Mauritanie – FMI : Risques réels de tripotage des chiffres

Banque Centrale de MauritanieLe président de la délégation du Fonds monétaire international (FMI) en visite actuellement à Nouakchott, a déclaré, avant la fin de la mission, que les résultats de la troisième Revue des programmes financés par le Fonds en Mauritanie, seront positifs !

Pour Amin Mati, dont les propos sont rapportés par les médias publics, comme une sorte de satisfecit délivré par l’un des plus grands bailleurs multilatéraux au gouvernement du Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf,  » la situation du pays, au cours de cette année, est meilleure par rapport à celle de 2010  » !

Pour les connaisseurs, de telles affirmations ne rassurent pas. L’amélioration ne signifie aucunement la sortie de la crise, quelle soit économique, financière, politique, ou sociale. Elle signifie tout simplement qu’il y a un  » léger mieux « , par rapport à une situation antérieure (initiale) qui, elle, peut être positive ou négative.

La nécessité de mettre aussi de la nuance dans les propos du haut responsable du Fonds découle du fait que son appréciation positive de la situation actuelle du pays repose sur des prévisions (des investissements attendus en décembre prochain).

Et aussi d’une conjoncture économique qui sera fortement tributaire de la manière dont le gouvernement devra faire face à la menace de la sécheresse.

Au cours d’une conférence de presse organisée conjointement par le gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie (BCM), Sid’Ahmed Ould Rayess, et le chef de la délégation du FMI, cette réalité n’a pourtant pas été prise en compte puisqu’on parle – déjà – d’un taux de croissance de 5,5% en 2012, de réserves en devises qui pourraient augmenter par rapport à leur seuil actuel (522 millions de dollars US garantissant 3 mois d’importation) et d’une inflation qui est contenue à moins de 6%.

Cette approche qui donne déjà une prévision du taux de croissance économique,  » pas en-deçà de 5% « , pour 2011, la régression du secteur agricole étant compensée par les résultats réconfortants du secteur des mines, remet dans les mémoires les faux chiffres de 2003 – 2005, que la Banque mondiale et le FMI avaient pourtant avalisés alors que l’économie de la Mauritanie était au bord de la faillite.

Aujourd’hui, des sources qui ne sont pas celles du pouvoir donnent une toute autre appréciation de la situation :

L’entêtement du pouvoir à vouloir lancer des projets de développement dans toutes les directions a déboussolé l’aiguille des bailleurs qui cherchent à l’obliger à revenir à une gestion plus orthodoxe des ressources de l’aide. Si cette version est vraie, cela coïncide à peu près au point de vue de l’opposition qui, il y a quelques mois, a dénoncé dans un mémorandum ce qu’elle qualifie de  » gestion calamiteuse et irresponsable  » tendant,  » à enfoncer les Entreprises Publiques les plus importantes au plan social (SOMELEC, SNDE, SOMAGAZ, ….) dans une situation financière catastrophique qui, si elle continuait, conduirait fatalement à leur faillite, privant ainsi le citoyen de services et produits de base essentiels « .

Des observateurs avertis ne s’éloignent pas trop de cette attaque frontale de l’opposition, quand ils soulignent que l’action du gouvernement ressemble bien à une navigation à vue. Beaucoup de projets lancés en grande pompe provoquent aujourd’hui le courroux de populations qui se sentent flouées par des politiques dont l’action n’est dictée que par le gain des voix en période électorale.

Notes dissonantes

Le satisfecit délivré par la mission du FMI, même s’il n’est pas encore officiel, a quand même l’allure d’une victoire du gouvernement contre l’opposition qui l’a accablé, il y a quelques mois, par des chiffres effarants tendant à démontrer que les finances publiques sont aux abois.

C’est dire qu’il va falloir attendre la sortie du rapport officiel du FMI sur l’état économique et financier de la Mauritanie pour savoir vraiment à quoi s’en tenir. Tout ce qui est dit, de manière périodique, ne relève que de  » tendances « , de fluctuations, qui n’ont rien à voir avec le quotidien des mauritaniens.

A ce sujet, l’avis d’Amin Mati ne s’inscrit pas totalement dans l’optique de ce qui a filtré des résultats de l’évaluation ex post, le 22 juin dernier, de la mise en œuvre de programmes avec la Mauritanie sur une longue période.

Cette évaluation habituellement requise pour tout pays qui applique des programmes sur une longue période, visait à permettre au FMI de prendre du recul par rapport à leur mise en œuvre afin de procéder à l’analyse des difficultés économiques de la Mauritanie, de faire le point sur les progrès réalisés grâce à la mise en œuvre des programmes appuyés par le FMI et d’aboutir à un cadrage prospectif des relations avec le pays en tirant les enseignements de l’expérience des programmes antérieurs.

La Mauritanie a conclu plusieurs programmes avec le FMI au titre de ses différentes facilités de prêts concessionnels et cette première évaluation ex post a été menée pour apporter des éléments d’appréciation au programme en cours.

L’évaluation de juin dernier portait sur l’expérience acquise dans le cadre de la mise en œuvre, par la Mauritanie, de trois accords au titre de ce qui était alors la Facilité pour la croissance et pour le réduction de la pauvreté (FRPC), conclus en 1999, 2003 et 2006.

Il ressort de l’évaluation en question que les programmes ont contribué à atteindre un niveau de stabilité macroéconomique de base tandis que les progrès ont été moindres en matière structurelle et qu’il subsiste des domaines importants dans lesquels les relations avec le FMI doivent encore permettre des avancées significatives, à savoir la transparence et la gouvernance, un cadre macroéconomique robuste, un environnement économique propice à l’épanouissement du secteur privé et un meilleur ciblage des dépenses sociales.

A l’issue de cet examen, le FMI déclarait que les administrateurs souscrivent de manière générale aux conclusions de l’évaluation ex post des résultats économiques obtenus par la Mauritanie dans le cadre des trois derniers programmes appuyés par le Fonds. Ils conviennent cependant que le nouveau Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté de la Mauritanie et le programme Facilité élargie de crédit (FEC) en cours abordent effectivement les défis signalés par l’évaluation ex post.

Ils soulignent que les réformes structurelles visant à restructurer les entreprises publiques, à améliorer le marché du travail, à accroître la transparence et à améliorer le climat des affaires sont indispensables à l’amélioration durable de la situation de l’emploi et à l’avènement d’une croissance inclusive et partagée.

C’est exactement sur cette non maîtrise des dépenses sociales (à finalité de propagande ou pas) qui constitue le risque de  » jonglage  » avec les chiffres. C’est aussi ce que l’opposition ne cesse de dénoncer quand elle souligne des faits connus de tous mais pas appréhendés par le commun des mauritaniens comme des actes de mauvaise gestion :

 » Le Décret d’Avance de la dernière opération de solidarité (9 milliards) qui a été signé deux mois après l’exécution du volet de cette opération relatif à la stabilisation des prix, la vente des terrains des anciens Blocs Rouges, qui a été le prétexte au racket des deux plus importantes institutions économiques du pays (la BCM et, plus particulièrement, la SNIM) était, semble-t-il, destinée à couvrir une partie de l’opération, en attendant la bienveillance de la prochaine mission du FMI « , peut-on lire dans le document de la COD. Manipulations ?

MOMS.

Source: L’authentique

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