argument en béton armé, conforté par l’intitulé du forum qui précisait, parfaitement, l’identité des forces politiques à l’origine de l’organisation. Toutefois, dans ses recommandations et conclusions, les journées des 16, 17 et 18 janvier ont étalé, au grand jour, une multitude de préoccupations partagées par l’opinion nationale et internationale, attachée à la stabilité politique et au développement économique de la Mauritanie. Même si, en la circonstance, la démarche adoptée par la majorité présidentielle et parlementaire souffre d’une réelle faiblesse. Le document issu des journées n’a pas été précédé par un état des lieux, un diagnostic complet de la situation actuelle. Sur le plan de la forme, cette étape a été «brûlée». Cependant, le plus important reste la question de fond.
Ainsi, du côté de la majorité, on semble, pour une fois, croire  au dialogue. D’ou une certaine rupture avec la culture du silence, héritée des régimes autocratiques qui ont conduit le destin de la Mauritanie, depuis 1978. Kane Hamidou Baba, président du Mouvement Pour la Refondation et vice-président de l’Assemblée nationale, a identifié les partenaires du dialogue: Coalition des Partis de la Majorité (CPM) et Coordination des Forces de l’Opposition Démocratiques (CFOD). C’est à ceux-là, souligne-t-il, de définir, de manière consensuelle, le cadre de celui-là. Pour les termes de référence – en fait, le contenu – chacun devrait apporter des propositions, estime le président d’une des dernières-nées des formations politiques nationales. Il  évoque, au passage et à titre non-limitatif, les grands problèmes nationaux: approfondissement de la démocratie, avec un grand chantier de réformes, portant sur la Constitution, le rééquilibrage des pouvoirs, la révision du découpage électoral, les problèmes de sécurité, etc.    
On applaudit, bien sûr. Les bonnes intentions ne sont-elles pas louables? On attend, cependant, le mode d’accès à ce cadre idyllique. On l’attend, tandis que chat et souris s’évertuent à jouer à leur sport favori, entre deux déclarations lénifiantes qui semblent tant ravir nos partenaires européens. Faut-il se demander pourquoi?
Amadou Seck

Source  :  www.lecalame.mr  le 03/02/2010

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