
Le Calame – Le rapport de la Cour des comptes continue à alimenter les débats dans les salons et, surtout, sur les réseaux sociaux. Les Mauritaniens sont sidérés par les dérives inacceptables ainsi révélées. Quel scandale, dans un pays pauvre mais détenteur d’immenses richesses et république islamique de surcroît.
Un pays où une infime minorité patauge dans un luxe insolent et frustrant pour l’immense majorité vivant, elle, sous le seuil de la pauvreté. Un pays où l’on pensait que les leçons de la décennie d’Ould Abdel Aziz étaient en passe d’être tirées. Pour la première fois de l’histoire de ce pays, un ex-Président avait été accusé et condamné pour enrichissement illicite, blanchiment d’argent et offense à la Justice. Des maux qu’on croyait désormais disparus. Avec le rapport de la Cour des comptes, on tombe des nues.
Des « responsables » mauritaniens – disons plutôt : des délinquants financiers visiblement bien protégés – ont fait perdre, à leur nation, des centaines de milliards d’ouguiyas : erreurs de gestion, déséquilibres structurels et actes délictueux, écrit le rapport. Une nation toujours obligée, en dépit de ses fabuleuses ressources et du petit nombre de sa population, de tendre la main aux institutions monétaires et aux autres partenaires techniques et financiers. Quel paradoxe, pour ne pas dire honte ! Une nation dont les dirigeants clament, sur tous les toits, leur détermination à éradiquer la corruption et le détournement des deniers publics !
Après la fondation de la commission d’enquête parlementaire, en 2020, sur la décennie du président Ould Abdel Aziz, les Mauritaniens s’étaient donc trop vite réjouis de voir, enfin, les auteurs de crimes économiques mis hors d’état de nuire. Le président Ghazouani s’engageait dans la croisade contre les voleurs, l’Inspection Général d’État (IGE) était rattachée à la présidence, une haute autorité de lutte contre la corruption était fondée. Mais, hélas, les Mauritaniens ont dû tout aussi vite déchanter.
Sur les centaines de responsables cités, à l’époque, par l’enquête, très peu furent traduits devant la Justice. Beaucoup furent retirés du dossier puis blanchis et réhabilités à des postes juteux. Un mauvais signal et une première déception envers le premier mandat de Mohamed Cheikh Ghazouani. On connaît la suite. Les révélations du rapport de la Cour des comptes ne sont pas une surprise pour les mauritaniens avertis. Les signes ostentatoires de richesse illicite étaient là, exhibés par la galaxie qui gravite autour du pouvoir. Alors que la majorité du peuple cherche le diable pour lui tirer la queue, l’infime minorité se tape des palais à Tevragh Zeïna et hors du pays : Las Palmas, Casablanca, Rabat et, plus récemment, Istanbul… Ils y dépensent des millions d’euros par jour, ils exhibent des bolides dernier cri, acquis à coups de dizaines de millions d’ouguiyas.
L’Etat, cette vache laitière
Ces signes de richesse ne trompent personne : celle-ci provient des caisses de l’État mais aussi de blanchiment d’argent, de trafics de toutes sortes, au vu et au su des hauts dirigeants du pays. On détourne parce qu’on est protégé par sa tribu, sa famille, son Général ou son colonel, son ministre ou son SG, etc. La vache Mauritanie est très magnanime à donner du lait et sa résilience est très forte, sinon elle aurait péri sous les coups de boutoir des candidats à la traite. Et les chiffres révélés par les auditeurs de la Cour des comptes ne sont que la partie immergée de l’iceberg ! Le plus grave en tout cela, c’est qu’il n’y a, apparemment, aucun espoir de voir ce cancer disparaître sous peu : la triche est devenue un sport national, une culture même. Presque tous nos responsables ont pris le goût au vol, parce qu’ils savent qu’ils vont bénéficier de l’impunité. Les fils-à-papa sont formatés à l’opulence et croient, dur comme fer, que le vol des deniers publics n’est pas illicite.
Les auteurs présumés des dérives relevés par la Cour des comptes dans les différentes structures de l’État pourraient ne pas être sanctionnés. Les exemples sont légion. Quoiqu’on voie et entende, régulièrement, des cas présumés et souvent avérés de détournement de deniers publics, leurs auteurs ne sont, dans le meilleur des cas, que relevés de leurs fonction… avant d’être, peu après, réhabilités ! La tribu et les bras longs sont activés. Autre danger dans ce pays, les avocats du diable qui tentent, depuis quelque temps, de minimiser l’ampleur des dégâts. Face à cette situation, des observateurs avertis et des quelques grands bloggeurs s’étonnent de l’émoi et de l’étonnement des mauritaniens d’en bas. Pour ces lanceurs d’alerte, il n’y a aucun espoir de voir les autorités ou la justice tirer les choses au clair, « c’est du déjà joué », déplorent-ils. La Mauritanie est malade de son intelligentsia assoiffée d’argent ; chacun en veut, quitte à vendre son âme ! Qu’Allah nous préserve de ces rapaces qui risquent de conduire le pays vers le gouffre !
Dalay Lam
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