Mauritania Airlines : la compagnie nationale dans les turbulences financières

La Cour des comptes dévoile une gestion opaque, des irrégularités multiples et un affaiblissement structurel inquiétant.

Une compagnie au bord du décrochage

Dans son rapport général 2022-2023 de 2025, la Cour des comptes dresse aussi un tableau sévère de la gestion de Mauritania Airlines. L’institution financière pointe une série de défaillances comptables, de recrutements illégaux, de dettes non réglées et de favoritisme dans la passation des marchés. Selon les magistrats financiers, la compagnie nationale « n’assure plus la transparence, ni l’efficacité attendue d’une entreprise publique stratégique ».

Comptabilité opaque et anomalies graves

La Cour constate d’abord de graves irrégularités comptables :

Non-régularisation du solde du compte « dépôts et cautionnements versés », dont les montants demeurent bloqués sans justification. Absence de provision pour un solde détenu dans une banque étrangère, exposant la société à des pertes financières non maîtrisées. Aucun inventaire d’une grande partie des équipements et pièces détachées des avions, empêchant tout suivi des actifs.Erreur dans l’amortissement appliqué à certains avions et matériels, faussant les états financiers. Stocks non actualisés, provisions mal comptabilisées, et écarts injustifiés dans les comptes de réévaluation des tiers.

Enfin, la Cour déplore des insuffisances dans les outputs du système comptable, rendant impossible une lecture fidèle de la situation financière réelle. Ces manquements démontrent une absence totale de rigueur comptable dans une entreprise gérant plusieurs milliards d’ouguiyas d’argent public.

Gestion interne entachée de favoritisme et d’opacité Le rapport dénonce ensuite la gestion interne de la compagnie, marquée par des pratiques contraires aux règles de la commande publique : Recrutement de prestataires de services sans appel à la concurrence, souvent choisis par affinité ou convenance. Octroi d’avantages injustifiés à certains prestataires, en violation des principes d’équité et de transparence. Non-prélèvement de l’Impôt sur les Traitements et Salaires (ITS) sur des rémunérations supplémentaires.

Accumulation de dettes fiscales impayées, traduisant une mauvaise foi fiscale répétée. Laxisme dans le recouvrement des créances, notamment auprès de partenaires étrangers et de passagers commerciaux. Paiement de factures sans numéros d’identification fiscale (NIF), facilitant les circuits opaques et les dépenses hors contrôle. Ces pratiques assimilables à des fautes de gestion récurrentes minent la crédibilité de la compagnie et violent les règles du code des marchés publics.

Une flotte en panne et des vols perturbés

Sur le plan opérationnel, la Cour relève une dégradation inquiétante de la performance :Une grande partie de la flotte est en panne ou immobilisée, faute d’entretien régulier.La diversité des modèles d’avions utilisés complique l’entretien, alourdit les coûts et perturbe la logistique technique.

De nombreux vols ont été annulés ou retardés, entraînant un manque à gagner considérable et une perte de confiance des usagers.La Cour souligne que cette situation « fragilise durablement la compétitivité de la compagnie et sa capacité à assurer un service public régulier ».

Une gouvernance défaillante et des risques systémiques. Derrière ces constats se cache une gouvernance quasi inexistante. Le rapport évoque un Conseil d’administration passif, incapable de contrôler la direction générale, et une absence de plan stratégique clair.

Les décisions se prennent sans justification économique, souvent sous pression politique ou dans la précipitation.La Cour alerte sur les risques de faillite technique si des réformes structurelles ne sont pas entreprises rapidement.

Un appel à une réforme profonde

La Cour des comptes appelle à une refonte complète de la gestion de Mauritania Airlines. Elle recommande notamment : La mise en place d’un plan comptable normalisé et certifié ; L’instauration d’un contrôle interne rigoureux sur les dépenses et les contrats ; Le recouvrement systématique des dettes fiscales et commerciales ; Et surtout, une gouvernance fondée sur la compétence, la transparence et la responsabilité.

Une compagnie symbole du mal-gouvernement public. Le rapport de la Cour des comptes révèle ainsi qu’au-delà des retards de vols et des plaintes des passagers, Mauritania Airlines souffre d’un mal plus profond : la corruption administrative et le laxisme budgétaire.

La compagnie nationale, censée être la vitrine du pays dans le ciel africain, est devenue un miroir des dérives de la gestion publique. Le temps est venu, conclut le rapport, de réparer les moteurs financiers avant de réparer les avions.

 

 

 

Souleymane Hountou Djigo

Journaliste, blogueur

 

 

 

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