Ibrahim Thiaw : «À travers le monde, il a été noté que 6 conflits inter-états sur 10 ont un rapport avec les ressources naturelles»

Lorsqu’on parle de sécurité, très peu de gens pensent aux inter-relations entre « Nature, Paix et Sécurité ». Jusque récemment, les forces de sécurité ont mis l’accent sur la belligérance, le face à face et l’usage des armes. De nos jours, les combats symétriques, la cybersécurité ou même la désinformation sont de nouvelles pré-occupations.

Malheureusement, une autre dimension germe très rapidement. En l’occurrence la connexion sécurité-environnement. Il s’agit non plus de faire face à un ennemi équipé d’armes, mais à des phénomènes naturelles aussi mortelles et destructrices que les guerres. Certains sont violents comme les cyclones et autres tempêtes tropicales. D’autres tuent en silence comme c’est le cas des sécheresses, ou des pollutions.

Désormais, à travers le monde, riches et pauvres font face -certes avec des moyens différenciés- au changement climatique, à la perte de la biodiversité, à la perte de terres productives et à des pénuries d’eau. Des phénomènes amplifiés, voire largement générés, par les activités humaines.

Bon an, mal an, la Nature nous fournit, sans que l’on apprécie, la moitié du PNB. La nourriture que nous consommons, l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, les habits que nous portons, et la liste est longue, nous sont fournis par la Nature.

Souvent, l’on ne se rend vraiment compte de ce fait que lorsque la pénurie nous frappe.

En croisant nos données démographiques (la demande) avec la capacité de la nature à se régénérer (l’offre), nous devons nous rendre à l’évidence que nous sommes en phase de sur-consommation. C’est ainsi que la biodiversité, les terres, les eaux, les pêcheries, les forêts, les zones humides et la plupart des écosystèmes sont en déclin, essentiellement du fait d’activités humaines.

Les conséquences sont multiples. La moins connue est l’émergence de situations conflictuelles de plus en plus graves. À travers le monde, il a été noté que 6 conflits inter-états sur 10 ont un rapport avec les ressources naturelles. Compétition due à la rareté, par exemple pour l’accès à des terres fertiles, à l’eau ou des ressources minérales. Ou au contraire, lorsque l’abondance des ressources aiguisent les appétits, livrant des acteurs locaux, ou internationaux, à une course effrénée à l’extraction.

Il est des fois où les conflits naissent de pollution d’espaces transfrontaliers. Ou de rétention de ressources partagées (par exemple construction de barrages en amont de bassins versants).

Les cas sont multiples où la (mauvaise) gestion des ressources naturelles sont les causes profondes d’insécurité ou de conflits ouverts. Le Sahel en est un exemple patent : cette région est avant tout malade de la rareté des ressources (terres fertiles, eaux, pâturages, forêts etc), une situation exacerbée, de longue date, par une gouvernance politique boiteuse. Les conflits au Moyen-Orient sont un autre exemple : la rareté des ressources entraine des compétitions qui, mal gérée, deviennent des conflits meurtriers.

Dans l’avenir, les systèmes sécuritaires des Nations auront à s’adapter à de nouvelles menaces. Les prochaines guerres ne seront pas nécessairement des confrontations armées classiques. Les munitions classiques ne serviront point à arrêter les feux de forêts, ou les effluves d’eaux polluées, les déserts et les vents de sable, ou encore la cybersécurité et la désinformation.

 

 

Ibrahim Thiaw

 

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