
BBC Afrique – C’est une histoire fascinante qui continue de faire couler beaucoup d’encre en Afrique et aux États-Unis.
Cette histoire est celle de Omar Ibn Saïd. Né au Fouta Toro (Sénégal) vers 1770, il fut capturé et vendu à l’âge de 37 ans comme esclave à Charleston (Caroline du Sud- États-Unis).
Échappé à son maître, il s’était enfui avant d’être appréhendé et emprisonné à Fayetteville (Caroline du Nord). De son lieu de détention, l’homme se mit à écrire sur les murs de la prison. La nouvelle de l’esclave qui griffonne une écriture étrange gagne la ville. Il est acheté à nouveau par un autre maître.
Depuis la découverte de ses manuscrits en arabe où il raconte sa vie et son origine, des chercheurs américains et sénégalais se sont lancés à la recherche de ses origines. Un groupe de chercheurs sénégalais pense avoir identifié enfin le village en question au cœur du Fouta, au nord du Sénégal.
Qui est Omar Ibn Saïd ?
Dans l’un de ses manuscrits autobiographique, Omar Ibn Saïd parle de sa vie. Il écrit : »avant ma venue au pays des Chrétiens (Etats-Unis), ma religion était celle de Mohammad, le prophète d’Allah. Qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix ». Il explique avoir fait le pèlerinage musulman à La Mecque.
Evoquant sa naissance, il déclare être « né dans le Fouta-Toro, entre les deux rivières » et affirme avoir étudié dans le Boundou (Province à l’est du Sénégal) pendant 25 ans.
« Après mes études, je suis retourné chez moi pendant six ans avant qu’une armée n’envahisse notre pays. Ils ont tué beaucoup de gens. Ils m’ont capturé, et m’ont vendu à un chrétien qui m’a emmené dans un grand bateau. » écrit Omar Ibn Saïd.
Embarqué dans un bateau à destination de l’autre côté de l’Atlantique, il est débarqué après un mois et demi de voyage à Charleston où il a été vendu.
»Là, ils m’ont vendu à un homme petit, faible et méchant, nommé Johnson, un infidèle complet qui ne craignait absolument pas Dieu » écrit Omar Ibn Saïd.
Victime de sévices comme la plupart des esclaves, il s’est enfui quelques années plus tard.
»Je suis un homme de petite taille et incapable de faire un dur travail. Je me suis donc enfui des mains de Johnson et, un mois plus tard, je suis arrivé à un endroit appelé Fayd-il (Fayetteville) » relate -t-il dans ses écrits avant de raconter les circonstances de son arrestation.
»À la nouvelle lune, je suis entré dans une église pour prier. Un jeune garçon m’a vu et est parti à cheval chez son père pour lui dire qu’il avait vu un Noir dans l’église. Un homme et un autre homme avec lui à cheval sont arrivés, accompagnés d’une meute de chiens ».
Arrêté et emprisonné pendant »seize jours et seize nuits », il a été acheté par un »nommé Jim (James) Owen, qui se trouve être le frère du gouverneur de Caroline du Nord.
Contrairement à son premier maître décrit comme un »infidèle méchant », James Owen est décrit comme un »homme bien qui lit l’Evangile ».
« Je suis toujours sous la protection de Jim Owen, qui ne me bat pas, ne m’insulte pas et ne me soumet ni à la faim, ni à la nudité, ni au travail forcé » écrit-il à la dernière page de son manuscrit autobiographique précisant toutefois »ne pas pouvoir travailler dur, car je suis un homme petit et malade ».
Dans ses manuscrits, il évoque une conversion au christianisme tout en continuant à faire référence au Coran.
Pour Mamarane Seck, cet aspect est »troublant et suscite beaucoup d’interrogations qu’il convient d’éclaircir ».
Coppé, un village ancien au cœur du Fouta pourrait être le village d’origine d’Omar Ibn Saïd

Crédit photo, Dr Mamarane Seck
Mamarame Seck est Enseignant-chercheur, à l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est aussi le conservateur du Musée historique du Sénégal à Gorée.
Avec un groupe de chercheurs historiens sénégalais, il s’est lancé à la recherche du village d’origine de Omar Ibn Saïd, désormais rendu célèbre par la découverte de ses manuscrits en arabe, exposés actuellement à la Bibliothèque du Congrès américain.
Joint au téléphone par BBC News Afrique, il nous apprend qu’il pense avoir identifié le village d’origine d’Omar Ibn Saïd après des recherches effectuées au Fouta dans le nord du Sénégal.
Pour mener à bien ses recherches, il a obtenu une copie des manuscrits en arabe soigneusement conservés à la bibliothèque du Congrès américain.
»En faisant relire le texte (en arabe) d’Omar Ibn Saïd par les gens du Fouta, j’étais convaincu que ce texte nous révélerait des choses que d’autres (traducteurs anglais) n’ont pas forcément compris » explique le Dr Mamarane Seck.
Muni des manuscrits et fort des détails que contiennent ces documents, il a mené plusieurs entretiens au Fouta avec des notables et des lettrés en arabe pour essayer de tirer le maximum d’information sur des manuscrits rédigés avec une calligraphie en style maghribi (généralement adoptée par les marabouts et les écoles coraniques de l’Afrique de l’Ouest).
En tant que chercheur, les descriptions géographiques contenues dans les manuscrits ont également été d’une grande importance.
»Ce n’est pas seulement le manuscrit autobiographique, mais il y a aussi d’autres documents des lettres écrites par l’esclave » fait remarquer Mamarane Seck ajoutant que dans une de ces lettres qui date de 1819, Omar Ibn Saïd disait quelque part vouloir retourner en Afrique dans un village dont la mention sur le manuscrit avait été lu »Coppé » par un imam.
»C’est ça qui m’a poussé, après avoir visité d’autres lieux dans le Fouta, d’aller à Coppé et de m’intéresser principalement à ce village pour savoir dans quelle mesure, il pourrait être le village d’origine de Omar Ibn Saïd » relate l’universitaire sénégalais.

Crédit photo, Dr Mamarane Seck
»Dans l’histoire du village, dit Mamarane Seck, sa position géographique, la lecture de son nom par un imam respecté et d’autres témoignages recueillis sur l’histoire du village, tout indique que Coppé pourrait être le village d’origine de Omar Ibn Saïd ».
»Omar dit dans ses écrits qu’il vient d’un lieu (Coppé) situé entre les deux fleuves. Cette description nous renvoie à l’Ile à Morphile, qui est entre le fleuve Sénégal et son affluent le Doué » précise-t-il.
Evoquant sa capture, puis sa vente comme esclave à un homme blanc, Omar Ibn Saïd a parlé »d’une bande de mécréants qui est venue attaquer son village et qui ont tué beaucoup de personnes et ont marché avec moi jusqu’au fleuve ».
Abdou Aziz Diédhiou
BBC News Afrique
Source : BBC Afrique (Royaume-Uni)
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