
– Une victoire écrasante. L’Egyptien Khaled El-Enany a été élu, lundi 6 octobre, directeur général de l’Organisation des Nations unies pour la culture, l’éducation et les sciences (Unesco), succédant à la Française Audrey Azoulay pour un mandat de quatre ans. Sans surprise, l’ancien ministre égyptien du tourisme et des antiquités, soutenu notamment par la France, la Ligue arabe et l’Union africaine, s’est largement imposé en recueillant 55 voix, contre deux (les Etats-Unis n’ont pas voté), face à son adversaire, le Congolais Firmin Edouard Matoko, qui s’était tardivement lancé dans la bataille, en mars.
Son nom sera soumis, le 6 novembre, à l’approbation des 193 membres de l’Unesco réunis en conférence générale à Samarcande, en Ouzbékistan. Une simple formalité. « Je veux féliciter l’Egypte, grande puissance médiatrice qui en ce moment accueille une discussion pour la paix », a aussitôt salué Audrey Azoulay, en référence aux pourparlers sur Gaza en cours à Charm el-Cheikh.
Sourire franc, ton chaleureux, attitude simple : Khaled El-Enany joue la carte de l’apaisement après une campagne musclée et de nombreuses boules puantes jetées sur son passage. « Je me tiens debout avec humilité et gratitude », a déclaré en anglais Khaled El-Enany à l’annonce du résultat, après avoir d’abord remercié en arabe son pays pour avoir soutenu sa campagne de trente mois.
Ce poste, ce francophile et francophone le voulait de toutes ses forces, considérant la culture comme un instrument de dialogue et de développement pour les peuples. « J’ai commencé ma vie comme guide touristique, je sais le pouvoir économique de la culture, comment la diplomatie culturelle peut changer la vie des gens », avait-il confié au Monde en septembre. « Ma vision c’est l’Unesco pour les peuples, donner aux peuples les moyens d’agir pour protéger les droits humains, l’éducation, tirer parti des progrès scientifiques, avoir accès la culture et le droit à la liberté d’opinion et d’expression », avait-il alors ajouté.
« Chercheur chevronné »
Egyptologue reconnu, le quinquagénaire a fait ses études à l’université d’Hélouan (au sud du Caire), puis à l’université Paul-Valery de Montpellier, où il fut invité à plusieurs reprises comme professeur entre 2006 et 2023. Modernisation de l’accueil des sites, création d’un pass préférentiel pour les Egyptiens, rénovation des musées… En tant que ministre des antiquités et du tourisme de 2016 à 2022, il a joué un rôle clé dans la valorisation du patrimoine égyptien, dans un pays où le tourisme représente plus de 10 % du produit intérieur brut.
« Il incarne un alliage rare : à la fois chercheur chevronné et homme d’action, fin politique, habile négociateur sur la scène internationale, un profil de ce calibre est devenu exceptionnel par les temps qui courent », salue le diplomate Mohamed Bouabdallah, qui l’avait connu lorsqu’il était lui-même conseiller culturel en Egypte.
La tâche qui l’attend n’a rien d’une sinécure. L’ordre mondial né en 1945 pour rapprocher les peuples et les cultures vacille de toutes parts. Au point que la légitimité de l’Unesco est remise en question, sous les coups de boutoir des Etats-Unis, de la Chine comme de la Russie. Khaled El-Enany se veut malgré tout optimiste. « Je m’engage les cent premiers jours à travailler main dans la main avec les Etats membres », a-t-il assuré à l’issue de son élection.
Compenser le départ des Etats-Unis
En avril, déjà, il s’était montré rassurant face aux 58 membres du conseil exécutif qui l’auditionnaient : « J’aurai une politique de la porte ouverte, tenir des réunions régulières avec tous les groupes. Je serai à l’écoute des Etats membres. Vous aurez une réponse prompte à toutes questions posées. Chaque dossier sera traité sur un pied d’égalité, sans politisation. »
Sans vouloir réformer de fond en comble la maison, Khaled El-Enany ambitionne toutefois de faire exister plus largement les périmètres de l’Unesco. « Quand on demande aux gens ce qu’est l’Unesco, ils disent que c’est la culture. L’Unesco est là pour aider les gens. Il est indispensable que le mandat plein et entier soit mis à profit », avait-il précisé au Monde.
Mais pour cela, il faut de l’argent. La tâche première de Khaled El-Enany sera de compenser le départ des Etats-Unis, prévu en décembre 2026, qui prive l’Unesco de 75 millions de dollars sur un budget de 900 millions. « Sans argent, sans budget, vous ne pouvez rien faire », avait-il déclaré au Monde, faisant de la levée de fonds sa « priorité numéro 1 ».
« L’Unesco doit aller à des systèmes de financement nouveaux comme les obligations à impact social, augmenter le financement privé, discuter avec les patrons de la Tech », avait-il dit en septembre. Infatigable optimiste, il ne désespère pas non plus de faire revenir l’Amérique dans le giron de l’Unesco.
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