Mauritanie – La parole des Haratine contre l’héritage de l’esclavage

Pendant des siècles, les Haratine ont été marginalisés, méprisés, considérés comme des sous-citoyens, en particulier au sein de la communauté maure. Réduits au silence, confinés aux tâches les plus pénibles, sans droits ni reconnaissance, ils ont longtemps été perçus non comme des membres à part entière de la société, mais comme une main-d’œuvre à exploiter.

Chez les Maures, cette marginalisation a souvent pris une forme plus dure, parfois plus violente, traduite par un système quasi féodal où les Haratine étaient assignés à des rôles d’exécutants silencieux, héritiers d’un statut d’esclave transmis de génération en génération. Ce rejet n’est pas propre aux Maures ; il existe, sous diverses formes, dans d’autres communautés de Mauritanie. Mais il est plus visible, plus institutionnalisé dans certaines couches de la société maure.

Face à cet héritage douloureux, des voix courageuses se sont élevées. Des mouvements comme El Hor dans les années 1980, et plus récemment l’action déterminée de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), ont apporté une nouvelle dynamique de résistance. Le Manifeste des Haratine a été un moment fondateur : une déclaration forte pour dire non aux pratiques esclavagistes et aux discriminations systémiques.

Aujourd’hui, les Haratine ne veulent plus être considérés comme un simple « poids électoral » à manipuler sans représentation réelle. Ils exigent leur place pleine et entière dans la société mauritanienne. Leur combat n’est pas uniquement contre l’esclavage traditionnel, mais aussi contre l’invisibilité sociale, la marginalisation politique et l’exclusion économique.

Le leadership de Biram Dah Abeid, député et militant infatigable, a permis de briser de nombreux tabous. Par son courage, son discours frontal et son refus de se soumettre aux féodalités anciennes et modernes, il a contribué à une prise de conscience nationale et internationale. Il ne s’est pas contenté d’interpeller les autorités : il a aussi dénoncé le silence complice d’une partie des élites intellectuelles.

Les Haratine d’aujourd’hui sont debout. Fiers, lucides, déterminés. Ils disent non à l’injustice, non à l’esclavage, non à l’hypocrisie. Leur combat dépasse leur propre communauté : il s’agit d’un combat pour l’égalité, pour la dignité humaine et pour une Mauritanie véritablement unie dans sa diversité.

 

 

Mamoudou Baidy Gaye dit Alia

journaliste militant membre de l’association de maison des journalistes de Paris

 

 

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