Utiliser ChatGPT, est-ce tricher ? Réflexions sur la fraude étudiante à l’ère des IA génératives

The Conversation   – L’usage de l’intelligence artificielle générative est désormais massif dans les nouvelles générations étudiantes, bousculant les codes et les enjeux de l’évaluation des connaissances. Voilà qui pose un certain nombre de dilemmes aux universités. Comment peuvent-elles repenser leurs examens pour maintenir la crédibilité des diplômes ?

S’il existe vraiment des innovations de rupture dans l’éducation, les usages des intelligences artificielles génératives pourraient être de celles-là. Ce n’est rien moins qu’un nouveau rapport au savoir qui s’instaure sous nos yeux. À l’université, c’est probablement l’évaluation des apprentissages et le risque de triche qui soulèvent le plus de questions.

Les fraudes sont difficiles à observer. Par définition la triche est cachée et il est difficile de la différencier des utilisations légitimes des intelligences artificielles génératives. De plus, il n’existe pas à ce jour en France d’étude robuste qui permettrait de la qualifier et de la quantifier, d’autant que les plateformes de détection de plagiat s’avèrent inopérantes. Peu fiables, celles-ci produisent à la fois des faux positifs et des faux négatifs, comme le montrent l’étude de William H. Walters et celle de Philippe Dessus et Daniel Seyve.

On sait en revanche que les étudiants utilisent massivement les intelligences artificielles génératives. Une enquête du Digital Education Council, publiée en août 2024 montre que 86 % d’entre eux, dans un panel de 16 pays incluant la France, les utilisent, alors qu’une étude, plus récente, du Higher Education Policy Institute, réalisée en février 2025, estime que 92 % des étudiants britanniques y recourent dont 88 % pour des activités donnant lieu à une évaluation.

Face à ce double constat, les universités semblent assez démunies. L’effondrement de leur capacité à maintenir les formats classiques d’évaluation appelle à en repenser radicalement les finalités et les modalités afin de maintenir l’efficacité des formations et la crédibilité des diplômes.

À quoi les évaluations servent-elles ?

Dans l’éducation comme ailleurs, on définit usuellement l’évaluation comme un jugement de valeur porté sur une mesure et destiné à une prise de décision. À l’université, il s’agit donc de proposer aux étudiants des activités, spécifiques ou non, qui permettront de mesurer leurs connaissances et/ou leurs compétences. Celles-ci peuvent prendre différentes formes, dont l’épreuve écrite sur table, l’exposé oral, le mémoire de recherche ou le rapport de stage.

L’évaluation est un processus au service de deux finalités très différentes, potentiellement complémentaires mais le plus souvent confondues.

La première vise à accompagner les étudiants en leur fournissant des informations qualitatives (analyse des progrès et des difficultés, conseils pour y remédier…) et/ou quantitatives (notes) sur leurs apprentissages. Ces éléments leur permettent d’orienter et d’ajuster leurs efforts, alors qu’ils invitent le corps professoral à adapter les leurs aux besoins des étudiants. Pour ces raisons, cette forme d’évaluation est dite « formative » et joue un rôle essentiel dans la réussite des étudiantes et des étudiants.

L’autre finalité, qualifiée le plus souvent de « sommative », vise à rendre compte des connaissances et/ou compétences des étudiants, à une étape donnée d’une formation, souvent à la fin, afin d’autoriser une poursuite d’études, de délivrer un certificat ou un diplôme. Les résultats d’une évaluation sommative sont le plus souvent communiqués selon des modalités quantitatives (notes).

Quelle que soit la finalité d’une évaluation, sa qualité repose d’abord sur son alignement avec les objectifs d’apprentissage visés. Elle doit rendre compte de ce qui est attendu en termes de connaissances et/ou de compétences. Elle doit par ailleurs être fiable, c’est-à-dire mesurer ce qu’elle est censée mesurer et le faire de façon suffisamment fine. Enfin, elle doit procéder de manière équitable, en tenant compte de difficultés rencontrées par les étudiants susceptibles de masquer leurs apprentissages, comme la prise en compte de handicaps invisibles, tels que la dyslexie par exemple.

Qu’est-ce que tricher avec une intelligence artificielle générative ?

Il convient de distinguer nettement la fraude de toutes les autres situations dans lesquelles les étudiants délèguent aux intelligences artificielles génératives tout ou partie des tâches qui leur sont prescrites. Hors évaluation, l’aide attendue des intelligences artificielles génératives constitue également une problématique pédagogique d’une très grande importance mais elle n’entame pas l’intégrité du rapport aux règles universitaires.

La triche est avérée si la production de l’étudiante ou de l’étudiant s’inscrit dans une démarche d’évaluation alors que l’utilisation d’intelligences artificielles génératives a été interdite. Ainsi, la résolution d’un problème de statistique dans le cadre d’un examen de fin de semestre, en recourant de manière dissimulée à ces outils, alors que leur utilisation a été interdite par le corps professoral, relève de la triche. Recourir à la même intelligence artificielle générative comme aide à la réalisation du même problème avec l’accord et l’encadrement de l’enseignant n’en relève pas.

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Jean-François Cerisier est un·e adhérent·e de The Conversation

Professeur de sciences de l’information et de la communication, Université de Poitiers

 

 

 

Source : The Conversation 

 

 

 

 

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