La Coupe du monde 2026 s’éloigne pour les supporteurs du Sénégal et de la Côte d’Ivoire

L’administration Trump a allongé la liste des pays visés par des restrictions d’entrée aux Etats-Unis, le 16 décembre. Ces nouvelles mesures entreront en vigueur le 1er janvier et pourraient empêcher de nombreux fans d’assister au tournoi.

Le Monde – « Le football unit le monde », aime à répéter Gianni Infantino. A quelques exceptions près, visiblement. A deux mois du coup d’envoi du Mondial 2026 (du 11 juin au 19 juillet), le slogan du président de la Fédération internationale (FIFA) est mis à mal par la politique migratoire des Etats-Unis, coorganisateurs du tournoi avec le Canada et le Mexique.

Après une interdiction totale d’entrée sur son sol national, imposée en juin aux citoyens de douze pays, dont l’Iran et Haïti, l’administration Trump a décidé, le 16 décembre, d’ajouter des restrictions à ceux de vingt nouveaux Etats. Parmi eux : le Sénégal et la Côte d’Ivoire, dont le décret suspend notamment l’accès au territoire américain aux détenteurs de visas temporaires de tourisme. Soit le document nécessaire aux supporteurs pour assister à la compétition.

Ces mesures, qui entreront en vigueur le 1er janvier, entendent « protéger la sécurité des Etats-Unis », selon le discours officiel. Pour les justifier, la Maison Blanche invoque des problèmes de « dépassement de la durée de séjour autorisée ». Autrement dit, elle estime qu’un nombre excessif de ressortissants sénégalais et ivoiriens resteraient illégalement dans le pays.

« La manière dont l’administration Trump sélectionne les profils qui peuvent entrer sur son territoire, en distinguant un prétendu bon ou mauvais immigrant, est guidée par des biais idéologiques marqués par une vision très racialisée du monde », analyse Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris. « Cette volonté de polariser politiquement le sujet vise à parler à la base électorale MAGA [Make America Great Again, “rendre sa grandeur à l’Amérique”] avant les élections de mi-mandats de 2026. »

Deux matchs aux Etats-Unis, un au Canada

Ces restrictions s’inscrivent dans le cadre d’une série d’annonces promettant de durcir les critères d’entrée aux Etats-Unis, après l’attaque de deux membres de la garde nationale à Washington DC, le 26 novembre, pour laquelle un Afghan de 29 ans est poursuivi. Le lendemain, Donald Trump affirmait ainsi sa volonté de « suspendre définitivement » l’immigration venant « du tiers-monde ». Le 10 décembre, son administration indiquait qu’elle allait exiger des visiteurs étrangers exemptés de visas qu’ils fournissent l’historique de leurs activités sur les réseaux sociaux depuis cinq ans.

Les supporteurs du Sénégal risquent donc être peu nombreux à assister à la rencontre contre la France, le 16 juin, à New York, et lors de la suivante, une semaine plus tard, face à la Norvège. Le dernier match de groupe des Lions de la Teranga, le 26 juin, contre un barragiste, leur sera en revanche plus accessible car il se jouera à Toronto, au Canada. Les Ivoiriens sont confrontés à une situation similaire avec deux rencontres à Philadelphie et une dans l’Ontario.

Pour l’instant, les autorités des deux pays n’ont pas réagi de manière officielle. Mais le journal sénégalais Le soleil a estimé que la mesure revenait à « mettre des barbelés » autour des fans de la sélection. Interrogée par Le Monde, la FIFA n’a pas commenté le décret de Washington. Pour le gouvernement Trump, l’instance internationale n’a pas vraiment son mot à dire. « La sécurité reste la priorité absolue » pour le Mondial 2026, a déclaré au New York Times Andrew Giuliani, directeur du groupe de travail de la Maison Blanche sur l’organisation de l’événement. Or, insiste-t-il, « chaque décision de visa est une décision de sécurité nationale ».

« Détruire la dimension mondiale » du tournoi

Confronté à la grogne et l’inquiétude des supporteurs, le président des Etats-Unis a promis, mi-novembre, dans une volonté d’apaisement, d’accélérer le traitement des demandes de visas pour le Mondial. Les mesures prises par son administration laissent néanmoins à penser que ce sera compliqué pour de nombreux fans d’assister au tournoi.

Plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer cette politique anti-immigration, jugeant qu’elle contrevient à la promesse d’universalité et d’ouverture de ce type de compétition. « Donald Trump fait tout son possible pour détruire la dimension mondiale de la Coupe du monde, que ce soit en terrorisant les immigrés aux Etats-Unis ou les touristes », déplore Thomas Kennedy, analyste politique à la Florida immigrant coalition, qui regroupe plus de 65 associations de défense des immigrés. A ses yeux, les futures restrictions imposées aux Sénégalais et Ivoiriens « illustrent à quel point le choix de Gianni Infantino d’offrir un “prix de la paix” [au dirigeant américain] était désastreux ».

« Notre gouvernement met en œuvre des politiques néfastes qui empêchent ou restreignent fortement les déplacements de millions de personnes, principalement originaires de pays africains et à majorité musulmane », regrette aussi Jamil Dakwar, directeur de recherches sur les droits humains à l’American civil liberties union, une association de défense des libertés individuelles basée à New York.

De fait, cette vision restrictive qui se traduit en actes entre en contradiction avec les grandes déclarations du patron de la FIFA. « Les fans du monde entier seront les bienvenus », assurait ce dernier, fin août, au sujet du Mondial 2026. La promesse, formulée il y a moins de quatre mois, semble déjà bien datée.

 

 

 

 

 

Source : Le Monde  – (Le 19 décembre 2025)

 

 

 

 

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