
Agence Ecofin – A Cotonou, les ministres chargés du numérique des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont pris, entre autres engagements, de réduire de moitié le coût de l’Internet d’ici 2028, lors d’un sommet régional consacré à la transformation numérique, à l’inclusion digitale et l’intelligence artificielle.
À Cotonou, une quinzaine de pays africains (Afrique de l’Ouest et du Centre) ont pris l’engagement, mardi 18 novembre, de réduire de moitié le coût de l’Internet d’ici 2028. Réunis lors du Sommet régional sur la transformation numérique, les ministres du Numérique du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Niger, de la Sierra Leone, de la Guinée, du Cap-Vert, du Congo, du Tchad, du Nigeria, du Liberia, du Togo et du Ghana ont adopté la Déclaration de Cotonou, un texte qui entend faire sauter les verrous qui freinent l’accès au numérique dans une région encore massivement déconnectée.
Le document final, présenté par la ministre sierra-léonaise de la Communication, Salima Monorma Bah, et qualifié de « fondateur », trace les priorités régionales en matière de connectivité, d’infrastructures, d’identité numérique, d’intelligence artificielle et d’emplois. Un cadre politique présenté par les participants comme un tournant dans la construction d’un marché numérique africain intégré, car derrière la rhétorique de la « révolution digitale », les réalités du terrain rappellent l’ampleur du défi. Seuls 38-40 % des habitants d’Afrique de l’Ouest et du Centre utilisent Internet, laissant 62 % de la population hors ligne alors que le taux de couverture atteint les 80 %. Une fracture qui se creuse entre les pays : le Cap-Vert, le Gabon ou le Ghana affichent des taux d’usage de 60 à 75 %, tandis que le Niger ou le Tchad plafonnent à 10–15 %.
« L’enjeu n’est plus de couvrir, mais d’inclure », a résumé Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, lors de la séance d’ouverture. L’accès existe, mais il reste hors de portée pour des millions de ménages. L’un des obstacles majeurs demeure le prix. L’Afrique de l’Ouest est aujourd’hui la région où les données sont les moins abordables au monde. Le haut débit fixe représente en moyenne 21,5 % du revenu mensuel – quand la norme internationale recommande de rester sous les 2 %. Même le mobile, pourtant plus accessible, absorbe 4,6 % des revenus, soit plus du double du seuil recommandé par l’ONU. Dans certains pays, les chiffres deviennent vertigineux : au Liberia, un abonnement fixe dépasse 150 % du revenu mensuel ; en Centrafrique, il frôle 27 %.
« L’Afrique de l’Ouest et du Centre paie son gigaoctet deux fois plus cher que la moyenne mondiale », reconnaît Roger Félix Adom, ancien ministre de l’Économie numérique de Côte d’Ivoire. « Sans une baisse drastique des prix, il sera impossible d’inclure les populations dans l’économie numérique », a averti Sangbu Kim, vice-président de la Banque mondiale, chargé du numérique.
Même son de cloche chez Ousmane Diagana : « Nous devons réduire la fracture numérique, revoir les prix et rendre les smartphones abordables pour que le numérique cesse d’être un luxe ».
La Déclaration de Cotonou entend briser cette spirale de gap d’usage. Les États s’engagent à moderniser les réseaux, densifier les dorsales nationales, harmoniser les tarifs d’itinérance et développer des points d’échange Internet régionaux pour réduire la dépendance aux infrastructures étrangères – en partie source de coûts élevés et de vulnérabilité. Ils veulent par ailleurs accélérer l’interconnexion entre pays voisins et encourager l’implantation de centres de données régionaux capables d’héberger 40 % des données gouvernementales critiques d’ici 2030, alors que pour l’instant « la capacité de calcul de l’Afrique de l’Ouest ne représente aujourd’hui que 0,2 % » du total mondial, selon Sangbu Kim. « Le temps des projets isolés est terminé : seule une vision partagée et des investissements coordonnés permettront d’inclure nos populations dans l’économie numérique », a martelé Aurélie Adam Soulé Zoumarou, ministre béninoise du Numérique, en appelant à une collaboration régionale plus étroite.
Les ministres appellent à la création d’un mécanisme régional de financement de la transformation numérique pour attirer capitaux privés, financements multilatéraux et investissements publics. « L’objectif affiché est de faire du numérique un droit effectif, et non un luxe réservé aux centres urbains ou aux élites connectées », a confié Ibrahim Kalil Konaté, ministre de la transition numérique et de la digitalisation de Côte d’Ivoire.
Et si, à Cotonou, les États promettent d’agir vite, il reste désormais à transformer les mots en actes. Comme l’a rappelé Moustapha Cissé, Ceo de Kera Health, et ancien patron du premier centre africain de recherche en intelligence artificielle, « la Déclaration de Cotonou doit être la dernière déclaration de la sous-région. Il faut maintenant agir ».
Fiacre E. Kakpo
Source : Agence Ecofin
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