Courrier international – À travers les grillages, Abdou Wahab Zongo admire son cheptel avicole. Le poulailler, situé dans le secteur 10 de Koudougou [ville du centre du Burkina Faso, à environ 100 kilomètres à l’ouest de la capitale, Ouagadougou], est divisé en deux parties. Une pour les reproducteurs, qui se reconnaissent par leur gabarit imposant, et l’autre pour les plus jeunes. Cet après-midi, les cocoricos enveloppent la cour. Dans le regard du jeune éleveur, on peut voir la fierté. Il semble enfin avoir trouvé sa voie depuis qu’il a opté pour les kuroilers, une race hybride de poulet d’origine indienne.
Quand il plonge dans ses souvenirs, l’émotion s’empare de sa voix. Des revers énormes. À plusieurs reprises. “On a perdu 150 goliaths (race de poulet) qu’on avait fait vacciner contre la variole. Une semaine après le vaccin, tout est parti […]. On a perdu plus de 50 dindons de moins de 3 mois”, se rappelle-t-il. Mais le plus douloureux souvenir, c’est quand il a encore perdu 250 têtes.
Un métier à risque
C’en était trop. Il était au bout du rouleau. “Il fallait s’asseoir, réfléchir, on parlait seul à un certain moment. On a passé pratiquement près de deux mois sans rien faire. Je suis resté là à réfléchir, à parler seul”, ajoute-t-il, cette fois avec le sourire.
Dans une autre province de la région du Nango, le Sanguié [province du centre du pays], l’enclos de Bonkoungou Désiré a été touché il y a quelques années par la fièvre aphteuse. “J’ai perdu une dizaine de bœufs. C’est une perte énorme. Et puis, vous dormez mal”, avoue le forestier à la retraite qui est aussi boucher-charcutier.
Pour celui qui a acheté ses premiers animaux en 1985, quand il a perçu son premier salaire, la situation [concernant] les maladies animales a bien évolué. “Il faut reconnaître qu’avec les différents vaccins les maladies sont moindres. Mais c’est la fièvre aphteuse qui a secoué un peu notre élevage il y a un ou deux ans. Les soins étaient complètement difficiles. Mais actuellement, on a quand même un vaccin”, se réjouit l’éleveur.
Tout comme chez les éleveurs, les maladies animales peuvent causer des pertes pour les bouchers. Vendeur de porc au four à Réo [dans la province du Sanguié] depuis plus de vingt ans, Luc Bazié reconnaît avoir vécu beaucoup de difficultés.
“Mon cœur bat quand j’amène un porc à l’abattoir. On a beaucoup jeté mes porcs à l’abattoir. C’est comme à la loterie. C’est un métier à risque. On achète souvent des porcs de 150 000 à 300 000 francs CFA [de 228 à 457 euros]. Quand on abat, après contrôle, les vétérinaires trouvent que la viande n’est pas bonne. Il faut donc la jeter.”
Multiplier les campagnes de vaccination
Malgré ces revers, le jeune Abdou Wahab Zongo avoue n’avoir jamais eu l’idée d’abandonner. Ce, depuis ses débuts, en 2019. Bien au contraire, il prend les moments de perte comme une invitation à [acquérir] plus de connaissances dans son domaine. “On a appris beaucoup parce que ça nous a permis de vraiment aller à la recherche active de la connaissance”, admet-il.
Selon lui, c’est la meilleure manière d’apprendre. Après avoir commencé par des bleues de Hollande [race de poule domestique], il a glissé vers les [gallinacés] locaux améliorés pour arriver aux goliaths. Et depuis quelques années, avec les kuroilers, il connaît moins de pertes. Tout en conseillant les jeunes qui veulent se lancer dans l’élevage des poulets d’apprendre par l’expérience, il préconise de suivre scrupuleusement les prophylaxies vaccinales pour atténuer les pertes.
C’est également le conseil de Sy Dramane Traoré, le chef de service provincial des services vétérinaires de la direction de l’agriculture, des ressources animales et halieutiques du Boulkiemdé [province du centre du pays].
“Vacciner les animaux pour protéger ses animaux et ceux des autres”, lance le chef de service. Il se réjouit d’avoir remarqué cette année “moins de pertes en petits ruminants grâce aux campagnes de vaccination”. De plus en plus, les campagnes de vaccination sont subventionnées, ou gratuites, pour accompagner les éleveurs.
En campagne ou même en ville, Sy Dramane Traoré constate que l’élevage est plus qu’une activité. C’est la caisse d’épargne à portée de main. “Pour que quelqu’un enlève des céréales pour [les] vendre et payer la scolarité de son enfant, ce n’est pas évident. Mais il peut vendre un mouton, une chèvre, une poule… C’est comme une caisse d’épargne”, soutient-il.
La présence et le contrôle permanents sont aussi d’autres aspects à prendre en compte pour chaque éleveur. Il ne suffit pas d’investir et de se retirer après avoir confié la gestion à une tierce personne. Cela fait dire à Abdou Wahab Zongo qu’il dort pratiquement avec ses poussins à certains moments. Comme si le chauffage au charbon de bois ne leur suffisait pas.
Studio Yafa (Ouagadougou)
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Source : Courrier international (France)
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