Le Sénégal, écrasé par le poids de sa dette, échoue à obtenir le soutien du FMI

La dette cachée du pays, mise au jour après le départ du président Macky Sall, en 2024, continue de peser sur les finances nationales. Dakar se rapproche du défaut de paiement.

Le Monde – Après dix-sept jours d’âpres négociations à Dakar, l’Etat le plus endetté d’Afrique, proche du défaut de paiement, n’est pas parvenu, jeudi 6 novembre, à conclure un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Il y a pourtant urgence. Etranglé par une crise de la dette, le Sénégal voit son économie tourner au ralenti depuis que l’institution monétaire a suspendu, en mai 2024, un prêt d’1,8 milliard de dollars (1,5 milliard d’euros).

Cette décision avait suivi la révélation d’une dette cachée de près 7 milliards de dollars, imputée par les nouvelles autorités, au pouvoir depuis avril 2024, au régime précédent de Macky Sall (2012-2024). Eventée d’abord par le premier ministre, Ousmane Sonko, puis confirmée, en octobre 2024, par l’Inspection générale des finances, l’affaire a pris de l’ampleur quand la Cour des comptes a estimé, en février, que les chiffres de la comptabilité publique étaient faux.

Le déficit budgétaire avait été largement sous-évalué. Fin 2023, il avait été chiffré à 4,9 % du produit intérieur brut (PIB) par l’ancien gouvernement. D’après le calcul de la Cour des comptes, il s’agissait pourtant de 12,3 % du PIB – le déficit s’est aggravé à 14 % du PIB en 2024. Depuis la mise au jour de ces « déclarations erronées », selon la terminologie du FMI, la dette du Sénégal ne cesse d’être réévaluée à la hausse : de 99,65 % fin 2023, elle est désormais estimée à 132 %, selon Dakar et le FMI.

Impasse financière

« Le cas du Sénégal, avec une dette cachée de cette importance », est inédit, a reconnu, jeudi, Edward Gemayel, chef de mission au département Afrique du FMI et négociateur présent à Dakar. Un an après la première évaluation, le chiffrage définitif de la dette peine à être finalisé. Une analyse de la viabilité de la dette est attendue. En d’autres termes, le FMI se refuse à déclarer, pour l’heure, si la dette du pays est soutenable.

L’arrivée inattendue, lundi, à Dakar, du directeur du département Afrique du FMI, Abebe Aemro Selassie, et sa rencontre avec le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye n’y auront rien changé. Le blocage des négociations risque d’inquiéter davantage les investisseurs, assureurs et agences de notations, fortement préoccupés depuis la troisième dégradation, en un an, de la note souveraine du Sénégal.

Le 10 octobre, l’agence Moody’s l’a abaissée à Caa1, à trois crans du défaut de paiement et au premier niveau d’un « risque extrême de crédit », suscitant l’ire de l’exécutif, qui s’est fendu d’un rare communiqué pour dénoncer un « acharnement ». « Le Sénégal est de plus en plus exposé à un changement de sentiment des investisseurs régionaux », résumait l’agence de notation.

La non-conclusion d’un nouvel accord avec le FMI va prolonger et aggraver l’impasse financière, d’après les analystes interrogés. « Sans le FMI, le Sénégal ne peut plus emprunter sur les marchés internationaux et est obligé de recourir davantage aux marchés régionaux, relève un banquier d’affaires, à Dakar. En somme, une dette pas chère est remplacée par une dette “surenchérie”, c’est un cycle infernal. »

Subventions à l’électricité

Passé inaperçu, le coût de la dette devrait connaître une hausse spectaculaire de 44 %, selon la loi de finances 2026, soit 400 milliards de francs CFA pour ses seuls intérêts. En 2026, l’Etat dépensera 30 % de ses ressources pour rembourser le seul service de la dette, avoisinant les budgets de l’éducation et de la santé réunis.

En coulisses, les autorités craignent le pire. D’après des sources financières, l’Etat a demandé au secteur bancaire local un rééchelonnement de sa dette, détenue à 60 % par les banques. Un signal alarmant d’une éventuelle restructuration de sa dette. Hanté par cette nouvelle donne, et en dépit d’un plan de relance annoncé, l’exécutif se révèle impuissant, pour l’heure, à inverser la tendance, et multiplie les signaux jugés contradictoires face au FMI qui, jeudi, se disait en attente de mesures dites « correctrices » du gouvernement.

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 (Dakar, correspondance)

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

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