«L’Amour à la folie», la célébration posthume d’Amadou & Mariam

RFI – Finalisé quelques jours avant la disparition d’Amadou Bagayoko, L’Amour à la folie est le dernier acte du couple iconique de la musique malienne Amadou & Mariam. Au-delà de cette valeur testamentaire liée aux circonstances, l’album souligne les fondements de leur identité artistique.

Impossible de ne pas ressentir une émotion particulière à l’écoute de l’ultime album enregistré par ce binôme qui s’est rencontré à l’Institut des jeunes aveugles de Bamako il y a un demi-siècle. Depuis leurs débuts discographiques en Côte d’Ivoire à la fin des années 1980, Amadou & Mariam avaient commercialisé une quinzaine d’albums. Sur scène, leurs attentions respectives l’un envers l’autre témoignaient du lien aussi fort que touchant qui les unissait. Avec la mort soudaine d’Amadou, en avril dernier, quelques mois après leur participation à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques de Paris, un chapitre s’est clos.

L’Amour à la folie le rouvre, ou plutôt, il en constitue l’épilogue, au sens propre tant l’album reprend et réunit les éléments essentiels de la démarche artistique du duo bamakois. Il faut d’ailleurs remonter loin dans le temps pour les entendre à ce point au centre de leur musique. Si le succès de Beaux Dimanches sous la houlette de Manu Chao a augmenté leur notoriété internationale de façon exponentielle, il a aussi laissé des traces sur les choix de production des projets qui ont suivi.

Réalisateur principal de l’album puisque son nom figure sur dix des treize morceaux (les trois autres ayant été confiés au Britannique Busy Twist), Pierre Juarez s’est attaché à « combiner » les envies des deux Maliens. « J’ai compris tout de suite qu’Amadou tenait beaucoup à ses guitares très blues. Il avait vraiment envie d’avoir sur cet album ses solos de guitare. Et Mariam avait envie de danser, que ce soit la fête », indique le multi-instrumentiste français qui les avait déjà rencontrés dans le cadre du premier volet de Lamomali, l’aventure collective de Matthieu Chédid.

Privilégier l’émotion générale

En guise de référence, il avait « Kobe Ye Watiye », datant de l’époque des premières cassettes mises sur le marché en Afrique de l’Ouest sous l’appellation Le Couple aveugle du Mali. Sur cette chanson, « il y a juste les voix et la guitare d’Amadou ». Voilà ce qu’il voulait retrouver « en apportant autour une production d’aujourd’hui, mais en préservant le cœur de leur musique » et en laissant davantage s’exprimer Amadou, « guitariste incroyable ».

Sa vision globale de L’Amour à la folie se rapproche d’un « album blues lo-fi malien, avec une touche de modernité et des éléments d’aujourd’hui comme des grosses basses 808 qui existent dans des morceaux de hip-hop actuels, ou des auto-tune très assumés sur la voix de Mariam », explique-t-il, assumant aussi l’héritage de « Sabali », l’un des titres phares de leur répertoire issu de leur collaboration avec Damon Albarn.

Sa matière première ? Des enregistrements effectués ici et là au cours des dernières années, entre les périodes de concerts, avec leurs musiciens ou d’autres (au total, près d’une vingtaine !). Des « jams » plus que des maquettes, des moments de « transe malienne » qui pouvaient durer jusqu’à dix minutes, précise Pierre Juarez. À lui ensuite de chercher des bribes de phrases pour reconstituer une chanson « plus construite sur le plan des structures », et de leur proposer des rythmiques, des synthétiseurs lors de leurs discussions en studio. « Dès qu’ils sentent qu’il y a une belle intention, ils sont assez faciles. Ils ne sont pas trop dans les détails et privilégient l’émotion générale que va amener un morceau », poursuit-il.

Les solos, moments d’euphorie

Le challenge pour lui a surtout été de « trouver la place » de l’instrument d’Amadou. « Parfois comme une sorte de sample », avec « un son assez aseptique qui ne prend pas tout l’espace mais qui est très présent et perce dans le mix », explique celui dont le travail avec Fatoumata Diawara sur Fenfo lui a valu une nomination aux Grammy Awards. Quitte à aller « à l’encontre des productions modernes très épurées », il tenait à sauvegarder « au maximum l’authenticité » de ces guitares « assez chargées, avec beaucoup de notes » et utiliser les solos « comme des moments d’euphorie de la chanson, tout en gardant de l’énergie en termes de rythmique ».

Amadou, décédé trois jours après avoir validé les derniers détails, aimait « ​​​​​​​quand il y avait de longues intros ». Pas toujours simple, dans ces conditions, de satisfaire aux exigences actuelles des formats, d’autant plus quand le morceau accueille un invité, à savoir le Congolais Fally Ipupa sur « Sonfo ».

« ​​​​​​​Quand les artistes sont heureux de leur musique, peu importe ce que dit le label ou le succès commercial », estime le réalisateur. Le verdict, sans appel, est tombé lors de la dernière séance d’écoute avec le couple malien. Visiblement séduits par le résultat, tous deux se sont levés pour « ​​​​​​​danser devant les enceintes ». Difficile d’imaginer plus belle image de fin.

 

Bertrand Lavaine

 

 

Amadou et Mariam L’amour à la folie (Because Music) 2025

 

 

 

Source : RFI

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page