Alors que le président mauritanien Ould Aziz regagne Nouakchott après avoir entrepris la médiation de l’UA en Afrique du Sud sur la crise libyenne,
son armée enregistre 2 morts et 7 blessés lors d’une offensive cette semaine dans l’Ouest du Mali contre une base des terroristes d’Al Qaïda.
Ce bilan officiel qui fait état par ailleurs de 15 morts, 9 prisonniers et de nombreux blessés du côté AQMI est le fruit d’une coopération militaire entre Bamako et Nouakchott dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Cependant les observateurs s’interrogent sur les conséquences militaires et économiques dans les deux pays mais aussi politique dans la sous-région saharienne et sahélienne.
Mauritaniens et maliens s’inquiètent de ce regain de tension à l’Ouest du Mali non loin de Bassikounou dans cette région où Ould Aziz avait déployé il y a une année un bataillon d’armes lourdes et de véhicules de combat.
A l’époque Nouakchott justifiait cette présence par le fait que cette région frontalière est depuis longtemps le théâtre d’intenses activités de narcotrafiquants et du fait qu’elle est le passage obligé de marchandises des deux pays. Aujourd’hui c’est bel et bien l’AQMI qui est visé dans ses intentions de contrôler cette zone en essayant d’y implanter sa base pour contrecarrer les attaques de Nouakchott et de Bamako.
L’offensive lancée cette semaine par l’armée des deux pays s’inscrit dans le cadre d’une vaste opération bien préparée depuis des mois suite à la réunion militaire à huit clos à Ségou et d’autres rencontres récentes de haut niveau entre responsables de l’armée et des gouvernements respectifs dans les deux capitales.
Le président malien Toumani Touré a tiré des leçons du passé notamment sur la libération en 2010 du présumé terroriste d’origine mauritanienne et appartenant à l’AQMI .Cette entorse à la coopération dans le domaine de la sécurité avait exacerbé Ould Aziz qui aujourd’hui à son actif détient près de 14 salafistes dans ses prisons même s’il y’ a eu d’autres des repentis libérés à la suite d’un procès ou par amnistie.
Jamais autant le président mauritanien n’a renforcé son arsenal juridique contre le terrorisme islamiste depuis son avènement au pouvoir en juillet 2008 et préparé l’opinion nationale en organisant en février dernier un débat national sur le terrorisme et le crime organisé en y associant les religieux pour mieux contrer le discours des extrémistes. Un satisfecit pour les deux chefs d’Etat qui ont éliminé 15 islamistes au total et blessé beaucoup et fait 9 prisonniers au cours d’un raid cette semaine à l’Ouest du Mali.
Pour les observateurs ce bilan vient confirmer que la frontière entre les deux pays risque de se transformer en une véritable zone de guerre dont les conséquences militaires pourraient être énormes en hommes et en matériels. Il n’y a pas longtemps la Mauritanie, le Mali, le Niger et l’Algérie ont mis en place un comité d’ état-major opérationnel autrement dit le CERNOC pour lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, basé à Tamanrasset dans le sud algérien.
Cette coopération sous-régionale militaire mobilise 25 000 à 75 000 hommes. Force est de constater que Ould Aziz et Toumani Touré ont augmenté respectivement leurs dépenses militaires pour faire face à cette nouvelle situation qui inquiète davantage la société civile. Le Mali consacre cette année 106 milliards et demi de Fcfa tandis que la Mauritanie près de 39 milliards d’ouguiya soit pour les deux pays de loin la part la plus importante de leurs budgets nationaux et la Mauritanie disposant par rapport à son voisin plus de combattants avec plus de 20 000 très mobiles et prêts à en découdre avec Al Qaïda qui lorgne du côté de la forêt du Wagadu pour mieux rebondir après ces échecs récents dans le désert du Sahara et du commando neutralisé récemment à Nouakchott.
Par ailleurs la Mauritanie bénéficie plus du soutien militaire de la France ainsi que l’aide financière de l’UE. Pour les observateurs, ce rapprochement avec l’ancien colonisateur est très mal vu par les voisins maghrébins à commencer par l’Algérie qui y voit un renforcement de la françafrique surtout que cette alliance militaire est survenue quelques temps seulement après la création du comité d’état-major opérationnel.
Sur un autre chapitre et pour plus d’efficacité dans la lutte contre l’insécurité dans le Sahel le CERNOC devra y associer notamment le Maroc pour son expérience en matière de lutte contre le terrorisme islamiste et son voisinage avec l’Algérie , la Mauritanie et le Mali. La guerre contre l’AQMI est inévitable. Pour l’instant le rapport de force est en faveur du Mali et de la Mauritanie.Mais à quel prix ?
Source: Baba Kane