
– Un tribunal de Gand, en Belgique, a ouvert la voie, mardi 14 octobre, à un procès en assises pour Martina Johnson, 55 ans, une ancienne commandante du Front national patriotique du Liberia (ou FPNL, pour National Patriotic Front of Liberia, en anglais), l’organisation de l’ancien dictateur Charles Taylor.
Une autre instance, la chambre du conseil, devrait selon toute vraisemblance suivre les réquisitions du parquet fédéral et renvoyer prochainement devant une cour d’assises cette femme de 55 ans que le ministère public accuse de diverses exactions durant la première guerre civile, qui s’est déroulée dans son pays entre 1989 et 1996.
Réfugiée en Belgique depuis 2002, Mme Johnson a été mise en examen en 2014 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Trois de ses compatriotes avaient déposé plainte contre elle en 2011.
Une très longue enquête, que ses avocats ont tenté de contrecarrer en estimant que les faits éventuels retenus contre leur cliente étaient prescrits et ne reposaient que sur des témoignages, a finalement abouti à la mise en cause de l’intéressée pour la mort d’au moins dix personnes et « un nombre inconnu d’autres victimes ». Des témoins ont affirmé que celles-ci seraient « des centaines ».
L’opération « Octopus »
Martina Johnson, que Charles Taylor considérait comme « sa sœur », aurait contribué à la planification et la mise en œuvre de l’opération « Octopus », l’attaque de la capitale, Monrovia, par les troupes du FPNL, en octobre 1992.
Le conflit au Liberia a fait des dizaines de milliers de morts et entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes. Le premier plaignant affirme que l’une de ses sœurs a été tuée sur ordre de Martina Johnson lors d’un contrôle, en raison de ses origines ethniques. Lui-même affirme qu’il a été humilié, battu, et qu’il n’a échappé que de justesse à une émasculation. La deuxième plaignante est une autre de ses sœurs, le troisième accusateur – mort depuis – affirmait avoir été frappé à coups de baïonnette par un adjoint de Mme Johnson.
Les avocats de celle-ci affirment qu’elle a, en fait, été enrôlée de force après que sa famille fut forcée de fuir à cause des violences des hommes de Charles Taylor. Elle est, en tout cas, devenue l’une des rares gardes du corps féminines du chef du FPNL, puis cheffe de la sécurité à l’aéroport de Monrovia.
Dans une interview au quotidien belge Het Nieuwsblad publiée en 2014, elle affirmait avoir été violée à plusieurs reprises et contrainte de s’engager dans le service spécial de sécurité de Charles Taylor. Un rapport de la commission vérité et réconciliation du Liberia la désignait, en 2009, comme l’une des 198 personnes coupables de crimes de guerre durant la guerre civile.
Un dossier de quelque 10 000 pages
Laissée en liberté surveillée après sa mise en examen, employée un temps dans l’usine automobile Volvo de Gand, mère d’un enfant et vivant en concubinage, Martina Johnson a longtemps cru qu’elle échapperait à des poursuites. Les longues investigations de la justice belge, fondées sur la loi de compétence universelle, ont mené les policiers aux Etats-Unis, en Allemagne et en Norvège.
Dans un premier temps, le Liberia a refusé de coopérer, avant d’accepter une commission rogatoire. Les épidémies d’Ebola, puis de Covid-19 ont également retardé le processus. Comme le manque de moyens humains du parquet fédéral pour mener à bien des recherches de ce type.
La justice belge est toutefois parvenue à établir un dossier de quelque 10 000 pages qui contient des éléments de preuve apparemment probants, dont des photos pouvant démontrer l’implication de Mme Johnson dans les crimes de guerre qui lui sont imputés.
Les ONG libérienne Global Justice ans Research Project et suisse Civitas Maxima ont également contribué à documenter le dossier d’accusation. Le parquet fédéral a, mardi, réclamé l’incarcération de Mme Johnson afin d’éviter qu’elle puisse se soustraire à son procès. La chambre du conseil n’a pas suivi sa requête.
La totalité des accusations contestée
La Libérienne risque en théorie une condamnation à perpétuité et pourrait aussi être obligée d’indemniser les plaignants. Ses avocats envisagent, de leur côté, d’invoquer la fragilité de témoignages collectés plus de trente ans après les faits. Et leur cliente conteste, de toute façon, la totalité des accusations formulées contre elle, soutenant qu’elle se trouvait loin de Monrovia lors de l’opération « Octopus ».
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com